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 Vingt ans après (Maddy)


Vingt ans après (Maddy) EmptyDim 5 Oct - 16:28

Un soleil éblouissant dardait sur Paris ses rayons impitoyable. Sous l’éclat de sa lumière on percevait mieux les fissures dans les vieux bâtiments, l’or des carrosses et des hôtels particuliers, les flaques d’eaux qui témoignaient d’un orage récent. Orage qui continuait de couver dans le regard du lieutenant criminel alors qu’il chevauchait en direction de l’hôtel particulier de la maison bourbon. Le policier faisant la route à ses côtés ne s’y trompait et affichait un silence aussi respectueux que craintif. Il espérait silencieusement que la colère qui couvait dans les prunelles sombres de son supérieur ne s’abatte pas sur lui sans raison. Extérieurement, Gabriel de la Reynie semblait calme. Il montait sans agressivité un cheval qui accueillait avec placidité les remues des rues parisiennes. Ses mains ne tremblaient pas ou ne serraient pas particulièrement les rênes tandis qu’il dirigeait sa monture. De même, il ne paraissait pas particulièrement tendue ou inconfortable malgré la chaleur étouffante et les relents inconfortable qu’elle suscitait. Pourtant un observateur prévenu et connaissant bien l’homme ne manquerait pas de déceler quelques signes ne trompant pas. Tout d’abord, ses lèvres ne formaient qu’une ligne mince et pincée à travers son visage alors que de nouvelles rides apparaissaient sur un front qui commençait à accuser le poids des années. Des cernes généreux soulignaient un regard glacial et déterminé au fond duquel on lisait une colère qui faisait trembler les hommes sous ses ordres. Actuellement, sa colère demeurait dans l’esprit du lieutenant criminel alors qu’il ressassait les évènements récents.
En plus de bureaux miteux et d’une histoire d’assassinat des plus exaspérante, son prédécesseur avait eut le mauvais goûts de lui transmettre quelques dossiers qui empestaient les ennuis à des lieux à la ronde. Des dossiers que l’on ne pouvait pas se permettre d’ignorer si on voulait conserver son poste mais qu’on ne pouvait traiter sans risquer un retour de flammes plus que violent. Et l’affaire qu’il se devait de traiter aujourd’hui en faisait partie. En apparence l’affaire ressemblait à beaucoup d’autres cas pénibles. Des vols, du recel, des bijoux traversants par miracle le pays ou la frontière de façon à ce que leurs propriétaires n’aient pas la moindre chance de jamais les revoir. Bref, la base classique d’une enquête longue minutieuse menant à un nombre incroyablement frustrant de fausses pistes. Gabriel avait suivit l’affaire avec un sombre pressentiment lui indiquant qu’en gérant ce dossier il plongeait directement dans un puits sans fond de problème. Et il avait eut raison. Et bien que l’homme adore avoir raison, il y avait des jours où il enviait les imbéciles naïfs à qui il arrivait de se tromper.
Il avait vaguement envisagé de refiler directement le dossier à quelqu’un d’autre. Mais Bontemps était trop subtil pour jamais tomber dans ce piège et le gros lard pompeux et obséquieux qui faisait office de prévôt pour Paris lui donnait un urticaire tel qu’il préférait se faire virer que de donner la moindre affaire à cet abruti. Ce qui ne l’empêchait pas de souhaiter d’être partout ailleurs.
 Parce que le recel avait évidemment dût être organisé par un membre de la troupe de Molière, comédiens ou domestique cela restait à déterminer. Mais dans un cas comme dans l’autre ça devenait une sacrée épine dans son pieds. Théâtre et police n’avait jamais fait bon ménage, à peine meilleur que théâtre et Eglise. Et ce n’était pas près de changer. D’un point de vue personnel Gabriel appréciait moyennement le théâtre, lui préférant d’autres formes artistique comme la peinture ou la musique, et s’il n’appréciait guère le théâtre il exécrait les comédiens. De son expérience personnelle, ces gens étaient bruyant, égoïste, irrespectueux et avait une tendance à se plaindre des plus déplaisantes. Sans compter qu’ils faisaient d’une montagne une taupinière et qu’une atroce déformation professionnel les forçait à toujours se mettre en avant et se montrer, c’est le cas de le dire, théâtrale. Si cette exubérance et cette tendance à tout amplifier laissait en général Gabriel de marbre, elle pouvait aussi l’agacer. Et aujourd’hui il la redoutait. Parce que la troupe de Molière était dans les petits papiers du roi et de son frère. Nul doute que la perquisition n’allait pas lui plaire et que cette histoire allait se muer en tragédie. Voilà pourquoi Gabriel aurait voulu éviter cette histoire et voilà pourquoi il se retrouver à gérer personnellement une tache aussi ingrate et pénible. Il s’agissait d’être en mesure de prouver au roi que l’affaire avait été prise avec le plus grand sérieux et de pouvoir répondre directement et vertement aux récriminations que les comédiens ne manqueront pas de faire. Parce que malgré toute l’estime qu’il avait pour Nicolas, il devait bien reconnaitre que son ami qui aurait dût s’occuper de la perquisition à sa place, n’était pas encore habitué aux manières matter dolorosa des acteurs. Terrorisant allègrement les criminels et les escrocs, il lui manquait encore un peu du vernissage nécessaire pour traiter le cirque et les plaintes des grands de ce monde. Ce vernissage Gabriel avait l’impression d’un peu trop le parfaire en ce moment et ça ne le lui plaisait pas. Il n’y avait rien de plus usant pour ses nerfs que les sous-entendus mielleux d’un certain prince étranger ou les cris d’effroi des nobles dames à qui on devait expliquer que retrouver des bijoux volé ne se faisait pas en un mois et que ce n’était pas en le harcelant qu’il allait mieux travailler. Mais que cela lui plaise ou non son travail possédait un aspect de plus en plus politique et il se devait de faire avec.
Ses pensées furent interrompus lorsqu’ils arrivèrent face à l’hôtel. Ses hommes, qu’il avait personnellement choisit. Le rejoignirent bientôt et il vérifia sans en avoir l’air qu’ils étaient sobres et présentaient pas trop mal. Soyons clair, la police ne se composait pas uniquement de gentilhomme loin de là. Mais il se devait de veiller à ce que les meilleurs conditions soient réunis pour la perquisition. Il darda sur eux un regard perçant tout en mettant pieds à terre.


Nous commencerons pas les communs. Vous attendrez mon aval pour vous occupez des pièces communes. Les chambres ne se feront qu’en ma présence. Suis-je clair?

Il attendit de recevoir des signes d’assentiment puis reprit. Cette technique de perquisition avait de nombreux inconvénient. Elle ralentissait considérablement les recherches et offrait des possibilités d’échappatoires considérables aux coupables. Cependant agir plus rapidement et brutalement revenait à mettre sa tête sur un piloris et attendre qu’on lui lance des fruits pourri à la figure. Et ces gens n’étaient que des comédiens. 


En revanche, je veux que vous surveiller chaque pièce et surtout chaque sortie. Notre homme ne doit en aucun cas nous échapper.


Il dispersa ses hommes et alla frapper à la porte. Un garçon, page sans le moindre doute, vint lui ouvrir. Il le dépassa sans rudesse mais ne s’embarrassant pas le moins du monde d’une certaine délicatesse.



- Mène moi au salon et dit à tes maitres que je suis ici pour une perquisition. Cependant tu as interdiction de sortir de cette maison. Si personne n’est présent un de mes hommes ira les chercher.



Une fois dans le salon, il ne s’assit pas et se contenta de se planter au centre de la pièce alors que ses hommes commençait à fouiller la maison. Il croisa les mains dans le dos et se demanda qui des policiers ou des comédiens viendrait le déranger en premier.
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Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptySam 18 Oct - 6:45

L’une lisait, l’autre brodait, la dernière gloussait en relisant une lettre. Elles cohabitaient mais parvenaient à s’ignorer. Des années d’une vie trop pleine de proximité et l’oubli d’autrui devenait normalité. Ou presque. Car comme Armande était pénible. Trop expressive, presque volontairement dérangeante, comme s’il lui fallait un public pour applaudir sa félicitée, elle tirait à Madeleine des regards régulièrement accusateurs. D’un naturel posé accommodateur, pour autant cette dernière supportait difficilement l’exaspérante façon que sa fille avait de toujours devoir se mettre en avant. Les premiers rôles ne lui suffisaient pas, hors des planches il fallait que tous les regards se tournent vers elle. Dommage, elle n’avait ici droit qu’à l’indifférence de mademoiselle de Brie et les froncements de sourcils de la Béjart.

- Savez-vous qui viens de m’écrire, demanda finalement la jeune femme, vraisemblablement incapable de souffrir le manque d’intérêt pour sa personne.
Mais puisqu’elle le désirait si ardemment, Madeleine ne répondit pas par l’apathie et la darda d’un regard qui se voulait faussement intéressé et d’une voix trop aiguë pour être naturelle.
- Comme il doit être difficile d’être ainsi couvée par vos admirateurs, ô belle et scandaleuse Erato.

La référence à la muse de la poésie érotique ne plut pas.
Une taquinerie, à peine méchante mais pleine de vérité, et de nouveau Armande fut vexée. Comédienne de talent mais tragédienne incomparable lorsqu’il s’agissait de sa vie quotidienne, la jeune femme sortie en claquant la porte derrière elle sous le regard désolé de Catherine et le rictus cynique de Madeleine. Mais le départ pathétiquement théâtralisé de la belle eut pour seul effet de laisser un agréable sentiment de quiétude. Comme on était bien, loin des simagrées de Mlle Molière. Presque soulagée par l’exode de la benjamine, toute prédictible avait-elle été, Madeleine se leva en soupirant. Un instant elle partit s’appuyer sur le rebord de la fenêtre, contemplant le spectacle désolant mais ensoleillé d’un Paris toujours grouillant. Marchands et acheteurs, riches et pauvres passaient devant elle, l’ignoraient souvent, la saluait parfois, ce qui toujours lui tirait un sourire aimable. Mais rien de bien intéressant dans le vague examen des alentours, simplement l’habituelle agitation, commun fond sonore qui ne laissait maintenant plus que de l’indifférence.
Elle se redressa et, transparente aux yeux des quelques personnes qui se trouvaient toujours dans le salon commun, s’en fut grimper trois étages. Finalement ennuyée de la compagnie d’autrui mais, paradoxalement, n’ayant pour autant pas envie d’effectuer seule le trajet qui aurait pu la mener à une maison privée, elle se laissa tomber dans un fauteuil de sa chambre. Juste milieu entre calme et parfaite solitude.

