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 Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse]


Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyMer 18 Fév - 22:21

En dépit d’un certain ennui, on ne pouvait que confesser la beauté renaissante des jardins. A défaut d’une palpitante conversation on se perdait dans une observation dissoute de son environnement. Les dentelles et autre rubans qui s’agitaient, couleurs qui se fondaient dans le décor, l’ensemble mouvant dans une certaine uniformité. Ondulantes jeunes femmes engoncées dans leurs toilettes, Henriette les regardait avec la fière prétention de les surpasser en tout point ou presque. Cette douce satisfaction, petite pensée quotidienne qui tirait un imperceptible sourire. Mais malgré le contentement restait cette lassitude, un manque d’intérêt pour la conversation tenue. Alors elle se contentait d’écouter de loin, hochait ça et là la tête, laissait presque la langueur apparaître mais ne semblait pourtant pas vouloir y remédier.
Au bout d’une marche lente et comme toujours gloussante, elles en vinrent à s’arrêter sur les terrasses, parsemant leurs robes colorées le long des bosquets.
Contemplant à présent les plans d’eau, Henriette regrettait simplement que ces affreuses carpes n’aient pas fini gelées pendant l’hiver. L’affreux gâchis du paysage. Quelle idées de s’enticher de ces adipeux et répugnants poissons. Plissant le nez et fronçant les sourcils, elle éleva finalement la voix alors que la discussion était orientée vers la dernière liaison supposée du duc de Vivonne – au demeurant sujet assez banal. Réorienter la conversation vers ce qui revêtait une réelle importance, voilà qui relevait de la nécessité.    

- Ne voyez-vous pas chez elles un air de famille avec ce…
Le nom lui échappait. Coincé sur le bout de la langue, il se refusait à dépasser la barrière des lèvres, déclenchant ainsi un geste agacé. Non pas que l’homme avait de l’intérêt, simplement qu’il convenait parfaitement à la situation.
- Comment se nomme-t-il, encore ?

Impossible de remettre un patronyme sur ce sot visage. Les yeux se tournèrent vers elle mais aucune suggestion n’émanait de ses demoiselles, à croire que maintenant qu’il leur fallait être utiles elles avaient perdu leur langue. Pipelettes purement décoratives.

- Regardez donc, reprit la duchesse tout en pointant un poisson du doigt, avec cette mouche au coin de sa trop grande bouche, ses yeux vides et ce corps flasque.

Henriette ramena soudain une main à sa bouche pour cacher un léger et spontané rire. Une anecdote dont elle se rappelait et qu’elle ne tarda pas à partager avec l’intéressée, cette jolie mais dotée de peu d’esprit d’Eugénie.

- Vous ne ferez croire à personne que vous l’avez oublié. Il n’y a pas deux semaines de cela ce fat vous faisait une cour pitoyablement divertissante.  

La jeune femme rougit légèrement sous le sourire narquois d’Henriette, balbutia un nom malheureusement inaudible car surpassé en décibels par les aboiements de Mimi, occupée à tenter de chasser les carpes si détestées de sa maîtresse. Adorable chien à l’esprit bien fait. Madame attrapa doucement l’épagneul et intima à Eugénie de répéter. Cependant point le temps de se moquer plus de ce petit marquis qui désormais répondrait au nom de « l’homme poisson », voilà que son attention était attirée ailleurs. Une demoiselle s’était en effet penchée légèrement vers elle, baissant la voix pour lui indiquer d’un index qui se voulait discret un jeune homme qui se trouvait non loin.

- Le chevalier d’Harcourt, Madame.
Il n’en fallut pas plus pour retenir l’attention.
- Le chevalier d’Harcourt, répéta-t-elle d’un air subitement intéressé.

L’intéressante situation qui se présentait. Du coin de l’œil elle l’examina, le jaugea d’une façon qui se voulait objective, et en vain rapidement à conclure qu’il valait peut-être sa réputation, ce chevalier d’Harcourt. Il semblait plus vif que son frère Louis, moins auréolé d’exécrable que Philippe, malgré tout le port de tête fier qui caractérisait sa famille et de manière générale une allure certaine. Assez charmant, il fallait bien l’avouer. Cependant bien des doutes sur sa personne persistaient, évidemment dus à sa filiation. Ou tout du moins sa fratrie.
A peine aperçu et déjà Henriette s’avançait vers lui, suivie de près par cette éternelle cour de jupons. A la femme qui accompagnait le chevalier elle offrit un simple signe de tête, geste au demeurant suffisant pour que celle-ci rougisse de bonheur.  Politesse faite elle se tourna vers Alphonse, élevant la voix pour une première réplique bafouant la convenance.  

- Faut-il vraiment que nous soyons présentés ? Depuis quelques jours on me répète que nous connaissons.

La rumeur, cette fautive. Cette fois-ci plus amusante que terrible. Si ridicule qu’Henriette avait à peine perdu de temps à démentir, préférant rire sous l’éventail. A présent elle le déploya d’ailleurs pour cacher un sourire charmant, laisser uniquement apparaître les yeux dont il paraissait qu’ils demandaient le cœur.

- Incroyable ce que l’esprit courtisan peut se faire d’illusions.

L’hypocrisie perceptible derrière la visible ironie du ton, consciente de sa propre habitude à se faire oreille attentive ou du moins amusée de l’absurde.


Dernière édition par Henriette d'Angleterre le Ven 27 Mar - 23:06, édité 1 fois
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyJeu 12 Mar - 22:50

Il n’y a rien de plus énervant que d’avoir un nom sur le bout de la langue et de ne pouvoir le donner, sauf peut être si le nom que vous avez sur le bout de la langue est celui de votre interlocutrice. Cette dernière pérorait depuis au moins trois minutes et maintenait Alphonse captif. Ignorant l’identité de sa tortionnaire, il ne pouvait déterminer s’il devait la quitter avec respect ou mépris ou tenter de la séduire malgré un zézaiement n’ayant rien de séduisant. Maudissant sa mémoire pour lui faire défaut à ce moment crucial de son existence, Alphonse gardait une expression distante et maitrisé tandis que l’autre relatait sans talents les bruits de cours à la mode ces derniers temps. Il fallait reconnaitre que dans ce genre d’exercice il était avantagé par un visage qui semblait naturellement altier et princier (hautain et supérieur prétendraient des mauvaises langues).

Il avait emmené l’importune qui ne semblait pas vouloir le lâcher avant d’avoir obtenu quelque chose de lui dans les jardins. Son espoir inavoué avait été de tomber sur un de ses frères, n’importe lequel. Un membre de sa fratrie aurait pût le sauver ou aux moins ils auraient été deux à souffrir. À défaut d’un véritable membre de la maison de Lorraine, il se serait fort bien contenté d’un chevalier de Malte, de quelqu’un, n’importe qui ! Mais non. Il demeurait seul prit entre les griffes de son tourmenteurs qui lui perforait les oreilles de sa voix chuintante. 

Il avait vaguement comprit que la duchesse d’Orléans se trouvait dans les jardins et il avait donc orienter la route de son interlocuteur pour qu’ils s’y rendent. Après tout, il avait toute les chances de croiser Louis obséquieusement entiché dans l’entourage de Madame, ou Catherine que sa place à la Cour rendait proche d’Henriette d’Angleterre. Bien entendu si Madame se trouvait dans les jardins, son mari avait dût fuir les lieux comme la vertu avait fuit Sodome entrainant sans doute Philippe dans son sillage. Mais Louis ou sa femme seraient amplement suffisant, même Raymond ou Charles aurait fait l’affaire. Mais non. Sa précieuse famille, cousins inclus, avait déserté le laissant seul à souffrir les affres d’une conversation qu’il n’avait pas demandé.

