Le soir tombait gentiment sur Paris lorsque Ian sortit du chat d’or.  Le soleil commençait à tomber derrière les toits, laissant gagner du terrain aux ombres qui prirent bientôt possession de toutes les petites rues. Le bâtiment où il exerçait n’était pas d’une grande beauté. A vrai dire tant qu’il tenait et pouvait abriter les femmes et leurs clients cela allait à Maria. L’Anglois était donc appuyé contre le mur, attendant les propositions les plus indécentes de ces dames. Il en avait vu passer depuis qu’il était ici, et Ian avait pensé en faire un livre pour s’en souvenir, mais le petit problème, c’est qu’il ne savait ni lire, ni écrire… Il n’aimait pas ces savants qui gribouillaient sur ces papiers des petits dessins avec des plumes et cet étrange liquide noir qu’ils nommaient encre. Une langue sert à parler, elle n’est pas faite pour être écrite. Comment mettre des sons sur un bout de feuille ? Cela paraissait abjecte à Ian qui préférait pour l’instant apprendre le français.

Tout à coup, il vit dans la rue un visage familier. Une personne qu’il avait déjà vu quelque part. Une jeune femme, ou non, un  jeune homme ! Il était fin, mais pas très grand. Le gigolo inclina légèrement la tête et l’observa plus en détail et c’est là qu’il le reconnut. C’était au bal qu’il avait vu ce jeune garde, aux côtés du frère du Roy. Enfin, garde, c’est ce qu’il pensait car l’inconnu était resté droit comme un « i » tout le long de la soirée, rejetant les personnes étant indiscrètes avec sa « Majesté ».  Il était à côté du « pète-plus-haut-que-son-cul »quand il  était couché sur son canapé en train d’observer tout ce petit monde de son promontoire. Et c’est lui qui aurait pu empêcher le vol des fameux bijoux du frère du Seigneur. Son sang ne fit qu’un tour dans sa tête lorsqu’il fit le lien, allait-il le reconnaître et le poursuivre pour l’attraper et le ligoter devant son lieu de travail? Non, ce n’était pas possible, il avait été trop déguisé pour qu’il puisse tirer quelconque ressemblance. S’il était au bal, certainement devrait-il avoir de l’argent… et certaines envies vu qu’il se trouvait juste en face d’un bordel connu par presque tout Paris. Cet homme devait avoir une certaine envie, peut-être était-ce avec les dames, mais Monsieur n’était pas connu pour ce genre d’homme qui aimait le beau sexe…

Sur cette idée, l’Anglois s’avança vers lui d’un pas sûr, prenant un air charmeur et alla l’aguicher. Plus il marchait dans sa direction, plus il le reconnaissait. Des images de la fameuse soirée où ils avaient volé défilaient devant ses yeux, mais il se re-concentra sur ce qu’il allait faire maintenant. L’homme d’outre-manche s’arrêta très près de l’inconnu androgyne.

- Bonsoir charmant jeune homme, comment allez-vous ?

Dit-il d’une voix mielleuse. Il le regarda droit dans les yeux, avec son regard bleu-azur charmeur. C’était la façon dont il abordait ces Nobles avec de l’argent et qui attendait devant le bordel. Il était direct, et ne passait pas par quatre chemins, car cela ne servait à rien à ses yeux… Et c’est souvent en étant léger que l’on perd ses possibles clients. C’était ce qu’il s’était  passé à ses débuts, quand il allait aborder des gens qu’il ne connaissait pas dans les ruelles, timidement, avec une petite voix. Et pas besoin de vous dire que la quasi-totalité de ses tentatives ne menaient à rien ! Au fil des semaines, il prit un peu plus d’assurance et apprit vite les rudiments de la langue française, qui était entre nous très compliquée.