Mais à peine venait-elle de s’asseoir que des bruits trop inhabituels pour ne pas être suspects la firent tiquer. Mais elle ne s’en inquiéta dans un premier temps pas et se contenta d’élever la voix pour demander ce qui se passait, s’attendant à une réponse complètement alambiquée. Molière aurait été ramené ivre mort, à dos d’âne jusque dans la cuisine, par un Robinet lui-même titubant que la Béjart n’aurait pas été étonnée. La notion de normalité était dans cette maison toute relative. Mais la seule réponse étant un cri aigu de femme affolée et de lourds pas audibles depuis le dernier étage, elle se leva et sorti à la hâte de la pièce.
La chose devait être importante car Catherine s’était, chose étonnante, aventurée à entrer à l’étage de Madeleine sans même avoir eu l’élémentaire politesse de frapper. Affolée, elle se précipita vers son aînée, qui la regardait entre étonnement et inquiétude.

- Des soldats ! Il y a des soldats partout, bégaya la brune, bien loin de son charisme naturel.
- Plait-il ?!

Mais la confirmation ne se fit pas attendre. Voilà qu’entrait à présent un domestique également dépassé par la situation.

- Mademoiselle Béjart, quelqu’un d’la police qui demande à vous voir.

Et voilà qu’arrivait à présent la nourrice de la fille d’Armande, l’enfant dans les bras, se plaignant d’avoir été bousculée par des hommes qui vraisemblablement se permettaient de se poster à chaque étage et de commencer à en faire le tour.
Inadmissible. Tout bonnement scandaleux. Le visage de la Béjart se ferma et ses poings se serrèrent, alors que Catherine la suppliait de faire quelque chose et que sa toute jeune filleule retenait difficilement des larmes d’angoisse.
Pour ainsi dire maîtresse de maison –et quoique le titre se disputait régulièrement avec Armande, mais là n’était pas la question-, on comptait tout naturellement, peut-être trop naturellement, sur elle dès lors qu’il était une question un peu épineuse. On lui trouvait une certaine habilité à faire émerger des solutions toujours arrangeantes. Mais dans le cas présent hors de question de jouer dans la finesse. Au diable la diplomatie, puisqu’on employait ici la force elle ne s’embarrasserait pas de politesse. Oh! ces hommes regretteraient amèrement le fait d’avoir osé franchir le seuil de cette demeure.

Elle descendit les escaliers en trombe, criant au scandale de sorte à ce que personne dans cette maison ne soit en mesure de l’ignorer. Répétant plus haut que nécessaire qu’elle ne supporterait pas une telle insulte, elle entra dans la pièce principale du rez-de-chaussée. Car loin de souiller de leurs pas lourds une maison ordinaire, c’était dans celle de comédiens du roi qu’ils osaient s’introduire. D’honnêtes et royalement protégés artistes se trouvaient ici non pas dérangés mais personnellement injuriés.
Honteux, odieux, inadmissible. La liste aurait pu s’allonger longtemps encore. Cependant elle descendi d’un ton en posant ses yeux durs sur celui qui de toute évidence était en charge de cette affaire. Durant quelques secondes elle ne le reconnut pas et se contenta de le gratifier d’un visage fermé dans la détermination. Et puis le nom vint. Presque aussitôt, entouré d’une aura de dégoût. Elle l’identifia et ses lèvres se tordirent, affichant une grimace qu’elle ne chercha pas même à masquer. Gabriel de la Reynie. Qui sur l’échelle de la haine se situait à une place tout à fait honorable. Pour autant peu enviable.
La tentation de la couvrir de noms d’oiseaux fut aussi grande que naturelle. Mais pragmatique dans la haine, Madeleine se força à n’en rester qu’aux faits.

- Auriez-vous, monsieur, l’amabilité, la gentillesse et l’obligeance (elle insista très fortement sur ce dernier mot) de me dire tout ce que cela signifie ?

Les faits, les faits uniquement. Mais cela ne s’opposait pas au mépris dont été tinté la voix. Loin des syllabes habituellement rondes et douces, les mots, saccadés, sortaient comme s’ils étaient voués à blesser physiquement. L’amabilité et la gentillesse sonnaient comme deux insultes plus encore que l’obligeance un ordre.
Ses bras se croisèrent sur sa poitrine alors que son pied frappait à courts et réguliers le plancher, trahissant détermination et impatience. Le regard, quant à lui, n’était que sévérité.
Madeleine Béjart
Madeleine Béjart
Comédienne aux 1001 masques.Comédienne aux 1001 masques.
Titre/Métier : Comédienne
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Situation : Officiellement célibataire, officieusement passe un peu trop de temps chez Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptyJeu 6 Nov - 14:50

Gabriel était un homme patient. Il attendait sans le moindre signe de lassitude que la perquisition produise un effet quelconque. L’effet le plus souhaitable étant la découverte de preuves concernant le recel et le trafique. L’effet le plus probable, et même le plus immédiat, était l’esclandre que n’allaient pas manquer de provoquer les comédiens de la troupe de Molière. D’ailleurs il était surprenant que personne ne se manifeste encore alors que le vacarme de la perquisition résonnait de plus en plus fort. Aux martèlements des bottes, on ajoutait les commentaires des policiers et les ordres des officiers, sans mentionner les meubles que l’on déplaçait. À cela s’ajouta  de façon très prévisible les cris, les plaintes et les exclamations de la domesticité qui voyait le chaos qui s’installait de façon inexorable et violente sur son lieu de travail. Et enfin la touche final de ce concert vint se superposer au reste. Les maitres de la maison se mirent eux aussi à protester et à hurler au scandale. C’était principalement des voix féminines et insupportablement aiguës qui venaient lui vriller les tympans alors qu’un bruit de cavalcade se faisait entendre dans les escaliers. Nul doute que son message avait été transmis et qu’il allait bientôt se trouver confronter à un interlocuteur autrement plus coriace qu’un domestique si facilement impressionnable.  

La porte du salon dans lequel il attendait, en analysant le boucan, s’ouvrit et une femme fit son apparition. Malgré les années, il la reconnu immédiatement. Il la reconnu d’autant plus facilement qu’il était finalement coutumier avec ce genre d’entrée, elles étaient pour ainsi dire la spécialité de Madeleine Béjart. La première fois qu’il l’avait « rencontré » elle avait fait une apparition similaire pour exiger que le duc d’Epernon autorise sa troupe à se produire à Dijon ainsi qu’il l’avait promis. La seconde fois la scène s’était reproduite presque à l’identique, seule le nom de la ville avait changé. De fait, les crises et les plaintes de la comédienne faisaient parti de son quotidien d’intendant au même titre que les gémissements des paysans sur les mauvaises récoltes. À ceci près que les paysans étaient plus facile à contenir que cette femme qui en plus estimait indigne d’elle de s’opposer à un serviteur (tout noble et intendant qu’il soit) et non pas au maitre en personne. Même si elle exprimait bien plus vertement sa rage quand elle se confrontait au serviteur, ce qui avait l’avantage de la calmer avant d’aller mielleusement plaider sa cause auprès En bref, Gabriel reconnaissait plus aisément à la comédienne son talent pour les plaintes, les réquisitoire et les exigences  que son talent pour le théâtre. Quoiqu’être capable de créer de telles drames dans la vie réelle devait lui donner un entrainement avant de s’imposer sur une scène. Quoiqu’il en soit Gabriel savait se trouver désormais face à un adversaire à l’indignation facile et au trémolos exaspérant. Il retint son soupir et se demanda pourquoi il ne pouvait pas être confronter à Mademoiselle Molière qui tout aussi théâtrale que sa « soeur » ne pouvait pas prétendre posséder la même carrure. Enfin au moins son adversaire était connu.

En la voyant pénétrer dans la pièce, il inclina poliment le buste mais de manière à lui rappeler qu’elle n’était que comédienne. Il accompagna son salut d’un «  Mademoiselle » courtois mais ferme et indifférent. Juste une façon de démontrer à cette furie que contrairement à elle il n’oubliait pas ses bonnes manières même lorsque la situation sortait quelque peu de l’ordinaire. Il ne poussa cependant pas l’hypocrisie et la moquerie à s’informer sur sa santé. De toute façon, elle ne lui en laissa pas le temps et commença tout de suite à donner ses exigences. À l’acier des mots qu’elle lui jetait à la figure, il opposa une amabilité aussi douce que méprisante, un ton presque ennuyé et professoral alors qu’il répondait indifféremment.

Nous effectuons une perquisition en cet hôtel, mademoiselle.

Il marqua un temps d’arrêt et ajouta comme si c’était un sujet accessoire, et parce que pour lui c’était effectivement accessoire.

Navré pour le dérangement que cela occasionne.



Cette phrase, il la pensait à peine et avait conscience que dans sa bouche et au vu de son attitude poliment distante elle pouvait sonner comme une moquerie et pas comme une excuse sincère. Ce n'était pas son problème même s'il avait conscience qu'il n'avait sans doute pas choisit la meilleure manière de répondre à la scène, juste la plus facile pour lui.
À l’exaspération visible de la comédienne, il opposait un calme qui rien ne pouvait atteindre, à sa colère il répondait par la politesse, le mépris qu’elle avait pour sa personne s’heurtait à une indifférence. Même physiquement les deux protagonistes de la scène s’opposaient étant donné qu’elle n’était qu’agitation et énervement avec son pieds tapant le sol alors que son immobilité rappelait celle des statues. Toujours maitre de lui même, il tendit un papier à la comédienne.



- Avant que vous ne me le réclamiez, voici mon mandat royal.



Mandat dont il pouvait aisément se passer vu sa position, mais mandat que le bon sens réclamait. On ne s’opposait pas à des gens ayant un tel don pour créer des tragédies sans prendre des précautions, sans quoi on mourrait au premier acte. Un policier hésita mais sur un imperceptible mouvement de son supérieur le rassura, il contourna donc soigneusement la comédienne pour pénétrer dans le salon et donner quelques documents à Gabriel. Ce dernier les parcourus rapidement avant de murmurer quelques ordres, réclamant que ses hommes passent des cuisines aux combles sans s’attaquer aux pièces réservés aux comédiens. Puis il rendit les liasses à son subordonné. Ce dernier acquiesça et ressortit, il eut cependant un réflexe salvateur pour les bonnes manières et s’inclina devant Madeleine Béjart en murmurant maladroitement


Mademoiselle.



Puis il disparut dans les escalier courant et créant un vacarme de tout les diables qui tira à Gabriel une grimace que n’avait pas put lui arracher l’ordre de Madeleine. Bon sang, pourquoi les jeunes gens ne pouvaient pas être discret? En même temps vu le boucan qui s’attardait dans l’hôtel particulier on n’était plus à une cavalcade près. Gabriel reprit un air impassible et ajouta


Je dois vous préciser que tant que l’opération est en cours vous ne pouvez quitter ces lieux.