Remâchant sa malchance et cherchant désespérément une issue, Alphonse observa les jardins et y vit, comme il s’y attendait la belle-soeur du roi. Pas seule bien entendue. Jamais on ne pouvait espérer apercevoir cette illustre dame sans la ruche bourdonnante de ses dames, de noblesses et de beauté variable qui servaient autant de distraction que d’ornements. Et évidemment, nul signe de Catherine au milieu des abeilles. Cela aurait été trop beau. Pourtant Alphonse ne regrettait pas vraiment sa balade dans les jardins, non pas qu’il souhaite profiter du soleil et du beau temps. Après tout le printemps parisien semblait incroyablement froids pour quelqu’un débarquant du sud. Mais parce qu’il trouvait enfin l’opportunité de contenter la curiosité qui le tiraillait depuis quelques temps.

Tout en marmonnant des « hmm » et des « oui certainement » qui malheureusement encourageaient le déplaisant jacassement, Alphonse laissa donc son regard errer pour prendre la pleine mesure de cette maitresse royale qu’on lui attribuait. La fierté et la perfection du port compensaient amplement la minceur, pour ne pas dire maigreur, de la duchesse. De plus sa mise éblouissante de bon goût et de luxe dissimulait ce défaut dans sa silhouette. Finalement cette vision faisait naitre une certaine satisfaction dans l’orgueil, pourtant chatouilleux, du jeune homme.

Et la vision se rapprochait de lui. Il retint son sourire, affectant de continuer à écouter la pimbêche qui heureusement fut frappée de mutisme quand Madame fut dans leur champ de vision. Ce silence fut un bienfait suffisant pour qu’Alphonse décide qu’il appréciait d’ors et déjà cette maitresse qu’il n’avait fait qu’entrevoir jusqu’à présent.

La duchesse ne jugea pas nécessaire d’accorder plus qu’un hochement de tête à sa tortionnaire compagne. Ce qui suffit à la faire s’empourprer de façon ridicule. En temps normal, Alphonse aurait trouvé un rougissement pareil attirant. Là, il en conçu un agacement qu’il dissimula avec talent. Pour rougir de contentement à un geste aussi simple, il fallait que cette femme soit bien bas à la Cour. Jamais une véritable dame n’aurait montré tant d’émoi pour si peu. Oh ! Lui aussi aurait rougit si on lui avait infligé un tel geste. Pas de timidité mais de colère et de fierté malmenée ! Car une politesse aussi vite expédiée fleurait bon le dédain et un mépris qu’il n’aurait que difficilement supporté lui préférant même l’ignorance. Et pourtant la pauvre oie blanche qui l’avait assommé de ses paroles semblait heureuse de si peu ! Il aurait volontiers ricaner devant une telle humiliation insoupçonnée s’il n’avait pas eut plus important à faire.

Car si sa compagne était largement ignoré ce n’était pas son cas et il se devait de faire bonne figure, sans compter que cela promettait d’être des plus intéressant. Aussi il ôta son chapeau, qui au demeurant lui peser incroyablement, et s’inclina avec autant d’élégance qu’il pouvait. Ce fut sans doute moins parfait que les révérences de Louis, qui avait la courtisanerie dans le sang, ou onctueux que celle de Philippe, mais il savait ne pas manquer de panache alors qu’il le faisait. 

Finalement son regard croisa les yeux brillants de Madame. Et ces yeux là. Il en viendrait presque à regretter la fausseté de la rumeur quand il se trouvait face à des prunelles si sombres et si brillantes. Le sourire de l’oeillade trouva un écho dans le sourire des lèvres qu’il offrit à la duchesse en répondant avec amusement



- Il certain qu’à défaut de se connaitre l’un l’autre, nous connaissons tout l’un de l’autre, sous tout les angles et dans les moindres détails. En tout cas c’est ce que l’on me répète depuis des semaines.



Il retint difficilement et visiblement son rire avant de répondre



- L’esprit courtisan crée-t-il des illusions ou des mirages? Qui sont comme chacun le sait, la vision de ce qui ne manque pas d’arriver plus tard.

Finalement toujours souriant avec une sympathie qu’il savait bien plus sincère que ce qu’il avait put montrer lors de sa journée il reprit



- Mais puis je me permettre de donner quelques éléments réels à ce scandale nous accablant en vous demandant l’honneur d’un entretien?



Jouer sur les rumeurs l’amusaient mais surtout il nourrissait un projet bien moins insouciant que son attitude ne le laissait paraitre. Et il suffisait de constater l’intelligence et la vivacité manifeste de la femme lui faisant face pour comprendre que les ragots lui avaient offert la meilleur alliée dont il pouvait rêver.

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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyVen 27 Mar - 23:11


Les regards qui de toutes parts arrivaient. Les années passaient et on les sentaient encore, les savaient accompagnés de murmures interpelés. Mais à présent on savait les ignorer de la plus parfaite manière. Le menton haut, elle prétendait qu'il n'y avait autour du chevalier et elle rien de plus que des bosquets fleuris.
A la demande d'entretien Henriette sourit. D'ici quelques minutes tout le jardin serait au courant. Excellent. Plus la chose était évidente, plus on la saurait fausse. Pour se dédouaner de toute action réprimandable, rien de mieux donc que d'accepter la proposition.

- J'accède à votre demande, monsieur. Donner du pain aux moineaux m'amuse.  

Car voilà bien de quoi faire piailler messieurs dames.
Faisant signe au valet qui portait sa large ombrelle de les suivre, Madame se mit en marche aux côtés d'Alphonse, silencieuse le temps de dépasser le mur de demoiselles. Ce ne fut donc que lorsqu'ils se trouvèrent un peu plus à l'écart, quoiqu'évidemment toujours épiés, qu'Henriette reprit la parole.

- Grâce à votre famille mon antichambre ne manque ni d'intrigues ni de mièvreries.
Une simple constatation qu'aurait pu énoncer n'importe quel courtisan. Il était au fond de notoriété publique que l'un des frères cherchait à perdre pendant que l'autre tentait de gagner la faveur. Bien étrange famille, c'était irréfutable.
- De ces deux domaines, lequel est le vôtre ?
Elle n'attendit pas la réponse pour formuler la question suivante. Sans doute la plus importante.
- Et surtout, contre qui jouez-vous ?  

L'allégeance. Toujours.
On ne saurait jouer à la cour sans au moins la feindre pour un grand. On pouvait la trahir, se jouer des apparences, souffler le chaud et souhaiter la mort, mais il était impossible de ne pas au moins prétendre. Batailles en habit de soie. Armés de mauvaise foi, de rumeurs et de prétendues amitiés on luttait parfois pour un peu d'influence, souvent pour survivre, ou par simple habitude.
Tout juste rentré à la capitale, encore dénué d'une place bien définie sur l'échiquier qu'était la cour, Alphonse ne devait pour autant pas l'ignorer. Pour ne pas perdre la partie avant même de l'avoir commencé il faudrait rapidement choisir ses alliés de départ. Mais pour lui pas encore question de trahison, il fallait obtenir la confiance. Long et fastidieux travail qui s'annonçait.  

Le chemin emprunté avait été pensé. Voilà qu'ils arrivaient près de la grotte des Orgues.
Ou du moins sa ruine. Ici on venait peu ou pas. Pas assez de reluisant, on préférait ignorer l'endroit et s'émerveiller de la beauté de ce qui tenait encore debout ou avait été reconstruit.
La grotte était une longue galerie écroulée à l'aube de la décennie et dont on n'avait pas encore commencé la reconstruction. Plafonds tombés, murs à moitié détruis, des statues en partie brisées et pourtant cette impression que tout trouvait sa place. Il y avait dans le délabrement luxueux quelque chose d'admirable.
D'un geste de la main elle indiqua au valet de rester là alors qu'elle continuait avec Alphonse, passait sous une arcade qui tenait encore debout pour aller marcher dans l'ombre des vieilles pierres. Du bout d'une main gantée elle effleura le corps d'un serpent qui avait perdu sa tête tout en s'adressant à l'homme qui l'accompagnait.

