Les cahots de la chaussée pavée ruisselante, humide et glissante.
Voilà le lot de tout voyageur en voiture à Paris le lendemain d'un jour fort pluvieux. Ce qui ne faisait qu'aggraver les problèmes de circulations endémiques dans les ruelles étroites et surchargées de la capitale royale. Ruelles insalubres encombrées de chariots et charettes de fortune, voitures et équipages, de portefaix déambulant maladroitement, de commerçants et artisans jouant des coudes, ou des poings, afin de se frayer un passage et de pouvoir installer leurs étales. De Riverains des sinistres mansardes plantés aux alentours, de simples passants, de mendiants crasseux, de tires laines aux aguets, de brigands plus féroces tapis dans l'ombre d'une impasse ténébreuse et perdue. Ici donc ou filles de joies hilares, fiers bohémiens, saltimbanques colorés, soldats du guet cliquetant et menaçant, mouchards invisibles de la Reynie, handicapés authentiques ou non, malades et mourants gémissant, chiens, chats, poulets, pigeons, rats...se mêlaient et s'entremêlaient (ici bas) comme les damnés des enfers dans leurs cercles maudits. En un mouvement général incessant (et chaotique), ou tous les bruits se confondaient, de même que les odeurs et puanteurs de toutes sortes. Maelstrom de chair, de bois et de boue, tragique et cocasse, s'étirant et s'évacuant vers un point, un fond imprécis, introuvable.

Pour l'heure, les occupants d'une riche calèche semblaient chercher leur chemin, celui devant les mener à leur destination. Voiture, pour l'instant, voué au parcours labyrinthique d'un bâteau ivre en les dédales écumants d'un Paris flottant mais ne sombrant point. Noyée dans la masse, immergée en elle, mais protégée des marées humaines. Des flux et contre flux de la si lunatique plèbe. Aux humeurs changeantes, et terribles, à l'image du climat. Et le parcours, la voie de cet équipage était bouché, tel le divin soleil empêché par de lourds et opaques nuages d'orage. Sans horizon, sans boussole, sans cap précis à suivre, le carosse risquait de s'échouer d'un moment à l'autre. Et ses occupants d'être la cible de possibles argonautes malfaisants de passage. Une éclaircie providentielle vint illuminer la ruelle ou s'engageait les voyageurs.
Ce qui inspira l'un d'eux, qui interpella le cocher.

-Ici! Cocher?! Prenez à droite!

Le conducteur s'exécuta. Et une autre voix se fit entendre.

-Vous en êtes certain?

Rassuré mais prudent, cet homme voulait y croire.

-Oui excellence, sans nulle doute!  

Le ciel se dégageait, de même que cette énième ruelle populeuse, ou une escouade de soldats y faisait bon ordre, à coups de crosses ou de plats de sabres. Les portières de la voiture portaient armoiries, ce qui n'avait guère échappé à l'officier présent. Qui salua les occupants du véhicule sans savoir de qui ils s'agissaient. L'ambassadeur manqua presque de se signer...Le hasard, (ou la providence?), faisant parfois bien les choses.

-Ici!

L'indication injonction fit réagir le cocher, qui ne tarda pas à faire s'immobiliser ses deux montures. L'homme aux côtés du conducteur s'empressa d'aller déplier le marche pied, puis il ouvrit la portière.
Van Haack sortit le premier, suivie de son secrétaire. Alors que le "portier" esquissait le geste de les accompagner, son maître lui fit signe d'attendre avec son collègue. Les deux diplomates s'engagèrent sous une porte cochère, avant de pénétrer dans une petite cour intérieure. L'endroit était désert, juste quelques rumeurs étouffées et lointaines se faisaient entendre ici. Le secrétaire précéda Niklaus en gravissant quelques marches. Avisant une porte abimée, il jeta une courte oeillade entendue à son ami, et enfin...tapa trois coups contre celle ci, avec son pommeau de canne.

-Monsieur Delacroix?    

Silence.