Puis il se détourna en attendant qu’on vienne lui soumettre un nouveau rapport ou, plus probable, que son interlocutrice se lance dans une tirade improvisée, hargneuse, tragique et exaspérante.  
Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptyVen 14 Nov - 8:32

« Navré pour le dérangement occasionné. » Voilà des mots dont le culot n’avaient d’égal que l’hypocrisie. Mais sans doute bien excellemment bien choisis si le but était de la faire s’étouffer sur place. Car il avait l’extraordinaire et unique capacité à la mettre hors d’elle. Par sa simple présence il rendait le calme presque impossible à tenir. D’habitude posée et dotée d’un sang froid qui lui permettait, lorsque la situation le demandait, de régler les choses dans la sérénité, il suffisait que Gabriel de la Reynie apparaisse dans son champ de vision pour que Madeleine ne soit plus que tension et colère. Deux décennies et les sentiments qu’ils s’inspiraient réciproquement n’avaient de toute évidence pas changé. Elle avait toujours tant à lui reprocher.
D’un geste sec elle attrapa le papier qu’il lui tendait afin de le lire attentivement, quoiqu’elle devinât bien qu’il ne pouvait mentir sur la nature du document. A son total mécontentement, la Béjart fut ainsi forcée de constater que l’homme agissait dans son plein droit. Un royal scandale. La chose lui fit serrer un peu plus la mâchoire. Et plutôt que de rendre poliment à Gabriel son mandat, elle le froissa d’une main et le laissa tomber devant les pieds du lieutenant de policier. Il ne méritait pas même qu’elle tende le bras en sa direction. Elle n’eut cependant pas le temps d’accompagner le geste d’une insulte verbale, puisqu’un subalterne entrait à présent. Regardant avec méfiance les papiers tendus, elle se rendit rapidement compte qu’il ne s’agissait que de finances d’intendances, une simple perte de temps pour Gabriel. Ce qui lui tira un léger sourire narquois. Le jeune homme revenant sur ses pas, feuillets sous le bras, il s’inclina cette fois légèrement devant Madeleine. Cette dernière répondit par un hochement de tête, eut pour lui un rictus aimable, avant de lever son regard noir et de murmurer quelques mots.

- Je vous recommande de courir hors de ma vue.

Il ne manqua pas d’obtempérer, en témoignait le bruit sourd de ses pas dans les escaliers.
Le subordonné sorti, la Béjart reposa les yeux sur Gabriel, écoutant d’une oreille écorchée par le simple son de sa voix. Rester enfermée ici sur son ordre : voilà qui dépassait les bornes. Il aurait donc été ici logique qu’elle fustige, lève la voix et s’insurge, insulte tout en retenant ses mains d’aller s’écraser contre le visage de l’homme de loi. Odieux personnage. Il inspirait, par ses actes et même plus simplement par sa simple présence sur terre, les cris de rage. Du haut de sa détestable impassibilité il semblait un parfait pantin, incapable d’haïr ou d’aimer, simplement pendant aux fils de l’esclavagisme aux ordres. Immobile et impassible, policé dans l’extrême horreur, plus il manquait de réaction et plus elle était tentée de monter d’un cran. La froideur prétendument aimable l’horripilait au moins autant que le fait de ne pouvoir de son côté brasser que du vent. Alors la tentation de lui cracher -sens propre comme figuré- au visage était grande.
Mais au fond il ne méritait pas tant d’égard de sa part. Prenant sur elle, Madeleine mua donc son air mauvais en une neutralité presque aimable. Que les talents de comédienne la desservent un peu, que diable. Le visage restait légèrement crispé et les mains traversées de légers spasmes nerveux, mais l’expression tenait à peu près.  

- Bien entendu.

Elle opina, défit le châle qu’elle avait sur les épaules et fit appeler sa pauvre femme de chambre, brin de jeune femme affolée par les évènements. Une fois Marie entrée, Madeleine lui glissa à l’oreille ce qui semblait être un ordre, qui au demeurant tira une mine d’étonnement à la domestique. Après avoir demandé confirmation, et toujours septique, elle sorti cependant pour ne revenir que quelques minutes plus tard, vêtement et chaussons sous le bras. Durant l’absence, Madeleine s’était tût pour tourner d’un pas ondulant dans la pièce, retirant lentement pendants d’oreilles et épingles à cheveux tout en observant Gabriel du coin de l’œil.

- Ah! Parfait, s’exclama la comédienne, ravie.

Puis elle se retourna vers Gabriel afin de le fixer sans ciller alors que la femme de chambre, au demeurant visiblement gênée par la situation, s’attelait à présent à dépingler rapidement ses vêtements, affreux corset compris. La pudeur n’avait jamais été inscrite dans son caractère, au contraire d’un certain goût pour la provocation.

- Puisque vous avez l’audace de vous imposer chez moi permettez que je m’accorde celle de me mettre à mon aise.  

Une fois allégée de ses mètres de tissus, elle enfila la simple robe de chambre couleur amarante qui lui fut tendue. Aussi confortablement que légèrement habillée, Madeleine prit le temps de s’étirer avec une certaine grâce désinvolte. Insulter Gabriel en refusant ouvertement de se présenter à lui dans une tenue décente : voilà qui lui tira son premier sourire franc. Le châle remis sur les épaules, d’un geste de main elle indiqua ensuite un fauteuil à Gabriel.

- Mais prenez place, je vous en prie, vous devez être épuisé.

Elle paraissait étrangement bienveillante, malhonnêtement prévenante. Mais dans la voix mielleuse, qui avait jusqu’à la prétention de dépasser le caractère horripilant de celle de Gabriel, les reproches revinrent rapidement. On ne saurait laisser trop de répit à celui qui n’en méritait aucun.

- Venir troubler le calme des honnêtes gens entre quelques destructions d’innocentes vies, pour votre dur labeur vous méritez, monsieur, qu’on vous accorde toutes les meilleures attentions.
Tombant dans un fauteuil, elle reprit d’un ton tout aussi charmant.
- Je vous proposerais également bien volontiers une tasse de thé, mais par égard pour votre misérable vie je m’en abstiendrai aujourd’hui.
Elle sourit à s’en faire mal aux zygomatiques, poussant l’hypocrisie de l’attitude à son paroxysme. Les gestes n’auraient pu plus mal s’accorder au contenu plein de venin des paroles.
- Je vous conseille en effet de ne jamais accepter aucune boisson de ma part. Je n’aurais sans doute su résister à la tentation de vous la tendre empoisonnée.

Une mine faussement désolée quand le fond du regard indiquait qu’elle ne plaisantait peut-être pas. Ou du moins exagérait à peine. Madeleine haïssait peu, mais dès qu’elle le faisait elle ne manquait alors pas d’aller au fond des choses. Gabriel pouvait se porter garant de l’affirmation.
Madeleine Béjart
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Vingt ans après (Maddy) EmptyJeu 20 Nov - 17:44


Elle ne prit pas le mandat qu’il lui tendait, elle le lui arracha avec une hargne grandiloquente qui épuisait déjà Gabriel. Cette femme avait un réel problème avec la mesure, la tempérance et le juste milieu. La preuve finale fut donnée par sa réaction à la lecture du mandat. Une personne ayant un temps soit peu de manière et de bon sens le lui aurait rendu poliment. Madeleine Béjart, elle, jugea tellement plus élégant et subtil de le froisser comme une vulgaire liste de course. C’était pitoyable et cela n’allait pas en s’améliorant puisqu’elle laissa tomber par terre la boule ainsi formée. Gabriel regarda le petit tas abimé et eut une moue affligée avant de relever les yeux pour regarder la comédienne en arquant un sourcil. Si cela l’amusait de se comporter comme un enfant capricieux refusant d’apprendre son latin, il n’allait pas perdre son temps en réagissant à une provocation puérile, immature, et dénuée de sens. Et puis ce mépris silencieux avait l’avantage d’épargner ses tympans contrairement aux cris qu’elle avait lancé avant d’entrer dans la pièce.

Et maintenant elle s’en prenait à ses subordonnées… Le pauvre garçon ne faisait que son travail, pour lequel il n’était malheureusement pas bien doué, Gabriel devait bien l’avouer. Bref, après tout si ses hommes se laissaient impressionner pour si peu, il allait devoir se montrer plus rigoureux dans les critères de recrutement de la police. Mais ce n’était pas encore la question qu’on devait se poser. Pour l’instant, il devait gérer une perquisition d’importance et une tragédienne atteinte du syndrome du martyr, avec un égo monstrueusement gonflé par une prétendue faveur royale. Visiblement l’âge de plus en plus grandissant de la femme ne l’avait pas amené vers plus de sagesse et de tempérance, ce qui aurait arrangé Gabriel. Parce que ce n’était pas parce qu’elle lâchait du bout des lèvres un acquiescement aigri de vieille fille hargneuse qu’il croyait le combat fini, bien au contraire. Elle reculait pour mieux bondir sur le prochain prétexte poussant au combat. Le prétexte fut rapidement provoqué lorsqu’elle appela une servante. Si Gabriel n’entendit pas les ordre il comprit à la mine stupéfaite de la pauvre domestique et à l’air affreusement fat et fourbe de la comédienne que cela ne serait pas pour lui plaire. Bah, il avait connu pire. Il cessa donc de s’intéresser au manège de la comédienne qui défaisait sa coiffure et alla regarder l’agitation des hommes dans la cour. Visiblement des impudents avaient essayer de sortir. Une tentative pour aller chercher de l’aide auprès des responsables n’étant pas dans l’hôtel, dont Molière, ou plus égoïstement pour échapper à la police?

La victime des idées doucereuses et débiles de la comédienne revint en portant des vêtements d’intérieur. Et dans une chorégraphie exécutée avec gêne pour la servante et provocation pour l’actrice, elle se changea. Son regard rivé dans le sien soulignant l’importance de la provocation et de l’insulte qu’elle lui lançait au visage. Il ne tourna pas la tête et ses yeux continuait de la fixer avec froideur et mépris. Si cela l’amusait de se lancer dans un effeuillage ridiculement arrogant, tant mieux pour elle. Au moins, elle aurait quelque chose à raconter quand elle irait se plaindre. Il observa le numéro en songeant que généralement les putains aussi se mettaient nues devant les policiers pour les gêner. C’était même un rituel de bizutage pour la bleusaille. Et ça confirmait que malgré les grands airs qu’elle prenait Madeleine Béjart manquait cruellement de classe. Mais si en toute impartialité, et Gabriel se montrait généralement impartial (les conséquences d’une formation de magistrat), elle faisait ça avec plus d’élégance qu’une catin. Mais cela restait d’une vulgarité navrante. Alors que la femme de chambre allait partir Gabriel intervint



Vous en oubliez



Il donna un coup de botte négligeant dans une pièce de tissus coloré, la soulevant avec dédain du bout du cuir et la poussant vers la servante. Il observa les plis sans montrer la moindre émotion puis ajouta


Ramassez aussi le mandat royal que mademoiselle Béjart a maltraité et déposer le sur une table.