- Bientôt cet endroit sera aussi splendide qu'il l'a un jour été.

Sur ce point on pouvait compter sur Monsieur. Il savait y faire lorsqu'il était question de faire resplendir, cela l'épouse ne pouvait le nier. Balayées les colonnes de marbres qui ne soutenaient plus de toit, sous peu les rénovations commenceraient et laisseraient la place à un luxe qu'on applaudirait.
La jeune femme s'arrêta et ferma les yeux, comme pour s'imprégner de l'atmosphère. Oubliant un instant encore le pragmatisme, mettant de côté l'affaire plutôt sérieuse du moment -tout ce qui concernait un Lorraine méritait d'être considéré comme tel !-, elle divagua légèrement.

- Connaissez-vous des légendes, monsieur ? Pas celles qui nous content les exploits divins et les amours héroïques. Des fabulations plus populaires ?
Elle n'attendait pas de réponse. Quand bien même l'une fut peut-être formulée, elle n'y prêta pas attention.
- Malheureusement ce n'est pas mon cas. Ou si peu.

Tout au plus quelques contes que lui racontaient les nourrices. Des historiettes pour l'aider à s'endormir. De jolies fables racontées par des voix douces, beaux souvenirs en dépit du malheur qui avait auréolé l'enfance. Une seconde elle se tut. Le sourire devint faiblement nostalgique. Si peu. Presque aussitôt contrebalancé par le regard brillant qui revint se planter sur Alphonse. Un enthousiasme pour un sujet qu'elle imposait. L'avantage de la royauté : on n'osait la couper.

- Cependant j'aime à croire que certaines d'entre elles évoquent ces statues qui s'animeraient une fois la nuit tombée. Des anges qui descendraient des églises et virevolteraient au dessus d'étangs animés par les nymphes.

Le beau ballet que cela ferait. Au moins aussi splendide que ceux qu'on donnait à la cour. Un jeu d'ombres et des piques de lumière, des silhouettes mystiques qui vivraient quelques heures seulement. La belle vision.
Ses prunelles s'attardèrent un instant sur la silhouette d'Alphonse. Vivant au milieu d'un tableau si figé, Henriette se fit pourtant remarquer qu'il convenait bien à l'ensemble. Sans doute l'air fier qui convenait aux divinités grecques à présent tombées. Ou simplement le sourire qui laissait à croire que l'endroit ne lui déplaisait pas. Quoique la figure avenante était peut-être un masque, au moins il le portait bien.

- Restez à la cour jusqu'à l'été et vous constaterez par vous-même toute l'ingéniosité dont nos artistes sont capables pour nous y faire croire.

Les comédiennes se feraient antiques figures et la musique de Lully animerait le mythe qui plairait au roi. De magnifiques soirées en perspective. Rien que pour cela elle souhaitait à Alphonse d'attendre quelques mois avant de repartir. L'été suffoquant de Paris valait d'être vécu au nom du divertissement royal.
D'un geste sec elle ouvrit son éventail avant de partir s'asseoir sur le rebord de la fontaine depuis longtemps délaissée par l'eau.

- Mais je suppose qu'en m'entretenant vous n'aviez pas pour but de m'entendre divaguer.
Elle le toisa, chercha dans le regard la confirmation.
- Parlez donc, vous avez mon attention.

Enfin la place était laissée aux faits et projets. Qu'il exprime donc le fond de sa pensée, Henriette devait confesser la curiosité.
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyLun 13 Avr - 15:48

Un lien mystique devait exister entre les femmes et les oiseaux. Seule cette hypothèse permettait d’expliquer la fascination qu’elles éprouvaient à l’égard des volatiles et le soin qu’elles mettaient dans leur protection et même visiblement la protection s’étendait à l’assurance que les moineaux demeuraient gras. Au demeurant ces derniers n’étaient pas comestibles, contrairement aux merles, ce soucis n’avait donc pas le moindre fondement. Contrairement à cette comparaison. Car la masse de courtisans qui s’amassaient autour d’eux ressemblait bien à un rassemblement d’oiseaux prêt s’empiffrer des miettes que l’on consentait à leur abandonnait. Comme les volatiles ils s’éloignaient sur votre passage pour former de nouveau une masse compact derrière vous et se battre pour les lambeaux de nourritures que vous dispersiez.

Il leur jeta un coup d’oeil alors qu’il les dépassait suivant la duchesse. Ces gens se nourrissait de commérage, ils en étaient déjà gavés jusqu’à la mort. Cela ne se voyait pas dans les fines silhouettes des dames mais dans la façon dont elles agitaient leur éventail tandis que leurs yeux maquillés volaient d’un point à l’autre pour prendre la pleine mesure du couple qui les quittait. Quelque chose de gras pesait sur chacun de leur geste comme la chair flasque d’une vieille rombière et les commissures des lèvres se relevant alors que l’on chuchotait n’était guère plus plaisante que la chair rouge et potelé d’une catin sur le retour. Ces gens rendus obèses par les ragots, il allait les empiffrer jusqu’à l’indigestion se promit le chevalier de Harcourt alors que se détournant provisoirement de sa compagne il dédia un sourire aussi faraud que licencieux à cette assemblée ventrue.

La mention de sa famille était une introduction obligatoire à toute conversation à la cour. Certains pourrait trouver pesant que l’on se réfère en permanence à ses frères pour commencer à lui parler. Alphonse aimait à se croire au dessus de cela. Mais sans doute la contrariété qui lui tordait les boyaux à chaque fois qu’on le ramenait dans la masse princière et combien brillante de la famille des Lorraines-Armagnac finirait par se faire entendre. Mais pas aujourd’hui. Parce que cette remarque l’amusait bien trop pour qu’il ne s’en offusque.



Faire de Philippe un intriguant retors et implacable ce n’était pas bien compliqué, cet aspect de la personnalité du second fils d’Henri de Lorraine était apparu dès l’enfance.

Mais imaginer Louis comme un mièvre ! La belle image que celle là ! Son frère si méticuleux et précautionneux, si attentif à toujours être d’une amabilité parfaite et à respecter les convenances se retrouvait coincer dans une romance à sens unique où il se ridiculiser. Imaginer le futur comte d’Armagnac comme un amoureux d’une audace grotesque et d’une ridicule obstination dans sa cour maladroite et sans élégance tira un ricanement moqueur à Alphonse. Son amusement fut d’autant plus cruel qu’après les admonestation de son ainé, ne supportant décidément pas de voir un cadet réussir là où il échouait, il sentait le besoin de se venger. Et la perfidie d’une remarque lancée l’air de rien mais avec une prévision démoniaque offrait une bonne mise-en-bouche.

Alphonse arqua un sourcil en entendant la question mais son expression ne changea presque pas tandis qu’il levait les yeux pour observer le soleil qui tentait timidement de le réchauffer à travers la grisaille parisienne. L’amusement ne disparut cependant pas de son visage sur lequel se peignait également le soupçon de morgue qui caractérisait ceux nait au sein de l’élite comme lui. Il ajusta quelque peu ses gants prenant le temps de répondre. Un temps qui au demeurant fut fort bref. Les longueurs n’étaient guère dans le caractère d’Alphonse que cela concerne ses stratégies, ses amours ou ses politiques. Ici on cumulait les trois mais au lieu d’en être multiplié le temps consacré aux choix se trouvait divisait par trois.

Je n’ai guère de talents pour les mièvreries je le crains, Madame. Elles sont insipides, trainent en longueurs et n’apportent que des troubles. Sans doute ces ragots font de moi un être bien plus romantique que je ne le serais jamais.



Quand aux autres questions, il se contenta de répondre par une moue entendue alors qu’ils atteignaient la grotte. Ce genre de réponse ne se révélait pas si vite, même pour Alphonse, et il tenait à prendre son temps.



Les yeux pâles du chevalier se portèrent sur son environnement notant la beauté des lieux. La beauté des ruines, un thème qui revenait de plus en plus souvent dans cette cour condamnée à une oisiveté dégénératice. Il n’entendait que peu de chose en matière d’art. Capable de citer les peintres et les artistes, de reconnaitre le beau, il n’avait cependant pas le caractère d’un esthète. Tout au plus survola-t-il rapidement le cadre dans lequel on l’avait mené et le trouvant plaisant y prit ses aises comme seuls ses semblables savaient le faire. Le maintien impeccable conservait la nonchalance de ceux qui estiment que leur présence en ces lieux est un droit absolu que nul ne peut leur retirer.

Les contes et légendes il les connaissait comme tout à chacun. C’était le travail de ses précepteurs de lui farcir la tête de textes latins égrenant les noms des divinités. Les curés avaient leur part dans cet aspect de son éducation ajoutant une litanie de lieux commun et d’histoire destinée à lui servir d’exemple. À part cela, le folklore des paysans n’avait guère était apprit à Alphonse. On lui préférait de beaucoup les histoires de sa famille. Une fois de plus cela n’avait pas pour but de lui distraire. On lui apprenait d’où il venait, on lui démontrait la puissance de son sang et plus important encore on lui enseignait les erreurs qu’il ne devait jamais répéter. Aussi fut il soulager de voir qu’en réalité on se souciait fort peu de ses connaissances en matière de contes et que les yeux brillants la duchesse continuait de parler.

Son manque d’imagination l’empêchait de se figurer les statues mue par une volonté propre et agissant comme des êtres vivants. Quand aux anges n’en parlons pas ! Ces androgynes aux joues de fillettes ne l’attiraient pas vraiment. Mais la perspective des réjouissances estivales fit briller un peu plus fort les yeux pourtant déjà très vif du jeune homme. Ces divertissements seraient sans doute plus sophistiqués que ce qu’il avait vécu ces dernières années et lui conviendrait infiniment plus. Mais si la guerre l’appelait ailleurs sans doute ne demeurait il pas inactif dans la cour des plaisirs royaux. Rien ne valait plus que les combats lui semblait il. 

À propos d’offensive, il lui semblait qu’un nouvel engagement venait de commencer. Qu’il se déroule avec des mots portait en soit un parfum de nouveauté qui n’était pas pour lui déplaire. Et puis c’était moins salissant qu’une épée. Même si loin de souhaiter un duel avec cette si belle princesse, il voulait au contraire en faire son allier.

Il récupéra donc la parole avec un sourire. Si physiquement sa position debout lui permettait de toiser celle qui s’était assise son attitude égalitariste l’empêchait de la prendre haut. Bien au contraire des deux l’immense lorrain sembler le plus petit.

Je dois confesser madame que mon manque de talent pour les mièvreries est sans doute la cause de cette connaissance si intime que nous aurions l’un de l’autre. M’opposant à une haquenée se targuant d’un amour de faiblesse, j’ai déclenché la fureur d’une érinyes.


Il grimaça comme à chaque fois qu’il mentionnait même à mi-mot cette catin de Claude. Une femme qui croyait que la fantaisie sentimentaliste de son frère lui donnait des droits ! Même au sein de l’hôtel de Guise ! Même sur lui ! Sans doute aurait il dût être plus subtile dans son opposition à la garce mais au fond elle l’avait bien cherché et nul doute qu’elle lui paierais tout cela tôt ou tard. La question étant de savoir s’il serait le seul à le lui faire payer.

- Cet entretien a donc pour but de faire un mea culpa bien embarrassant et de solliciter un pardon que j’ose espérer mériter. Cependant cette escarmouche, sans grande perte, qui fut lancée contre nos honneurs appelent de ses souhaits tout autant votre amitié pour moi qu’une réponse destinée à laver nos noms.



Il eut un nouveau sourire, mais si les sourires de Philippe tenait du chat, ceux d’Alphonse carnassier et implacable tenait du loup. Et le regard enfiévré et avide, il attendait une réponse qu’il espérait plaisante, sans quoi il trouverait le moyen de réparer son préjudice seul et de façon moins plaisante.
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptySam 16 Mai - 13:27

Il lui fallait lever légèrement le menton afin de le regarder dans les yeux. Les prunelles claires d’Alphonse s’emplissaient d’une certaine malice mais, au contraire de son ainé Philippe, avaient le mérite de ne pas dégager de flagrante lueur mauvaise. Ou d’hypocrisie, concernant le favori cela dépendait des jours.
L’écoutant avec attention, Henriette ne se permit qu’un commentaire à l’évocation d’une femme faite démon.

- Vous êtes bien sévère, souffla-t-elle dans un sourire qu’elle ne chercha pas même à cacher.

Car cela lui plaisait. Alors que l’indulgence se révélait souvent d’un ennui certain, observer l’intransigeance d’autrui divertissait. Quand l’éducation aux mœurs avait forgé l’enfance, à l’état adulte le rigorisme pour ses pairs appelait à l’imagination. Celle-ci perdait son nom pour devenir la harpie, celui-là s’était vu pousser des cornes et par son entêtement ridicule était devenu un bélier. Ainsi la cour, ménagerie mythologique, ne cessait de voir aller et venir de nouvelles figures toutes plus risibles les unes que les autres. Au quotidien on inventait son propre théâtre pour pallier l’ennui qui s’immisçait dès qu’on se détachait de la fielleuse créativité.
Madame n’eut pas le temps de songer au nom qui pouvait se cacher derrière la peu flatteuse comparaison d’Alphonse. Mais de toute évidence il y avait derrière le racontar une conteuse dont l’identité serait bientôt partagée.
A la demande d’absolution Henriette ne répondit d’abord pas. Le soleil montant ayant fait irruption jusqu’à ses jupes et menaçant à présent la main blanche posée sur le rebord de l’ancienne fontaine, elle se leva et fit deux pas de côté afin de retrouver l’ombre. Et dès que le Lorraine eut fait un quart de tour afin de lui faire de nouveau face la jeune femme reprit, l’air plus intéressé que complice.

- Ainsi vous auriez le nom de la coupable ?

Cependant elle n’attendit pas la réponse. Le patronyme importait était d’une importance minime, le tout était de s’accorder sur la vision. Qu’importait la victime pourvu qu’on ait l’allié.

- Car comme vous l’énoncez le préjudice n’a certes pas été grand, mais de principe une riposte s’impose.

Et ce fut ici que les dents se découvrirent afin de donner naissance à une attitude entendue. Le goût d’Alphonse pour la vengeance plaisait. S’il avait été dévoilé dans d’autres circonstances sans doute l’aurait-elle méprisé. Simple spectatrice de la revanche la duchesse aurait jugé sévèrement, trouvant assurément chez lui l’esprit perfide des Lorraine qui poussait à se méfier comme de la peste. Mais ici, quand bien même la confiance n’était bien sûr pas acquise, il y avait au moins l’intérêt commun. La vigilance demeurait certes mais l’enthousiasme voyait le jour.
Y avait-il meilleur moyen de créer la collaboration qu’en identifiant une victime partagée ? Sans doute pas. Il ne pouvait exister connivence plus forte qu’entre deux préjudiciés qui voulaient repasser l’offense.