La fille hésita mais face à son regard noir acquiesça dans un mouvement plein de crainte alors qu’il se détournait déjà. Il retourna à sa place près de la fenêtre et continua de regarder dehors. À l’invitation, il eut un sourire méprisant.

J’apprécie tout à fait la politesse de votre invitation et l’éloge si chaleureux de mon travail. Il est si rare de voir les gens de votre… condition le comprendre.

Il observa ses mains avec un mépris ennuyé alors que les paroles mielleuse et acide de la comédienne lui parvenait en arrière plan. Visiblement si elle lui inspirait du mépris, lui créait chez cette femme une rancoeur passionnante, une augmentation de la bile qui aurait laissé Hippocrate lui même songeur. Parce qu’à ce stade de rancoeur et de haine, le phénomène avait quelque chose de physique.



- Une fois de plus je suis votre débiteur pour ces si cordiaux avertissements qui s’avèrent aussi spontanée que votre immature et ridicule numéro de déshabillage.

Il releva la tête en entendant des pas qui se précipitaient au dessus de sa tête. Des bruits de pas auxquels s’ajoutaient de nouvelles exclamations. Il grimaça comprenant ce qui allait se passer. En effet la porte s’ouvrit à la volée et une Armande Béjart, si son identification était comme toujours correct, fit son apparition tout en boucle et en rougeur



- MADELEINE ! Tu es incapable de régler un problème aussi simple et stupide, bêtement administratif qu’une perquisition ! Figure toi que les quartiers des domestiques sont dérangés et que ce qui se passe est affreusement dérangeant pour mon teint.



Gabriel la regarda en se demandant brutalement s’il était devenu invisible parce que la comédienne continuait de se plaindre à son aîné expliquant qu’elle se sentait mal, que cela lui donnait des vapeurs, que ça allait ruiner sa beauté, que le scandale qui allait en découler allait à jamais ternir son jeu et que jamais elle ne se remettrait d’un évènement aussi funeste. Et visiblement Gabriel ne comptait pas dans cette histoire. Jusqu’à ce qu’un officier arrive en courant lui aussi et manque de percuter Armande. Après s’être tenu à la porte pour ne pas rentrer dans la comédienne l’homme haleta

- Monsieur… On a besoin de vous et d’un membre de la troupe aussi, enfin je crois… je pense que ça serait mieux… sans doute… sans vouloir vous commandez.



Gabriel soupira



- J’ai comprit l’idée générale.



Miracle, Armande Molière sembla alors se rendre compte qu’il existait.
Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptyLun 1 Déc - 15:22

Le cynisme, à présent. Voilà que Gabriel dévoilait une nouvelle facette. Quel sens de la mise en scène, quel talent pour le retournement de situation, quelle palette de jeu impressionnante ! C’était à s’incliner de respect, à se damner d’admiration !
Malheureusement le sarcasme, trop tinté du dégoût qu’il semblait incapable de soustraire à sa voix, lui allait mal. Si bien qu’il rendait le public âpre et mécontent. Enfonçant consciencieusement ses ongles dans la paume de sa main afin de se retenir de lui sauter à la gorge, Madeleine afficha ainsi un sourire forcé, qui ne cachait en rien la vexation. Sa… condition. Sans doute n’aurait-il su trouver plus méprisant. Mais constatant la hauteur à laquelle elle-même jouait, il n’y avait pas lieu d’être étonnée. Il paraissait qu’on n’avait que ce qu’on méritait.

- Les gens de ma condition tiennent leur réputation à leur moquerie du monde. Pour cela mieux vaut le comprendre. Gare, lieutenant, vous pourriez nous inspirer.
Elle ignora d’une superbe façon la remarque suivante, croisant impoliment les jambes quand il lui reprocha sa tenue et levant les yeux au ciel, faussement songeuse.  
- Cependant, dans votre cas une comédie serait vous rendre bien peu d’hommages. Un spectacle de marionnettes serait assurément plus adapté.

Concernant Gabriel, la douce satire ne suffisait pas. Il fallait songer à la parodie pour s’approcher de la réalité. Une poupée de chiffon, visage figé, vide de sentiment mais tout à fait risible. Comme cela lui allait bien. L’idée serait même à soumettre à Jean Brioché ; l’artiste serait bien capable de tirer quelques excellentes scénettes de ce sujet d’inspiration. Quoiqu’il s’agisse là d’une idée brillante peut-être uniquement si l’on avait pour projet à court terme de finir au fond d’une geôle. Car on le ne répèterait jamais assez : la Reynie manquait cruellement d’humour, plus encore d’autodérision. Arrivé à un tel point de froideur flegmatique, c’était qu’il devait couver une quelconque condition physique. Sourire lui faisait mal, ou devait contredire la prescription d’un médecin. Voilà tout.  

Si l’on voulait être objectif, on jugerait que la soudaine intervention d’une blonde tornade était bienheureuse. Sans doute la plus efficace façon de faire cesser l’échange de paroles aussi improductif qu’acide.
Armande entrant avec -pour changer!- uniquement des reproches à la bouche, la Béjart soupira d’abord. Puis, sachant pertinemment qu’il n’y avait pour encourager sa cadette rien de plus efficace que de l’ignorer, elle se releva et prit face à elle un air qui se voulait passionné alors qu’elle débitait remarques inintéressantes sur commentaires méprisants. Ce chic pour se montrer désagréable en toutes circonstances ou presque… Ce talent pour se faire le centre de l’attention… Poussé à un tel degré de maîtrise, la capacité en devenait presque admirable. Un don comme un autre, supposons.  
Mais ce fut quand il lui fallait reprendre son souffle entre deux répliques que la gifle partit. Peu violente mais sèche. Toute spontanée, à peine cinglante. Juste ce qu’il fallait pour lui remettre les idées en place et laisser gravée sur la figure d’Armande une expression outrée, puis un air de gamine martyrisée. Puisqu’il était rare pour l’impertinente de se faire si fermement contredire. Et quand on ajoutait au geste le public, on obtenait simplement la honte.

- Voilà à présent une raison de te plaindre, annonça Madeleine d’un ton doux.
La voix presque maternelle n’allait pas avec la situation. Tout comme avec le dos d’une main désormais prévenante sur la joue d’Armande, Madeleine soufflait naturellement le chaud.  
- Quant à la résolution du problème, si vous daigniez lever les yeux, mademoiselle Molière, vous constateriez que je m’y attèle.

D’une manière d’apparence bien légère, mais qui revêtait un fond tout à fait sérieux.
Toujours fut-il que lorsqu’elle eut tourné la tête, remarqué Gabriel, puis manqua de se faire faucher au vol par un policier maladroit, la jeune femme repartie aussi brusquement et violemment qu’elle était arrivée. Car bien sûr, elle laissa au passage entendre à tout le monde que si d’ici quelques minutes la maison n’était pas de nouveau vide, on entendrait de nouveau parler d’elle.
Madeleine la crut sur parole, mais jugea que la menace n’était pas assez importante pour qu’elle y réponde. Les dires du subordonné de Gabriel, voilà qui semblait plus urgent.
Prenant les devants sur Gabriel, elle passa la porte avant lui, lançant une remarque au passage.

- Nous voilà finalement un point commun.
Haussement d’épaules fataliste et sourire en coin.  
- On ne peut déléguer sans que plus tôt que tard on ait besoin de nous.

Une fois au dernier étage, la comédienne se pressa dans la chambre où grouillaient quelques hommes du lieutenant. Celle de sa femme de chambre. Voilà qui devenait étrange.
Un papier tendu à Gabriel, que Madeleine intercepta avant qu’il n’arrive jusqu’à sa main. Attentivement elle le lut, haussa un sourcil d’étonnement, mais d’un hochement de tête se convaincue qu’il s’agissait d’un simple malentendu.

- Une erreur d’interprétation, de toute évidence.
Plutôt que de donner directement la lettre à Gabriel, elle la fit repasser par un intermédiaire.
- Rien qui ne saurait être justifié, n’est-ce pas ?

Les yeux bleus se posèrent sur la domestique, pauvre Marie se mouvait nerveusement tout en ne sachant trouver ses mots. Constatant la nervosité de la jeune femme, qui bien entendu ne pouvait être qu’innocente, Madeleine balaya d’un regard noir la pièce. Les prunelles desquelles émanait une lumière sombre prirent alors soin de s’attarder sur chaque homme présent afin de leur signifier encore une fois qu’ils n’étaient pas les bienvenus.

- D’autant que vous n’avez rien trouvé d’autre, constata-t-elle au passage. Ce pourrait donc être…
Elle se retourna vers Marie.
- Un héritage. Ne m’avais-tu pas dernièrement demandé congé suite à la mort d’un parent ?

Aussitôt la petite brune approuva vigoureusement de la tête et expliqua maladroitement que sa tante lui avait en effet laissé quelques bijoux. D’où le mandat indiquant une somme rondelette que Gabriel tenait à présent entre ses mains. Que demander de plus logique ?

- Ceci ne constitue en rien la preuve d’une culpabilité quelconque.  
Madeleine s’adressa tout en particulier à Gabriel, soutenant son regard.
- Et il ne réside dans cette maison aucun individu méritant d’être accusé à tort.
Madeleine Béjart
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Vingt ans après (Maddy) EmptyMer 7 Jan - 0:29

« Se regarder en chien de faïence », cette expression ne convenait absolument pas à leur situation. Certes, ils ne se quittaient pas des yeux alors que sarcasmes et autres répliques ironies fusaient à travers la pièce mais aucun des deux protagoniste n’était assez délicat pour être comparé à une quelconque porcelaine. En effet on ne craignait pas qu’ils se brisent mais plutôt qu’ils explosent détruisant sur le passage, en l’occurrence le tout se résumant à l’hôtel de bourbon.

Mais la déflagration ne semblait pas vouloir venir. L’un en face de l’autre, ils aiguisaient leurs crocs dans l’attente d’un évènement venant dénouer la situation. Les moqueries de la comédienne se heurtait à l’indifférence froide du magistrat. Il conservait une expression polie et répondit avec une politesse d’une insultante onctuosité

- Une fois de plus, je vous remercie pour cet avertissement. Vous êtes décidément d’une prévenance exquise.


L’intervention de mademoiselle Molière le plongea dans une scène de ménage dont il se serait volontiers passé. Il assista à la gifle et à l’humiliation d’Armande sans prendre la peine d’émettre le moindre commentaire. Il ne tenait pas à se prendre en pleine face l’aigreur de la comédienne incapable de tenir convenablement sa « soeur ». Même si une petite voix insidieuse lui soufflait qu’en matière d’enfants intenables il ne pouvait pas vraiment se permettre d’émettre un jugement trop sévère. Finalement, il était heureux de ne pas avoir à affronter une furie pareille cela lui aurait sans le moindre doute donné mal au crâne. En entendant l’avertissement, il se permit de lever les yeux au ciel. De son point de vue, Armande Béjart ne pouvait certainement pas être une nuisance. Elle allait geindre dans son coin, se plaindre dans les salons et l’affaire serait oublié dès qu’un drame plus important surgirait dans sa vie. Le drame pouvant être son manque d’argent pour se faire de nouvelle robe.

Il pinça les lèvres en voyant Madeleine Béjart passait devant lui mais ne prit pas la peine de le lui faire remarquer. La guerre qu’il se livrait dans cet hôtel allait lui demander toute ses forces et il ne pouvait pas se permettre de perdre en crédibilité en s’offusquant de si petites choses.

La remarque lui attira un haussement de sourcil relativement sarcastique et il se retint de faire la longue liste des choses les séparants. À commencer par le fait qu’on avait délégué Madeleine pour qu’elle geigne et se plaigne auprès de lui, alors qu’il avait délégué ses hommes pour qu’ils fassent le travail fastidieux.

Finalement ils arrivèrent dans la chambre d’une domestique où ils durent tous s’entasser avec plus un moins de peines. On lui tendit un papier mais alors qu’il tendait la main, il fut arracher par la comédienne. Décidément, elle ne semblait pas capable de prendre les feuilles de manière normale et se devait de le faire dans des mouvements saccadés et secs. Même quand les papiers en question ne lui était pas destinés ! Le policier eut un sourire navré indiquant qu’il n’avait pas envisagé de se battre avec mademoiselle Béjart pour conserver la maitrise du document. Gabriel fit un geste de la main indiquant qu’il ne s’en souciait presque pas, moins que du manque de manières évident de la comédienne. Vraiment ! Et elle ne lui rendait même pas le mandat personnellement mais se sentait obligé d’utiliser un de ses hommes comme d’un laquais. 

- Trop aimable, siffla-t-il alors qu’il récupérait finalement le papier.

Il parcourut des yeux le mandat, indiquant la vente de bijoux pour une somme pour le moins remarquable. Le nom de l’artisan le fit légèrement tiquer ainsi que l’adresse… Il envoya hors de la chambre un de ses hommes pour qu’il aille récupérer des papier. Puis il retourna à sa lecture, demeurant immobile un court moment. Enfin, il s’intéressa pour la première fois à la dénommée Marie, écoutant à peine les explications que tentait de fournir Madeleine.

Cette Marie était une pauvre chose apeurée. Ses mains tordaient nerveusement le devant de sa robe alors que sa tête se baissait, puis se relevait, regardait de gauche puis de droite pour revenir à ses mains. Un joli portrait qui respirait la naïveté et l’innocence, elle aurait put servir de modèle pour incarner une femme de chambre typique. Mais le physique n’était pas tout. Son attitude respirait la crainte mais aussi la culpabilité que l’on tentait encore de dissimuler. Il ne pipa mot en rendant le mandat à un homme qui s’empressa de le ranger dans le dossier des pièces à convictions.

En héritant de bijoux d’une valeur pareil, on se demande pourquoi mademoiselle est demeuré à votre service.



La remarque fut glissée l’air de rien, de façon presqu’innocente, alors qu’on lui apportait des documents qu’il paraphait ignorant les deux femmes.

- Enfin, la chose se vérifiera aisément. Pourriez vous indiquer je vous prie le nom de cette si généreuse aïeule?

Il rendit les documents que l’on rangea alors qu’il continuait d’énoncer avec indifférence.

- Mais nous n’accusons personne, mademoiselle, certainement pas à tort. Ce sont juste des constatations sur lesquels seront basées les accusations que choisira éventuellement de prononcer Henri de Mesme.

Théoriquement voir l’affaire être confié au président du parlement de Paris était un honneur, montrant à tous l’intérêt royal que l’on portait à la chose. C’était une garantie pour la régularité de la procédure et son irréprochabilité. En pratique, les choses se révèleraient infiniment plus complexes et le sourire de Gabriel démentait son ton indifférent.

Il regarda autour de lui et sembla pour la première fois prendre en considération le chaos qui régnait dans la pièce. Un matelas éventré, des draps retournaient qui gisaient en plis disgracieux, une armoire autrefois branlante désormais totalement détruite dans laquelle on avait trouvé les documents. De toute évidence il n’y avait rien de plus ici.

- Signifiez à Mademoiselle Marie Mertin son arrestation, je vous prie. 

Il tourna les talons et commença à sortir de la pièce, cependant il s’arrêta pour se tourner vers Madeleine.

- Il s’agit bien de votre domestique?

Il marqua une pause puis descendit les escaliers vers le quartier des maitres forçant ceux de ses hommes qui empruntaient les marches à s’écarter pour ne point lui rentrer dedans. La fouille des appartements pouvait ne rien donner à part une nouvelle crise de rage de la furie lui servant d’interlocutrice mais elle pouvait également se révéler des plus instructives. Car le document et les informations se révélaient d’une richesse inespérée mais peut être pouvait il obtenir plus.

- Au vu des indices et des faits, nous allons donc perquisitionnez vos appartements. Si vous voulez bien me suivre.
Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptyMar 10 Fév - 17:35

Inspirant ou les cris ou les larmes, on pouvait sans le moindre doute affirmer que La Reynie était aux femmes ce que le clergé était au théâtre. Détestable, détesté, détestant. Comportement au demeurant très certainement dû à une frustration dans la chambre de longue date. L’homme qui n’aimait pas les femmes. Quoiqu’il pût en dire il s’agissait bien là un point commun qu’il partageait avec Monsieur.
Consciencieux comme dans tout travail, à croire qu’il avait minutieusement préparé son scénario pour nécessairement finir par causer la désolation. Car sans grande surprise la domestique fondit en larmes à l’entente de l’immédiate sanction. Ah! L’immonde impassibilité que Gabriel affichait toujours. Cette froideur maladive. Plus que soupçonneux, il respirait l’antipathique quand la nature poussait pourtant à un peu de compassion. Déjà passé à autre chose il se retourna vers Madeleine, alors en train de rassurer Marie en lui répétant avec conviction que tout se passerait bien. Avec vanité elle se redressa, toisant Gabriel avec le tragique dont elle était si naturellement capable.

- De peur d’être arrêtée pour complicité sans doute ferais-je mieux de m’abstenir de répondre.

Un air d’autant plus blasé, voilà tout au plus ce qu’elle pouvait obtenir de Gabriel. Un parfait je-m’en-foutisme traduit par le changement de sujet, signe définitif qu’il n’avait absolument que faire de ce qui sortait de la bouche de la comédienne. Piétiner l’opinion d’autrui, peut-être la seul chose qui au fond lui donnait un peu de plaisir.
Ainsi l’appétit de l’abus de pouvoir n’était pas comblé par une arrestation à peine fondée, il fallait qu’à cela s’ajoute la suite d’une fouille arbitraire.

- Je vous demande pardon, articula-t-elle, les yeux plus ouverts que nécessaire.

Alors que l’homme de loi lui avait déjà tourné le dos –sans doute attendre qu’elle ait répondu était lui accorder trop d’importance- et prenait la porte, Madeleine leva un peu le menton pour se prétendre plus digne qu’outrée. Fouiller ses appartements, voilà qui dépassait tout bonnement l’entendement.

- Il ne sera pas nécessaire que je vous suive, puisque vous n’irez pas, reprit-elle, haussant la voix de fait à ce que Gabriel soit obligé de l’entendre.

Ce qu’elle voulait croire.
Disant cela elle était évidemment en train de pointer dans son dos un index accusateur. Et, après avoir attendu quelques secondes comme si son vague ordre aurait pu avoir le moindre effet, se trouva à descendre à la hâte les escaliers afin de le rattraper. Finis perdus entre les bruits de pas, peut-être quelques noms d’oiseaux avaient-ils été lancés au passage.

Comme si le chaos ne menaçait pas assez, il fallut bien sûr que le moment soit choisi par la douce Armande pour réapparaitre. Attendant au bas de l’escalier et constatant que c’était après la chambre de Madeleine qu’ils en avaient, ce fut avec un aimable geste et son toujours charmant sourire qu’elle la leur indiqua. Haussant les épaules face au regard bleu et quasi incrédule de son aîné, elle justifia la trahison par le bien commun. Prétendre se soucier d’autrui quand rien sinon son propre confort n’avait d’intérêt pour elle, cela ne manquait pas d’audace.

- Plus vite ils auront trouvé plus vite ils seront partis, minaudât-elle en direction de Madeleine. Et tu n’as rien à cacher, n’est-ce pas ?

L’audacieuse qui à présent remettait en question la bonne foi de la Béjart. A croire que sa joue la chatouillait un peu. Comme souvent mère et fille se fixèrent sans dire mot, l’une plissant légèrement les yeux comme pour l’accuser de tout ce mal que l’autre lui voulait, celle-ci esquissant un rictus entendu et surtout pas désolé. Mais toute traitresse qu’elle était, Armande n’avait au demeurant pas tord. Ou du moins rappelait la fatalité du moment. Gabriel aurait nécessairement le dernier mot. Et s’il fallait concentrer sa haine sur quelqu’un, c’était assurément lui.
La cadette, sentant qu’elle avait silencieusement obtenu raison, se contenta donc de se décaler de côté, laissant courtoisement passer Madeleine, les deux hommes de Gabriel ainsi que ce dernier.

Arrêtée au milieu de la pièce, la Béjart afficha un air blasé en direction de Gabriel et désigna de la main une coiffeuse sur laquelle était empilées quelques boites.

- Tout se trouve ici. Inutile de vous donner la permission de regarder, vous vous croyez déjà chez vous.  

Etant entendu qu’elle gardait ses pièces favorites rue Saint-Roch, ce qu’elle ne jugea absolument pas bon de préciser. En supposant que Marie avait en effet à faire avec un quelconque vol, il n’y avait qu’ici qu’elle aurait pu dissimuler un maigre butin. Et quand bien même ! La comédienne était bien évidemment persuadée de pouvoir donner l’origine de la moindre petite pierre, refusant d’admettre que la domestique ait pu trahir sa confiance.

- Si je ne me trompe, il n’y a rien de criminel dans le fait de posséder quelques effets.