- Et je confesse qu’un talion me semble une maigre punition au vu des concernés.

Quand on touchait simultanément haute noblesse étrangère et famille royale on ne pouvait décemment pas s’attendre à simple pichenette. Une fois découvert il fallait assumer la gravité de ses actes. Et la punition était d’autant plus plaisante à infliger qu’on avait face à soit un intriguant manquant de toute évidence de talent puisque s’était fait démasqué. Voir l’orgueil, dont le fautif s’était pris en croyant le tour jouer, s’effondrer brutalement était assurément la partie la plus appréciable.

- L’exemple doit être donné.

Quand bien même la rumeur lancée n’avait pas pris il fallait répondre par la plus grande sévérité afin de faire comprendre à tous qu’on ne pouvait impunément tenter de s’en prendre à plus grand que soit. Un croche-patte en coulisses méritait au moins un lynchage en place publique.

Elle se dirigea vers la sortie de la grotte tout en continuant à parler. Cela faisait quelques minutes qu’ils avaient disparu et la bienséance supposait qu’ils se montrent de nouveau. Récupérant au passage le domestique qui tenait l’ombrelle et avait été abandonné à l’entrée des ruines, ils rejoignaient à présent le groupe de courtisans plus tôt laissé. Ou du moins s’en approchaient assez pour attirer leur attention.

- En gage de votre bonne foi je requiers vos services, monsieur, pour que nous pensions et exécutions de concert le châtiment mérité.
Elle tourna la tête vers Alphonse et afficha un sourire à présent moins éclatant. Puisqu’on les regardait de nouveau il fallait feindre un intérêt plus limité.
- Blâme fait et vous aurez alors prouvé votre noblesse en plus d’amplement mériter le pardon demandé.

Le groupe de spéculateurs poudrés était à présent assez proche pour que leur brouhaha se fasse entendre. Cependant hors de question de se mêler de nouveau à eux. Il suffisait de passer devant cette petite cour afin d’assurer que la compagnie d’Alphonse était simplement innocente avant de s’éloigner de nouveau.
Cette fois les escaliers furent pris. Direction le haut des terrasses. De là ils pourraient surplomber les courtisans abandonnés. Et si ces derniers souhaitaient lui suivre du regard ils se trouveraient obligés de lever la tête d’une façon tout à fait flagrante. Montant les premières marches Henriette reprit la parole pour enfin s’enquérir de l’avis d’Alphonse.

- Trouvez-vous ma proposition honnête ?

Au-delà de la simple honnêteté il semblait à l’anglaise que l’affaire lui plairait tout bonnement. Le sourire avait été trop carnassier lorsqu’il avait tout à l’heure évoqué la vengeance pour qu’à présent l’enthousiasme se soit évanoui. Les termes conclu le jeune homme pourrait à présent livrer le nom de la victime en devenir, première étape avant de pouvoir laisser courir une imagination vengeresse.
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyDim 14 Juin - 18:35

À l’accusation de sévérité, il ne prit pas la peine de répondre. Personne ne pouvait se méprendre sur le ton. Son accusation et sa tirade avait plût à la duchesse, et le chevalier de Harcourt ne s’y méprenait pas. Tous connaissait le goût de la duchesse pour les moqueries, les comparaisons peu flatteuse et les éclats de rire aux accents cruels. Les comparaisons badines, proche de l’euphémisme, d’Alphonse n’avait fait qu’aiguiser un appétit pour le scandal qu’on ne pouvait qu’apprécier, et après avoir dégusté les hors-d-oeuvre, elle se pourléchait les babines en pensant à la suite. Pourtant elle se permit de faire trainer les choses et ne lui permit ni de répondre à la question, ni de rentrer dans le vif du sujet.

Le faible rayon de soleil auquel Alphonse offrait son visage en guettant des réminiscences méditerranéenne semblait menacer la peau d’Henriette. Il suivit le mouvement, refusant de lâcher son interlocutrice des yeux et conservant un sourire amusé fort peu protocolaire. Et le sourire s’agrandit encore un peu lorsqu’enfin elle concéda son envie de vengeance. Son visage n’était pas fait pour les sourires, on le lui avait assez dit. Mais ce que l’esthétique y perdait, le charisme y gagnait. Car à ce moment là, le jeune homme aurait permit une bonne étude de caractère. Les yeux brillaient d’une malice enfantine mêlée de joie pure mais sans une once d’innocence. Au contraire dans l’expression euphorique du combattant on lisait la cruauté propre à sa race et le plaisir anticipée de la curée et du sang qui ne manquerait pas de couler à flot.

Ce goût, nul doute qu’il le partageait avec Henriette. Stuart par le sang, Bourbon par le mariage (pire Orléans), elle avait prit de ces deux grandes familles l’esprit revanchard, la dureté et le goût pour une perfidie confinant à la cruauté. Les petites piques doucereuses qu’elle ne manquait jamais d’envoyé aux coquettes tentant de l’égaler ne tromper jamais et il fallait voir comment elle rappelait à la putain du roi sa place, quand le monarque n’était pas là.

À eux deux, ils feraient de grandes choses bien plus réjouissantes que toutes les pratiques que la rumeur leur avait prêté. On ne se contenterait pas de rendre la monnaie de la pièce, même les intérêts ne pouvaient payer l’affront qui avait été fait. On allait mener à la ruine l’odieuse instigatrice de ce coup bas. L’alliance promettait d’être réjouissance et il y avait tout lieu d’espérer qu’elle durerait bien au delà de la réponse à cette petite perfidie.

On quittait désormais les ruines et on retrouvait l’agitation de la basse court coloré qui continuait de les fixer avec des yeux ronds. Les ignorer n’était pas bien dur tant leurs existences étaient insignifiantes et ne portaient pas à conséquence. Continuant la conversation comme s’ils étaient seul au monde, et ne l’étaient ils pas? Les seuls esprits brillants et nobles de l’assemblée? ils les dépassèrent pour prendre les escaliers. Grimper plus haut et surpasser ces fats et ces abrutis, la métaphore étaient aussi belle qu’évidente songea Alphonse. Les talons de ses bottes claquaient sur le marbre et il faillit ne pas comprendre qu’on lui rendait la parole alors que dans leur dos de nouveaux murmures s’échappaient.



De toute évidence on tentait de suivre leur conversation. Et aux échos qu’il percevait lui et la duchesse s’entretenait simultanément de la cuisson du poisson et de l’interprétation du dernier sermon de Bossuet. Il y avait il une signification sexuelle derrière les transcriptions de leurs paroles? Alphonse se promit d’y réfléchir et de demander l’avis de personne mieux placer que lui pour la chose.

Avec un sourire, il ôta sa paire de gant et la glissa soigneusement avant de tendre une main exceptionnellement dénudée à la duchesse. Les longs doigts se révélaient aussi tanné par le soleil que son visage, la grisaille parisienne n’ayant pas suffit à leur redonner la blancheur de rigueur à la cour. Par contre le poignet que l’on devinait entre les plis de la dentelle possédait une teinte ivoire caractéristique. Le contraste ne plaisait guère à Alphonse qui préférait en toute chose l’uniformité, une nouvelle raison de cacher ses mains, plus les cicatrices marquant l’une d’elle. Mais il passerait outre la chose. Parce que tendre la main avec une galanterie inutile justifiait bien quelques concessions.



En soit que les petits doigts de la duchesse reposent sur les siens ou dans le creux de son bras n’avaient pas grand chose de choquant. Ils montaient des marches, exercice que l’on voyait -à sa grande stupéfaction- comme périlleux pour les femmes et lui même était de suffisamment haute naissance pour que l’on n’ait pas à rougir d’une telle association. Mais avec la rumeur et le parfum de scandale qui les entouraient, cette galanterie frôlait tout à la fois l’indécence et la provocation gratuite. Dès lors qu’ils auront gagné les terrasses et que les courtisans se seront détruit la nuque pour les contempler on ne manquera pas de voir ce geste. L’insolence et l’indécence même du chevalier de Harcourt sera sur les lèvres de tout à chacun mais il n’en avait cure. Enfin il prit la parole.



- Ces services que vous me réclamez, je vous les offres de bon coeur. Et même je m’en réjouis.



Levant le regard pour observer l’évolution paisible de nuages et affecter de ne pas voir la foule qui se pressaient en une fourmilière multicolore à leurs pieds, Alphonse reprit.



- L’instigatrice de cette rumeur est une Hermionne sans couronne, ou noblesse. Attachée à vos pas, plus soubrette que princesse, elle a vu dans l’éros pathétique de mon frère une occasion de s’élever comme la duchesse de la Vallière. Sauf que contrairement à cette dernière, elle ne connait pas sa véritable place et que plaçant plus haut la fierté de mon nom que l’amour fraternel j’ai jugé bon de la lui enseigner.



Du menton, il désigna Claude de Fienne. Cette dernière était trop loin pour percevoir le geste d’Alphonse ou se douter qu’il lui était adressé mais la duchesse d’Orléans elle ne pouvait pas se méprendre.



- Avec cette haine de ceux lui étant supérieure, elle a voulu me punir et vous salir. Vous souhaitez mes services pour réparer cet outrage, je vous les dois, je vous les offre. Et croyez moi, j’ignore ce que de la vengeance ou d’être à votre service me réjouira le plus.



Il inclina légèrement la tête. Bien entendu maintenant qu’on ne pouvait les voir, il n’offrait au monde qu’un masque insupportable d’arrogance et de beauté. Mais le regard n’avait pas changé. L’appel du sang et de la vengeance faisait toujours briller les yeux que l’on devinait entre les lourdes rangés de cils noirs.



- Madame, je suis à votre service pour cette affaire comme pour les autres. Jusqu’à ce que vous me pardonniez et bien après.



Son regard navigua encore un peu oscillant entre le parterre de suiveurs et de parasites et le ciel. Notant la cour qu’un lourdaud faisait à une dame de compagnie de son interlocutrice, il ne retint pas sa grimace mais ne put contenir sa curiosité face à ce spectacle ridicule.
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyMar 23 Juin - 23:16


L’identité révélée tira un claquement de langue agacé. Une si petite personne capable d’une telle rumeur, c’était presque admirable. Quasi théâtralement Henriette bascula promptement la tête en arrière, pouvant laisser croire à l’assemblée qui les observait en coin qu’elle était plus lassée par la conversation d’Alphonse que rebutée par une quelconque divulgation.

- Ah! La perfide, souffla-t-elle avant de resserrer la mâchoire.

Au demeurant elle n’était malheureusement que peu étonnée. Si la demoiselle de Fiennes savait se montrer discrète, le simple fait qu’elle soit la maîtresse d’un des plus grands intrigants de la cour poussait à la méfiance. Sans oser y croire vraiment Henriette avait cependant voulu espérer qu’à défaut de lui être d’une réelle dévotion, Claude se contenterait au moins de continuer de survivre à la cour sans la desservir.
Laissant Alphonse finir son exposé, Henriette tourna légèrement le regard vers lui, notant un sourire qui se voulait de toute évidence moins charmeur que ceux de ses frères – ou alors le manque d’entrainement des zygomatiques était simplement à l’origine de ce rictus mal adapté à la séduction –, mais qui semblait trahir plus d’honnêteté. La malveillance se lisait sur les lèvres presque plus qu’elle ne s’entendait.

- Vouloir vous nuire était sot, m’entrainer dans son sillon parfaitement odieux.

Quiconque connaissait les Lorraine, ne serait-ce que de réputation, savait que tous supportaient mal la confrontation, encore moins l’échec. A moins d’avoir des armes à la hauteur, s’attaquer à l’un d’eux relevait donc du pur et du plus idiot orgueil. Concernant la Stuart, tout n’était question que de bienséance. Principe vis-à-vis duquel toute la cour semblait se croire supérieur, mais dont tout nouveau piétinement ne pouvait manquer de tirer une remarque.  

- On me jure fidélité et me trahit à la première occasion.

Elle laissa filer un léger éclat de rire face à cette notion qui trop souvent dans une maison royale n’avait aucun fondement. A de trop nombreuses occasions on se faisait imposer auprès de la reine ou de Madame, jurait pour la forme de servir sa maîtresse, puis la trahissait dès que l’occasion se présentait. Fiennes était une belle illustration de cette fourberie quasi quotidienne. Au demeurant elle avait eu le bon goût d’attendre de longs mois avant de clairement jouer contre Madame.

- Cette femme confirme aujourd’hui qu’elle mérite aussi peu la confiance qu’elle ne l’inspire.

Le regard fut tourné vers la traitresse, que de haut on suspectait souriante quoiqu’en constatant la réunion de deux intrigants qu’elle avait tenté de faire tomber il serait de bon ton de commencer à s’inquiéter. Mais qu’elle profite de cette sensation de victoire faussement acquise, la délectation ne durerait que trop peu.

- Par ce coup sans éclat sans doute voulait-elle tenter d’égaler, dans une tentative désespérée, la gloire dont votre frère peut s’auréoler.  

Elle s’était de nouveau tournée vers Alphonse, haussant les sourcils d’un air faussement interrogateur, voulant simplement s’assurer qu’il n’oserait pas une remarque allant à l’encontre de l’opinion de la duchesse concernant le chevalier de Lorraine. Tout familier qu’Alphonse était de ce dernier, Madame refusait qu’on s’aventure à la contredire ouvertement sur la sournoiserie du favori de son époux. Quiconque se targuait d’être capable d’objectivité ne pouvait nier une intelligence scélérate et un charme tout aussi imposteur que déloyal. Au demeurant la remarque avait été à peine mauvaise et voulait au moins reconnaître, s’agissant de Philippe, une virtuosité en matière de fourberie.
Le manque d’apparent soutien familial – le contraire aurait cela dit dénoté d’une trop grande déficience d’esprit courtisan – lui permit de continuer non sans un certain entrain dans la voix.  

- Partager officieusement le lit d’un prince n’absout pas de répondre de ses actes. Et malheureusement pour elle le panache ne compensera jamais entièrement le manque évident de talent.

A la méchanceté pas même cachée elle joignit un sourire aussi discret qu’il était à l’opposé de la bienveillance.
Cependant l’attitude digne fut un instant troublé par une présence importune. Ou plutôt s’agissait-il d’une attaque sur sa royale personne !

- Une abeille, s’exclama la duchesse qui agita soudain vivement sa main devant son visage. Fléau des jardins. Aux bosquets ce qu’était Marie-Thérèse aux soirées : une tare. Continuant de secouer le poignet, elle se rappela soudain de l’existence du valet qui tenait son ombrelle et le pria sèchement de donner un sens immédiat à sa vie.
- Chassez-la donc !