Aussi riches et pour la plupart offerts étaient-ils.
Les bras croisés sur sa poitrine, ses ongles s’enfonçaient de nouveau consciencieusement dans sa peau afin de condenser en un point douloureux tout ce qu’elle aurait voulu extérioriser en voyant les hommes fouiller dans ses affaires sans la moindre gêne.
Cependant, en les voyant se diriger vers des malles de vêtements, plutôt que de continuer d'afficher une figure fermée un sourire sarcastique s'afficha.

- Une délicatesse admirable. Forcer l'entrée de la chambre d'une femme pour en soulever les jupes. La belle image de la police que vous donnez là.


Madeleine Béjart
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Vingt ans après (Maddy) EmptyMar 7 Avr - 17:42

«  En fait en refusant de répondre, vous vous exposez à des poursuites pour obstruction à la justice. »

L’indication, au demeurant inutile, fut donné par un clerc qui avait été trainé là pour établir le procès verbale de la perquisition. Un garçon mince au visage constellé de tâche de rousseurs qui devint écarlate sous ses boucles châtains lorsqu’il s’aperçut que tout le monde le regardait et pas exactement de la façon la plus amicale qui soit. Les policier arrêtèrent momentanément leurs fouilles pour le foudroyer du regard. Gabriel lui même cessa sa sortie pour darder sur lui des yeux plus sombres que jamais. Il se dandina d’un pied sur l’autre en marmonnant qu’il ne faisait que donner des indications utiles. Gabriel haussa les épaules et reprit sa descente vers les appartements des comédiens.Tout juste entendait il les couinements et les sanglots de l’inculpée, de toute façon il avait déjà subit bien plus bruyant et émouvant comme démonstration de chagrin.

À l’affirmation de la comédienne comme quoi il ne pouvait pas fouiller ses appartement il consentit enfin à la regarder par dessus son épaule et à quitter sa morbide rigidité faciale. Ce qui ne fut pas vraiment une amélioration tant le sourire moqueur qu’il lui dédiait était insultant. Il ne tentait pas de dissimuler un amusement cruel face aux protestations de la comédienne. Au fond, depuis le début de la perquisition elle vociférait beaucoup mais ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Il avait outre la force brute, la loi pour lui. Aussi il la laissait libre de crier et monter sur ses grands chevaux tout ce qu’elle voulait. Finalement ces bruyantes protestations de banshee (sa voix n’était pas assez harmonieuse pour rappeler une sirènes) présentaient un certains caractère comique, autant du fait de leur répétition que de leur inutilité.

Elle le savait tant qu’elle fini par dévaler les escalier pour le rattraper, soucieuse que la perquisition ne se déroule pas sans elle. Elle les rejoignait alors que sa furie de « petite soeur » se dressait face à Madeleine. Sans grand respect filiale, ou sorrorale si on s’en tenait à la vérité officielle, elle indiqua les appartement à Gabriel et à ses hommes.

S’il fut le premier à pénétrer dans la chambre de Béjart, il ne se donna pas la peine de déranger quoique ce soit. Il traversa la pièce, notant la disposition des lieux et alla s’appuyer contre un mur près de la fenêtre. La position affirmait d’une part sa maitrise des lieux mais également lui permettait de voir tout ce qui déroulait sous sa bonne garde. Ses hommes pénétrèrent dans la pièce après lui mais avant la maitresse des lieux. Ils commencèrent par ouvrir les meubles et par les vider un à un. Bientôt les soies précieuses et autre tissus de luxes se déversèrent à ses pieds formant un océan de vêtements le séparant de la comédienne. Finalement un homme se pencha vers lui et lui désigna quelques toilettes.



- Non en effet, mais certains de vos effets sont manifestement bien cher et acheté à l’étranger… Où donc avez vous trouver une toilette espagnole, mademoiselle?



Il ne lui laissa pas le temps de répondre… Ajoutant une note qu’il donna au clerc tout en évitant d’un mouvement du buste une écharpe volant à travers la pièce.



- Monsieur de Mesme se fera un plaisir de demander confirmation à l’amiral de Vivonnes bien entendu. Espérons que cela suffise.


À la dernière pique, il se décida enfin à traverser la pièce pour déplacer quelques pots sur la coiffeuse et jauger les bijoux tout en demandant à ce qu’on les compares avec la liste des pièces volées, troquées et recelées. Le faire aussi audiblement frôler l’insulte. Il déplaça encore deux pots de maquillage et entendant la dernière remarque ajouta :



- À propos de dessous de jupes, ne négligez point les dessous.



Le clerc, celui à la remarque malvenue, s’empourpra un peu plus tandis que personne dans les hommes de métiers ne faisait le moindre commentaire, continuant de faire voler corset et bas à travers la pièce tandis qu’il les lançaient par dessus leurs épaules. Il ajusta les manches de sa veste avant de relever les yeux vers Madeleine.



- Il nous faudrait une liste de votre domesticité et de la place pour interroger les gens étant… proches de cette Marie. À commencer par vous. Souhaitez vous le faire dès lors ou du fait de votre sexe souhaitez vous attendre que votre frère soit présent?



Ce qui n’était pas nécessaire du point de vue de la procédure mais permettez de couvrir ses arrières. De plus le ton cassant et insultant sur lequel il avait prononcé ces paroles rendait la parole aimable dans sa formulation, moqueuse dans ses intonations. Moquerie d'autant plus importante que le chaos de la perquisition continuait de régner autour d'eux alors que les effets personnels de la comédienne étaient inspectés, jaugés, et traités sans ménagement par les policiers qui les décrivaient ou les commentaient à voix haute, sans moquerie ou commentaire mais sans respect ou pudeur particulière



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Vingt ans après (Maddy) EmptyLun 13 Avr - 20:49

Si instinctivement elle aurait voulu ramasser les précieux tissus au fur et à mesure qu’ils volaient –il lui semblait qu’on jetait sans ménagement à travers la pièce des années de revenus !-, bien sûr elle ne s’y abaissa pas. Avec une pointe de désespoir Madeleine fixa ses toilettes négligemment laissées par terre, malmenées par des mains rustres et qui jamais n’auraient dû avoir l’occasion d’effleurer si précieuses étoffes.

- C’est outrageux. A défaut d’avoir la décence de la politesse, vous pourriez au moins vous embarrasser de délicatesse.

Jamais elle n’avait plus eu la sensation de parler dans le vide. Mais quand bien même elle se battait contre des moulins à vent, elle s’obstinait à protester. Question de principe. Et si au passage à défaut de la rendre plus difficile cela faisait la tâche plus pénible, Madeleine voulait croire qu’elle marquait au moins un point. Malheureusement il fallait croire que les policiers étaient ou sourds, ou se souciaient simplement d’elle autant que Marie-Thérèse de la politique.
Mais si ceux qui étaient occupés à fouiller ne prenaient pas la peine de lui prêter attention, ce n’était pas le cas du superviseur de l’opération. Du moins il ne rechignait pas lorsque plus ou moins directement il pouvait la rabaisser encore un peu. Car derrière le caractère taciturne,  Gabriel n’en restait pas moins plein de ressources lorsqu’il s’agissait de piques lancées. Il s’affichait si peu touché par les complaintes mais y répondait tout de même par un fond de méchanceté. Evoquer Vivonne était petit, exiger comparaison des bijoux volés parfaitement insultant, et évoquer des dessous pitoyable. A la dernière remarque Madeleine aurait volontiers noté que s’il travaillait moins pour en voir un peu plus peut-être n’aurait-il pas eu à cœur de s’attarder sur les siens. Mais toute juste que la pensée devait être, elle n’en restait pas moins redondante. Et il fallait l’avouer, quand bien même la situation était déjà critique, Madeleine craignait qu’à trop tenter de répondre elle puisse encore s’aggraver.
Faisant preuve d’un soudain regain de sang-froid, la comédienne se tût donc jusqu’à ce qu’elle fût clairement interpellée. Et bien évidemment, lorsque ce fut le cas La Reynie ne s’embarrassa pas d’y mettre les formes. Ou plus exactement il sembla avoir à cœur de tuer définitivement toute forme de cordialité avec un ton expressément dédaigneux. Quelle arrogance sous-jacente, exaspérante prétention masculine, mais fatuité qui au demeurant touchait.
Une seconde elle tourna la tête, soupira comme si cela pouvait physiquement évacuer la colère, puis s’efforça d’arborer une figure neutre. Puisque les haussements de voix semblaient amuser Gabriel, elle tenterait à présent de ne pas placer un mot plus haut que l’autre. Résolution qu’elle avait déjà vainement prise, mais qu’elle se promettait de tenir à présent.

- Merci de votre prévenance, répondit-elle d’une voix calme, mais si j’ai pu me passer d’un homme dans tous les aspects de ma vie je saurai aujourd’hui m’abstenir d’une tierce présence pour cette simple goujaterie judiciaire.

Le passé avait bien assez prouvé qu’elle était capable de se passer autant d’un mari que d’un frère. Par ailleurs, pour ce qui était du seul homme dont elle avait sincèrement pleuré l’absence, Gabriel n’était pas innocent dans la séparation précipitée. Ce qui aux yeux de Madeleine rendait la remarque d’autant plus déplacée.

- Pour ce qui est des proches de Marie vous irez directement les voir, sous les combles.

De l’espace pour les interroger… Et pourquoi pas du thé et des gâteaux, pendant qu’il y était. Déjà qu’il s’imposait, on n’allait pas en plus lui aménager l’espace.

- Il serait tout de même plus aisé d’avoir un endroit où s’asseoir, nota le clerc, qui le nez dans ses documents, occupé à consigner ce qui était en train de se penser, semblait avoir momentanément oublié que ce genre de remarque lui vaudrait au moins un souhait de mort.
Aimable, Madeleine se contenta cependant de lui lancer un regard noir qui lui fit comprendre qu’elle préférait faire brûler tous les fauteuils de la maison plutôt que de lui proposer de s’asseoir. Une fois que le garçon eut de nouveau baissé les yeux –et espérons pour lui qu’il les garde à présent rivés sur le papier-, elle se tourna de nouveau vers Gabriel.

- Et si vous avez pour moi des questions posez les maintenant et ici, je vous en prie. Avec un sourire légèrement moqueur elle s’approcha lentement de lui. Après tout je vous sens à votre aise.

D’une ondulation presque provocatrice elle fini de gommer la distance, s’attendant tout au plus à un pas en arrière de Gabriel mais pas à être repoussée – auquel cas elle aurait crié à l’agression physique, et elle le savait assez intelligent pour le deviner. Puis du bout des doigts Madeleine retira le bas qui venait d’atterrir sur l’épaule de Gabriel. Elle le garda en main quelques secondes, continuant d’arborer un rictus qui avait presque tourné vers l’amusement, puis le laissa simplement tomber et fit quelques pas de côté. D’un des tiroirs de la coiffeuse elle sortit un carnet, l’ouvrit vers la fin et le tendit à Gabriel.