S’ensuivit une scène doucement ridicule, brin de quotidien dans une cour qui n’avait au fond aucun sens. Un bras tendu près de Madame pour s’assurer qu’elle n’ait pas à se plaindre du manque soudain d’ombre, l’autre qui s’échauffait dans le vide pour s’assurer que l’insecte n’importune plus la princesse, et par-dessus le marché un pied levé, comme si l’imitation du flamant rose pouvait être d’une quelconque aide. Alors qu’il continuait quand bien même l’envahisseur était de toute évidence parti butiner ailleurs (le trop fort parfum porté par la jeune femme avait peut-être accéléré la fuite), Henriette se tourna vers lui et lui adressa un regard noir. Un peu de tenue, que diable. L’homme ayant retrouvé une attitude de digne porte manteau, elle se racla la gorge, voulant ignorer totalement ce qu’il venait de se passer, et se tourna vers Alphonse le plus naturellement du monde.

- Puisqu’elle croit tenir un quelconque pouvoir des faveurs de votre frère il nous faudra trouver le moyen qu’il la délaisse, exposa-t-elle calmement. Perdre sa protection, c’est se faire oublier de mon époux et enfin me laisser l’occasion de la chasser de ma maison.
Puisqu’il était malheureusement de notoriété publique qu’aucune décision concernant ses gens ne pouvait se faire sans que Monsieur vienne y mettre son nez. C’était tout juste si pour ne pas s’assurer d’une totale emprise sur sa femme il n’allait pas jusqu’à nommer de simples femmes de chambre.
- Plus d’éminent amant ni de charge, reprit-elle avec malice, pour sauver les apparences il ne lui restera qu’à fuir.

Simple et efficace. Faire délaisser et gentiment pousser dehors, on ne pouvait faire plus alcalin. Mais le succès reposait souvent sur l’absence de fioritures inutiles. Et il n’y avait au fond rien de plus cruel que de susciter l’abandon, Madame y avait assez goûté pour pouvoir aujourd’hui l’assurer.  
Mais l’heure n’était pas à la nostalgie, les pensées devaient se faire plus pragmatiques et tournées vers le futur. Satisfaite de son idée qui sur le principe ne pouvait pas mener à l’échec elle s’inquiéta cependant de l’avis de son complice.

- Aviez-vous à l’esprit une démarche qui se voudrait plus élaborée ?

Approbation ou suggestion, il fallait au moins un sentiment d’enthousiasme pour souder l’union.  
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptySam 25 Juil - 17:46

Qu’il était plaisant d’être compris dans son ressentiment. Entendre la duchesse se rallier à sa cause et critiquer, avec toutefois un peu trop de retenu, Claude de Fiennes dédommageait amplement Alphonse pour les désagréments de la rumeur. Pas assez pour le faire renoncer à une quelconque vengeance bien entendu, mais suffisamment pour rendre l’entretien des plus plaisant. Bien entendu, il ne s’agissait pas d’une véritable connivence. La réunion de deux égos blessés ne suffisait pas toujours à créer une entente parfaite. Mais dans l’indignation d’Henriette d’Angleterre, le chevalier d’Harcourt ne voyait que trop se reflétait ses propres pensées. Sa charmante interlocutrice jouait désormais autant le rôle de miroir de sa rage que d’allié.

Les remarques sur Philippe firent mourir le sourire carnassier. La trahison d’une femme à la noblesse douteuse et pourrie jusqu’à la moelle ne lui faisait rien. Bien entendu, il se vengerait et l’humilierait. Parce qu’on ne s’en prenait pas à lui sans en payer le prix. Mais au fond, elle ne lui inspirait qu’un mépris teinté de colère. En cela, elle était similaire à un moustique. Exaspérante et ne méritant qu’un anéantissement total mais au fond bien peu de chose. Une rien du tout. Ce qui rendait la trahison de son frère d’autant plus amer. Qu’il la mette dans son lit était presque compréhensible, que cela donne à Claude une trop haute d’image d’elle-même et de ses prérogatives était compréhensible. Qui ne serait pas flatté d’être « quasi-mariée » à un prince de Lorraine? Le comportement de cette femme était déplorable mais compréhensible, c’était dans la nature des riens-du-tout de se monter la tête dès lors qu’ils sentaient les douces effluves de l’élitisme. Mais que son frère ne fasse rien ! Quel trahison ! Philippe aurait dût être le premier à l’humilier, à la recadrer, à prendre sa défense comme seul un véritable Lorraine le faisait. Mais non ! Sur cet épineux problème l’archimignon préférait garder le silence. Et nul doute que le duc d’Orléans lui offrait une pathétique armure de rubans et d’orgie alors que Philippe se réfugiait plus que jamais à St Cloud.

Agacé, Alphonse eut un claquement de langue et un geste de la main négligeant qui montrait bien tout le mal qu’il pensait actuellement de Philippe. Il ne se donnerait pas la peine de glisser une phrase positive sur ce Judas. Il ne le méritait pas. Et Henriette aurait put se montrer plus acerbe et injuste avec lui sans qu’Alphonse ne se décide à prendre la défense de son ainé. Qu’il sorte de sa planque et vienne lui faire ses excuses. On verrait après.

La scène de l’abeille ne manqua pas de lui attirer un sourire en coin. Rictus qui visait surtout à se moquer de l’incompétence du domestique. Cet incapable visiblement ne parviendrait jamais à ne lutter contre quelque chose d’aussi ridicule qu’un insecte dans une robe rayé. Une fois le dangereux prédateur bourdonnant partit, il se laissa aller quelque peu. L’oeil brillant d’une malice qui n’avait rien de mauvais, il s’enquit



- Chasser les nuisibles fera-t-il parti de mes attributions, madame? Assurément je m’y emploierais mieux que lui.
D'un mouvement dédaigneux il désigna le larbin, ignorant royalement le regard noir qu'il reçut en réponse.

En l’entendant exposé ses pensées, il risqua cependant une contestation aimable.


Vous n’imaginez pas à quel point j’apprécierais de voir l’hôtel de Guise débarrassé de cette engeance abjecte, tout autant que vous souhaitez voir votre maison être libre des parvenues qui hantent vos pas.

Mettre à la porte cette femme serait assurément un des accomplissement de son existence. Rien que cette pensée le fit sourire.


- Mais la protection de mon frère a ceci de jouissif qu’elle attise les foudres de la jalousie et de la possessivité maladive de votre époux. Il la hait d’autant plus qu’il a besoin d’elle pour comprendre Philippe. Que son amant l’abandonne, elle perdra aussi celui qui jusqu’à aujourd’hui était son plus farouche opposant.

Il eut un sourire cruel :

- L’abandon sera la conséquence de notre vengeance, son apothéose, mais nullement le moyen. Si cela vous convient bien entendu.



Son regard se perdit une fois de plus bien au delà de la ligne d’horizon tandis que machinalement sa main venait reposer sur son épée. L’instrument ornant son flanc tenait plus de la parade que du combat réel. Personne ne s’attendait à le voir croiser le fer ici. Mais l’arme demeurait redoutablement affutée. Et de fait, faire couler un peu de sang ne poser pas de problème à Alphonse. Au contraire l’excitation féroce des combats lui manquait depuis son arrivée à Paris. En parlant ainsi de vengeance et de cruauté, il sentait un délicieux frisson lui parcourir la peau et quelque chose se réveillait enfin chez lui. On ne lui offrait pas une véritable bataille, mais cet ersatz d’affrontement suffisait à réveiller son esprit combatif. Et son esprit sautait d’idée en idée comme lorsqu’il s’agissait d’établir une stratégie ou de décider d’un abordage.



- Elle ne lui est lié en rien, ni par le mariage ce qui est bien peu de chose, ni par le sang, ce qui est tout. Si ce caprice sentimentale semble être un quelconque frein à ses ambitions, alors il l’abandonnera.



Philippe ne se souciait que de lui. Cette tendance déjà remarquable durant l’enfance ne devenait que plus évidente depuis quelque temps. Il avait même l’impudence de délaisser sa famille et ses intérêts. Ce qui était stupide et agaçant. Mais chaque en son temps. D’abord la catin, ensuite le frère.



- Une femme de cette espace n’a pour elle ni richesse, ni titre, ni famille. Une vague noblesse empestant la robe moisie au fond d’une armoire et une réputation. Pour sulfureuse que cette réputation soit devenue, elle ne l’empêche pas de trainer ses mines acerbes dans votre sillage. Elle lui a même permit d’avoir « des relations » tout aussi misérable et infréquentable qu’elle. Ce qui vous me l’accorderez nous offre un angle d’attaque pour le moins idéal.
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Amants de papier, intrigants en taffetas [Pv. Alphonse] EmptyMer 12 Aoû - 17:04

Absolument. Il chasserait les nuisibles. Ou plutôt avait désormais pour charge d’en prendre en griffes un, et d’une taille loin d’être moindre. Heureusement l’honneur dépassait celui de porter la livrée.
Sans pour autant tourner les yeux vers lui Henriette écouta avec attention le chevalier, agitant doucement son éventail dentelle devant son visage, cachant ainsi la moue légèrement méprisante que lui inspira la populace courtisane qui se pressait plus bas. Trop d’accord avec lui sur le fond, elle ne le coupa qu’une fois pour exprimer son mépris pour la forme avec un léger mouvement de main agacé.

- But, moyen, utilisez le terme qui vous plaît.

De toute évidence ils restaient d’accord sur l’essence. Ce qui importait était que tôt ou tard la victime se retrouverait si bassement estimée qu’elle frôlerait la mort par humiliation. L’abjection, rien de plus beau quand on pouvait le contempler de haut.
A la suite de cette remarque à l’intérêt limité elle laissa au Lorraine l’occasion d’exprimer librement la fin de sa pensée.
Peu après qu’il eut terminé elle referma d’un geste sec son éventail et se tourna vers Alphonse qu’elle fixa cette fois sans ciller. Un peu de sérieux entre les regards amusés ou badins, cela relevait presque de l’originalité.

- Je ne vous contredirai en rien. Nos esprits ne s’accordent que trop sur la condition de cette femme.

Intrigante arriviste, fille de joie à défaut de rien, cafard couronnée, au sang aussi noir que celui d’Alphonse et Henriette devait avoir l’éclat du diamant, ils ne manqueraient jamais d’imagination pour qualifier Fiennes. La calomnier mériterait presque d’y consacrer des après-midi entiers. Puisque son nom méritait à peine d’être prononcé autant s’adonner à une extravagante création de surnoms. Au nom de la bonté d’âme il serait même bon de publier liste d’appellations afin que toute  la cour se sente libre de l’utiliser à son gré. Cette pensée purement fantasque tira un rictus mauvais à Henriette avant qu’elle ne reprenne sur le ton du très sérieux.

- N’oubliez simplement jamais que je veux à terme la voir fuir. Voilà la seule condition sur laquelle je serai inflexible. La chute est une chose, l’exil en est une autre.
Pour intensifier la gravité de la situation –question de principe on ne folâtrait pas avec la réclusion, le sort était à la cour bien trop atroce- Henriette garda le silence une poignée de secondes.  Cependant pas assez longtemps pour qu’on puisse le croire compatissante, bien trop vite la malice mauvaise revint se nicher au coin de ses lèvres.
- Mais au fond il ne s’agit pas d’une contrainte réelle, vous conviendrez que l’événement sera inévitable.

Rester quand plus personne ne voulait de vous, personne n’était assez fort de caractère ou sot pour tenter l’expérience. D’autant plus que Madame se ferait une grande joie de lui donner congé.

- Vous parlez aussi de ses relations (le mot avait été prononcé avec un mépris non caché) mais n’en oublions pas les nôtres, reprit-elle avec dans la voix cette légère vanité qui naturellement venait dès qu’elle évoquait son rang. Elle a le soutien des cancrelats quand nous avons celui des princes.

Le soleil s’étant caché derrière une masse presque orageuse qui s’était rapidement installée au-dessus de leurs têtes, la duchesse fit signe au serviteur de reculer d’un pas pour lui donner un peu plus d’air. Et au passage de discrétion. Certes les valets s’apparentaient en théorie à des meubles, mais celui-ci commençait à l’exaspérer avec son incapacité à chasser les abeilles et à présent une tendance à se racler la gorge alors que son rang supposait qu’il valait mieux s’étouffer plutôt qu’importuner. Après avoir levé les yeux au ciel Henriette ressaisit le fil de sa pensée.

- Lorsque l’occasion se présentera je ne manquerai pas de glisser à votre frère Louis un mot sur l’impertinente. Lorsqu’il comprendra que cette fielleuse pourrait à terme me gâcher le teint il ne manquera pas d’entreprendre de lui-même un mouvement.

Tout en continuant son monologue elle tourna les yeux pour de nouveau les poser sur les courtisans qui à présent avaient entamé de remonter les jardins afin d’échapper à la pluie qui menaçait. Ne restaient donc plus que quelques secondes avant qu’ils n’arrivent à la hauteur de la Stuart et du Lorraine, juste ce qu’il fallait pour conclure ce début de vengeance.

- S’il a peut-être supporté cette arriviste dans son entourage, il saura changer d’avis lorsque je lui aurais soufflé l’idée.
Du moment que cela ne remettait pas en cause les intérêts de sa famille Louis ne pourrait être capable de causer du tort à Henriette. Au contraire elle était assurée qu’il ne voulait que lui plaire. Puisque Claude n’était tout au plus qu’un parasite qui ne méritait en rien la protection qu’il lui offrait à présent par son laisser-faire, jamais il ne pourrait refuser de s’en débarrasser, la duchesse en était convaincue.
- Et bien que sans doute insuffisante, quelle que soit son intervention elle aura au moins le mérite d’être commode.

Tout partisan était bon à prendre, d’autant plus lorsque celui-ci ne demandait en échange qu’un sourire.
Les courtisans arrivant à présent à leur hauteur, Henriette se devait de les rejoindre. Maintenant que les bases avaient été lancées elle ne quittait cependant pas Alphonse à regret. Il lui avait donné assez pour que sa tête puisse fuir loin quand les insipides conversations reprendraient.

- Pardonnez, monsieur, mais je me dois de mettre une fin à cet entretien. L’espace d’un instant les jaseries peuvent être oubliée, il ne saurait en être de même de la bienséance.

Elle inclina poliment la tête avant d’ajouter.

- Soyez par ailleurs assuré d’être désormais le bienvenu chez moi.

On avait rarement l’audace de se présenter au salon que tenait régulièrement Henriette sans y avoir été invité, Alphonse n’avait à présent qu’à se donner la peine de venir. Le privilège avait au fond autant du devoir que du droit.
Un dernier sourire qu’elle s’efforça de ne pas faire trop complice - désormais qu’on pouvait sans mal la voir, et elle rejoignit le groupe qu’elle avait plus tôt quitté. Sans s’abaisser à donner la moindre explication sur ce qui avait été dis au chevalier d’Harcourt (les questions viendraient bien assez tôt, aucun besoin d’anticiper), elle prit les devants du groupe et imposa sans mal un pas rapide en direction du château.

-  Dépêchons, nous ne voudrions pas nous trouver sous l’orage lorsqu’il éclatera. Il s’annonce retentissant.

Un regard lancé par dessus l’orage s’adressa à l’assemblé, s’attardant légèrement sur mademoiselle de Fiennes pour qui elle eut un sourire prétendument aimable. A défaut d’avoir une morale cette dernière n’était pas totalement dénuée d’intelligence et comprendrait bien assez tôt.
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