- Au demeurant laissez moi anticiper. Voici une liste de tous mes effets comprenant date d’achat, prix et provenance dans la plupart des cas, initiales de celui qui aurait offert à quelques rares occasions.
Un esprit méticuleux qui finalement pourrait la servir. Des années de comptes soignés qui devraient être une preuve de bonne foi suffisante.
- Pour ce qui des noms, je pense que vous les devinerez aisément seuls. De nouveau elle afficha un air qui frôlait l'amusement. Car il faut croire que les affaires de boudoir sont également votre prérogative.

Cela faisait bien sûr référence au noble nom qui était sorti un peu plus tôt. Une affaire qui aurait dû rester secrète mais qui bien malgré elle semblait à présent s’ébruiter.
Mais que Gabriel s’abaisse à prêter attention à de tels commérages, quand bien même ils concernaient un proche de la couronne… C’était jouer avec sa crédibilité.
Madeleine Béjart
Madeleine Béjart
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Vingt ans après (Maddy) EmptyMar 26 Mai - 12:24

Comme bien des magistrats Gabriel appréciait le combat, surtout quand techniquement il était sur de le gagner. Mais il serait de bon ton que de temps en temps les gens reconnaissent leur défaite, et sa supériorité et se soumette. Avec Madeleine Béjart, plus qu’un rêve il s’agissait là d’une utopie. Plus mégère que ses rôles de théâtre, ce qui n’était pas peu dire, elle s’acharnait dans une lutte stérile et exténuante.

Vociférant ou persiflant, elle s’accrochait désespérément aux lambeaux de sa dignité et de son pouvoir domestique, refusant de comprendre que des forces plus grande était à l’oeuvre. Et que des policiers n’étaient pas des servantes tremblant au moindre petit reproche. Sans doute était elle trop obtus, ou stupide, pour comprendre que la vrai dignité dans ce genre de cas on s’en drapait avant de regarder agir la loi.

La prévenance n’était, ils le savaient tout les deux, qu’une façade. Gabriel estimait que Madeleine n’avait certainement pas besoin d’être traité avec un soin particulier. Son appartenance à l’imbecillitas sexus ne l’empêchait pas d’être plus coriace, racorni et désagréable qu’une vieille semelle de soudard. Il se serait volontiers abstenu de proposer les avantages, inutiles, de sa condition à cette vieille fille acariâtre. Nul doute qu’elle possédait plus de capacités pour résister à un interrogatoire de police que son benêt délicat de frère. Mais ne pas en proposer était une faute juridique et de bon goût. Et dans un domaine comme dans l’autre Gabriel ne laissait jamais rien au hasard et prenait garde à ne pas prêter le flanc à des attaques qu’il ne saurait pare. Maintenant qu’elle dédaignait sans manières et élégance son offre, il avait assurer ses arrières. Quand au reste, il s’en moquait royalement.

La remarque sur tout les aspects de sa vie, amena un sourire sardonique sur les lèvres de Gabriel et il se contenta d’hausser un sourcil plus insultant que les grivoiseries qu’un soldat aurait pût sortir. Parce qu’entre Philippe de Lorraine et Louis Victor de Mortemart tout les parisiens savaient qu’elle était loin de se passer des hommes dans tout les aspects de sa vie. Il se permit de répondre

- Je vous en prie, il convenait simplement de s’en assurer et non pas de le constater, une fois de plus.

Après tout, le célibat et les déceptions sentimentales parsemaient la vie de cette femme avec une telle constance que ne pas la railler dessus aurait été dommage, et ils avaient l’un comme l’autre suffisamment plongé dans la bassesse pour qu’il puisse se le permettre.

L’indication sur Marie, qui l’intéressait infiniment plus que Madeleine (mais se révélait une proie facile) lui tira deux claquements de doigts et un geste explicites pour son adjoint. Ce dernier laissa alors tomber les vêtements, donna un coup dans la robe qui encombrer le passage et sortit les chercher et commencer les interrogations. 

La remarque du clerc, elle ne valu pas qu’il s’y attarde plus de temps que nécessaire. Ce garçon se révélait stupide, inopportun et sans le moindre doute suicidaire, où à tout le moins masochiste. Un roulement d’yeux plus tard Gabriel se souciait de la nouvelle moquerie que lui réservait la comédienne.

Sur ce point, il devait lui concéder une victoire. Il en était quitte pour le ridicule. Mais il n’était certainement pas assez beau perdant pour le reconnaitre. Et s’il ne s’attarda pas dessus, ce fut juste pour ne pas s’enfoncer dans le marasme d’une situation qui n’était pas à son avantage.

Cependant cette victoire avait des relents puants de comique troupier et de farce. Une fois de plus cette femme démontrait que les seuls domaines dans lequel elle pouvait s’imposer étaient la vulgarité et la grossièreté. Que cet effet potache l’amuse comme les paysans en gros sabots se gaussaient des cocus ! Elle pourrait ricaner en repensant à ce moment avant de s’étouffer de rage et de fiel en constatant que ça ne lui permettait certainement pas de mieux gérer le véritable problème. Une victoire à la Pyrus ne permettait pas de gagner une guerre ou même de conserver un semblant de contrôle des choses.

Il prit le carnet et après avoir prononcé !un machinal « merci » prouvant que l’antagonisme ne lui faisait pas oublier les manières, il commença à le parcourir des yeux. De temps en temps, il prenait mentalement un nom en note mais il n’y avait rien de surprenant ou de réellement exploitable ici. 

Il l’abandonna donc dédaigneusement dans les mains d’un de ses hommes, ordonnant :

Comparez et vérifiez.



Puis, il alla s’appuyer sur un mur, les bras croisé en regardant la comédienne, comme elle l’avait noté il était parfaitement à son aise ici. De plus, en temps normal les lieux auraient dût avantager Madeleine Béjart. Cependant l’apocalypse qui s’y était abattu ne manquerait pas de renverser la tendance. Il se retint de faire craquer ses jointures avant de commencer à poser les questions. De fait, il douter d’avoir la moindre révélation d’intérêt de cette femme mais mieux valait s’en assurer. De toute façon une fois qu’il aurait parlé à la mégère, il ne lui resterait qu’à lutter contre sa sotte de fille-soeur, et les autres volailles caquetantes de cette maison. Cette perspective lui donnait une migraine plus surement que le début de la perquisition qu’il avait subit.



- Pour commencer je souhaiterais que vous m’indiquiez quand et comment vous avez engager cette Marie.



Sous la demande, on percevait sans le moindre doute l’ordre. Il signifia au clerc, d’un mouvement de la main qu’il avait tout intérêt à prendre des notes précises en conservant le silence. Quoique s’il avait envie de s’attirer les foudres de cette furie libre à lui.



- Comme vous vous en doutez vos paroles seront consignées.


Il marqua une légère pause avant de demander :

- Vous aviez mentionné un héritage, récent, en savez vous plus? Sur cette légation. De manière plus générale que pouvez me dire sur son comportement des huit derniers mois?

Il commençait à fatiguer bien que le masque fondu sur son visage n’en laisse rien paraitre aurait apprécié qu’elle accepte de se soumettre à l’interrogatoire en lui épargnant ses insolences et ses protestations mais cette espérance avait quelque chose de fortement utopique.

Gabriel de La Reynie
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Vingt ans après (Maddy) EmptyVen 12 Juin - 18:48

La perspective de répondre sagement aux questions de Gabriel l’enchantait autant qu’une bonne sœur appréciait qu’on la dérangeât pendant ses heures des prières. Et ce fut pourtant avec une docilité toute mystique – aussi étonnante que quasi religieuse – qu’elle s’y soumit. De toute évidence elle ne mettrait pas la justice dehors. A trop vouloir la faire déguerpir elle n’avait tout au plus réussi qu’à la ralentir, lui faisant reconnaître de mauvaise grâce que plus vite elle coopérerait, plus vite La Reynie serait dehors. Se retenant de grimacer face à sa propre faiblesse, Madeleine acquiesça donc et, après avoir tout de même lancé un regard noir au clerc chargé de prendre note, répondit posément.

- Il y a un peu moins d’un an. Elle cherchait un emploi, avait des références, et sa prédécesseresse venait de partir. Il était logique de l’engager.

Bien sûr elle se garda bien de préciser que la domestique précédente avait en réalité plus fui qu’elle n’était simplement partie. Aussi, quelle idée avait eu Armande de sacrifier un vase en sa direction sous prétexte de sa mauvaise humeur… Et on osait encore remettre en cause le fait que la cadette mérite de loin la palme du fiel. Il n’y avait au fond que face à la vieille rancœur que Madeleine devenait pleine d’amertume, l’occasion était trop spécifique pour qu’on fasse de l’acrimonie une généralité. Mais passons, cette affaire n’avait ici aucune importance. Le tout était en effet de faire comprendre qu’engager Marie avait été un geste aussi banal que parfaitement inoffensif.

- La situation n’a rien de très original, vous en conviendrez, ajouta-t-elle donc avec un haussement d’épaules.

Le chemin était à moitié parcouru. Encore quelques réponses d’une fade vérité et le lieutenant de police ne pourrait la retenir plus longtemps.

- Quant à l’héritage, je ne me souviens pas des détails. Une tante dont elle était proche, il me semble. Elle s’est absentée une matinée pour aller à l’enterrement.
Elle leva les yeux au ciel, tentant de se rappeler d’autres détails qui pourraient aider le cas de Marie. Mais n’ayant rien à ajouter elle abaissa le regard Gabriel et haussa les épaules.
- Par ailleurs je peux vous assurer qu’elle n’a jamais eu autre chose qu’un comportement irréprochable. Une jeune femme discrète et de ce que je peux en dire tout à fait honnête.

Et qui de toute évidence ne méritait absolument pas le traitement injuste qui lui était fait. La pauvre n’avait rien d’une voleuse. Avec ses airs ordinaires et sa jolie figure commune on voyait bien qu’elle était incapable du moindre mal. De toute évidence l’homme de loi faisait erreur et ne manquerait pas de vite s’en apercevoir. Quant aux excuses qui seraient ensuite amplement méritées, la comédienne avait cependant la présence d’esprit de ne pas même en rêver. Et au fond, la moindre pensée qui incluait Gabriel de la Reynie avait toujours vite fait de se transformer en cauchemar.
A présent qu’elle avait répondu avec une admirable bonne volonté aux questions, elle jugea bon de mettre un terme à l’échange. Ne tirons pas trop sur la corde de l’amabilité.

- N’ayant rien à ajouter, si vous n’y voyez pas d’objection je préfère me retirer.

Elle inclina légèrement la tête face à Gabriel et se fraya un chemin entre ses pauvres vêtements. Malheureusement impossible d’éviter tout ce qui jonchait le sol en dépit de son jeu de jambes, elle glissa malencontreusement sur une jupe et se rattrapa de justesse à sa coiffeuse. Un policier eut même la décence de lui tendre aussitôt sa main, prouvant que malgré les apparences créees par Gabriel tous les hommes présents ici n’étaient pas de parfaits goujats. Elle remercia l’homme et s’apprêta à repartir, quand soudain son regard s’attarda sur un objet posé sur la table. Un bracelet, simple rangée de perles, assurément pas clinquant quand on le comparait à d’autres mais qui par son caractère inédit retint l’attention.

- Je ne l’ai jamais vu, murmura-t-elle en prenant le bracelet.

Elle leva légèrement la pièce pour l’examiner, tentant de se rappeler si elle ne l’avait pas simplement oublié à force de ne jamais la porter. Mais aucun souvenir ne revenait, il s’agissait pour sûr de la première fois qu’elle apercevait. Aussitôt elle se retourna vers l’homme qui l’avait aidée.

- Où l’avez-vous trouvé ?

Il indiqua la boîte à bijoux qui se trouvait juste à côté.

- Le double fond de cette boîte.

Le double fond. Voilà qui n’inspirait rien de bon quand on savait que Madeleine n’y rangeait en principe absolument rien.
La confiance s’éroda soudain légèrement. Rapidement elle balaya du regard les autres bijoux qui avaient été sortis, voulait s’assurer qu’il n’y avait rien d’autre qu’il ne lui appartenait pas. Après tout ce bracelet était peut-être la propriété d’Armande qui avait été mal rangé. Rien de bien affolant. Mais la supposition bancale fut rapidement balayée. Doucement elle attrapa une pendeloque au motif trop spécifique pour qu’elle puisse l’avoir oubliée si elle lui avait appartenu.

- Et ce pendentif, il n’est pas à moi. Pourquoi donc en aurais-je un semblable ?

Une représentation de l’Annonciation ornée d’argent finement ciselé, assurément une chose qu’elle n’aurait jamais achetée d’elle-même et qu’aucun amant n’aurait jamais eu le mauvais goût d’offrir. Madeleine était après tout assez respectueuse de la religion pour s’abstenir de porter quoique ce soit que l’excommunions aurait rendu indécent.

- Mais ils ne peuvent pas être volés…

Elle avait surtout parlé pour elle-même, refusant encore d’admettre avoir été trompée par une simple domestique.
La comédienne reposa le bijou et se tourna vers Gabriel, cette fois sans hostilité aucune, oubliant un instant la haine entretenue. Il semblerait qu’une bête stupéfaction ait pris le dessus.

- Il n’y aurait aucune raison de les avoir cachés ici. Si ces bijoux avaient été dérobé la logique voudrait qu’ils soient revendus au plus vite.

Dénuée d’esprit criminel elle ne songea pas que la revente trop rapide après un événement de l’ampleur du Palais-Royal aurait pu paraître louche.
Se rendant doucement compte de la situation, Madeleine se redressa face à Gabriel et reprit d’une voix assurée.

- Cela ne modifie en rien mes dires. Marie me fait une excellente impression depuis des mois et je persiste à croire qu’il y a derrière cela une explication qu’elle vous donnera sans mal.

Elle prit une profonde inspiration, ayant du mal à concevoir ce qu’elle allait dire.

- Vous ne me devez rien, mais je me permets tout de même de vous demander de la traiter avec égard, si ce n’est prévenance.

A considérer comme le revers du manque total de scrupule qu’il avait eu pour Madeleine. Quoiqu’elle se doutait au fond qu’il n’aurait que faire d’une doléance, toute obligeante qu’elle était. A vrai dire, à solliciter, même pour si peu, elle se sentait frôler l’humiliation. Mais elle n’avait finalement pas le cœur à faire passer la rancune avant l’avenir d’une jeune femme dont elle voulait encore croire qu’elle ne méritait pas son sort. Si laisser tomber purement et simplement les armes pouvaient n’aider, ne serait-ce qu’un peu, son cas, alors soit.
Madeleine Béjart
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Vingt ans après (Maddy) EmptySam 25 Juil - 18:57

Les réponses qu’enfin on consentait à lui donner se révélait d’une banalité et d’un ennui affligeant. On se demandait pourquoi la comédienne avait fait de tels simagrées pour les lui donner. On avait l’impression de lui arracher de force quelque révélations stratégiques alors qu’elle ne faisait qu’énoncer des lieux communs que Gabriel aurait fort bien put prédire. Même elle devait bien reconnaitre l’ennui sans fin de ses révélations. Il n’y avait que le clerc pour les noter scrupuleusement comme si on venait de lui révéler quelque secret mystique.

La tête penchée, le nez frôlant ses notes, il écrivait à toute allure et un moment le lieutenant criminel envisagea de lui révéler qu’il avait de l’encre sur la joue. Mais finalement, ça ne le regarder pas et il choisit donc de se concentrer sur la comédienne pendant qu’elle continuer de démontrer son ignorance totale du fonctionnement du monde réel.



Evidemment que sa domestique se révélait parfaite dans ses fonctions. Elle n’avait aucun intérêt à se faire renvoyer ou à attirer l’attention sur elle. Les gens versés dans ce ce genre de trafic et de pratiques malhonnêtes étaient toujours ceux qui paraissaient le plus honnêtes. On ne gagnait rien à avoir l’illégalité inscrite sur son visage. Et au vu de ce qu’il soupçonnait des pratiques de Marie, elle avait un besoin vitale de la confiance de sa maitresse.

Merci pour ses renseignements. Avait elle déjà mentionné cette tante? Avant son décès.



Mû par une envie de diplomatie, et de ne pas donner l’occasion à Madeleine de se transformer une fois de plus en mégère, il se retint de faire remarquer que son avis sur l’honnête de la voleuse importait assez peu. En fait, il s’en moquait comme d’une guigne et dans le meilleur des cas ne faisait que confirmer la naïveté navrante de cette femme. Totalement aveuglée par le physique de cocker trempé de sa domestique, elle associait stupidement les apparences et la réalité.

Tout en démontrant l’étendu de sa candeur, elle rappela aussi qu’elle ne possédait aucune manière. Même dans sa propre chambre, au milieu des décombres de sa garde robe, elle pouvait faire mine d’attendre qu’on lui donne congé pour partir, surtout alors qu’elle subissait un interrogatoire. L’envie de lui poser une question juste pour la retenir et interrompre sa fuite effleura Gabriel. Mais il avait largement assez subi ses foudres et estima donc que les bonnes manières n’étaient plus à ça près. 



Et puis la voir glisser sur une de ses jupes et manquer d’épouser le plancher, même couvert de vêtement, était au fond une punition suffisante. S’il eut l’élégance de ne pas ricaner en la voyance en si fâcheuse position, il ne tenait pas assez du bon samaritain pour lui tendre la main.Il ne voulait pas prendre le risque de traverser la pièce (et de glisser aussi). De toute façon, il savait qu’il n’aurait eut le droit qu’à un refus acerbe. Il s’épargnait donc des efforts et une humiliation inutile.



Il se désintéressait à moitié de la scène, trop occupé à demander si on pouvait aller chercher Mademoiselle Molière, lorsque la remarque de la comédienne retint son attention. Il suivit l’échange avec intérêt avant de demander :

Montrez les moi.

Il tendit la main d’un mouvement impérieux, alors qu’un subalterne enjambait précautionneusement les vêtements (plus pour l’équilibre que pour le soin vestimentaire) pour lui confier le bracelet et le médaillon. Il les considéra soigneusement un moment avant d’exiger, couvrant les remarques, ignorantes, de la comédienne.



- Vérifiez sur la liste des biens volés, à la troisième page monsieur Sinderby.

Tandis que le clerc fouillait dans ses papiers, répondant une partie de ses comptes rendus par dessus les vêtements, il se décida à prêter attention à Madeleine. Il était incroyable qu’elle ne saisisse pas la précarité de sa propre position. Des bijoux volés, comme venait de le confirmer le clerc dans une exclamation triomphante, trouvé dans le double fond de sa boite à bijoux. Bien entendu les soupçons portaient sur la domestiques, mais même, la comédienne se rapprochait de plus en plus de la zone grise à mesure que la journée avançait. Même si à l’entendre parler on comprenait qu’elle n’avait pas la moindre chance de jamais devenir un cerveau criminel. Ou de comprendre comment ces derniers fonctionnaient.

L’aveuglement qu’elle démontrait dans sa loyauté n’avait pas de limite à en juger par la façon dont elle s’acharnait à prendre la défense de sa domestique et à affirmer son innocence, si ce n’était pas sur tout les toits au moins à travers la pièce. La demande fit arrêter les demandes de Gabriel, qui voulait consulter la liste de lui même.

Surpris, il observa attentivement mademoiselle Béjart, ne trouvant pas quoi répondre à sa demande. Il ne lui devait rien, c’était le moins que l’on puisse dire. Pire, la façon dont elle le traitait depuis le début de la journée (et son comportement sous le duc d’Epernon), ne donnait pas la moindre envie à Gabriel de se montrer obligeant vis-à-vis de cette femme. Mais il prit sur lui pour répondre poliment :

Elle ne sera pas mal traitée, si l’on considère sa position.



On était loin des égards. Mais de manière générale, il n’avait pas vraiment une vocation de nourrice ou de St Bernard, encore moins face aux malfrats ou à la demande d’une vieille aigrie. Pour ne pas la pousser à reprendre ses récriminations, il prit sur lui pour ajouter.

Le gardien du Chatelet veillera à sa bonne installation.



Principalement pour veiller à ce qu’elle ne se tue pas, une pratique courante durant les premiers jours en prison. Mais il valait mieux taire ce petit détail si on ne voulait pas que la situation ne s’envenime un peu plus.

Si vous n’avez rien à ajouter, je souhaiterais désormais m’occuper des autres habitants de cette maison. Vous ne pouvez pas vous entretenir avec eux avant que je le fasse. 



À son tour il entreprit de sortir, prenant garde à ne pas glisser. Mais il était avantagé par les allés et venus que la découverte des bijoux avait provoqués. On avait fini par dégager un chemin qui semblait stable et peu dangereux. Alors qu’il atteignait la porte, il se tourna une dernière fois vers Madeleine pour ajouter dans un mouvement de tête respectueux :

- Bonne fin de journée.
Gabriel de La Reynie
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