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 Refuser une rencontre ce serait appauvrir sa journée || Pv Ambroise


Refuser une rencontre ce serait appauvrir sa journée || Pv Ambroise EmptyDim 20 Avr - 15:20

Ses yeux pétillaient devant l’étal d’un vendeur revenu de loin. Quoique bousculée de part et d’autre, elle continuait de fixer avec curiosité et envie les cages de ces oiseaux multicolores. Des volatiles venus d’autres continents, peut-être d’Afrique, du Moyen-Orient, aux plumages splendides et aux cris si particuliers. S’il ne lui fallait posséder qu’une chose, ce serait un de ces animaux si envoûtants. A choisir Pia rendrait sans aucun regret ses affreuses robes de cours et autres précieux et inutiles gants parfumés pour acquérir en échange une de ces petites merveilles hors de prix. C’était bien autre chose que ce pauvre lézard vert qu’elle avait gagné en jouant aux cartes contre un saoulard. Ces amoncellements de plumes colorés, de la beauté à l’état pur.  

Après quelques minutes, passionnée à rêver de posséder un jour l’un de ces oiseaux, la vénitienne détourna finalement le regard. Mais cela signifierait sacrifier la certaine générosité dont elle faisait preuve au moment de redistribuer le gain de ses vols. Et le pouvait-elle vraiment ? Non. Sa conscience l’aurait mal supporté.
Alors en attendant il lui fallait se contenter d’un marché pour le moins ordinaire. Un marché ordinaire, une matinée ordinaire, une vie presque rangée et ordinaire pour une parisienne d’apparence tout ce qu’il y avait de plus banal. Outre des cheveux roux relevés au dessus de sa tête et repérables à une lieue à la ronde, rien dans sa tenue ne la différenciait de cette masse grouillante, un peu oppressante mais dont on finissait par s’accommoder. Qu’on tolérait de bonne grâce, mais par dépit et non par choix. Car l’immense privilège de choisir et de refuser était au fond le monopole des puissants. Le peuple se contentait d’accepter de n’être qu’une entité transparente au milieu d’un tout d’apparence uniforme. Mais quand le principe lui paraissait révoltant, la pratique convenait à Pia. Dès lors qu’elle sortait la jeune femme aimait se fondre, se sentir partie d’un tout qu’elle aimait et défendait. Elle ne voyait pas dans sa robe rougeâtre et trop simple, dans la cape délavée et peu épaisse posée sur ses épaules les signes d’une presque pauvreté, d’un rejet silencieux d’une société qui se moquait bien d’elle et de son devenir. Dans ses chaussures inconfortables au travers de son visage sans maquillage et aux joues rosies par le frais d’avril, l’âme d’un pays où la normalité était la fade simplicité. Le cœur d’une ville où la préciosité outrageuse faisait figure d’exception.

Au milieu de la foule, part de ce spectacle plein de bruits, d’odeurs et qui perdait peu à peu ses trop monotones couleurs d’hiver, elle se sentait vivante. Elle était vivante. Enjouée et peinée à la fois, réjouie de savoir que ce soir encore elle mangerait largement à sa faim, triste en sachant que ce ne serait pas le cas de ce pauvre gamin qui devant l’Eglise faisait la manche.
Un panier encore presque vide calé au creux du coude, elle se frayait son chemin parmi la foule, saluait çà et là marchands et passants, s’arrêtait un instant afin de discuter avec une dentellière, repartait, flânait un peu, jamais longtemps. Car à Paris on ne pouvait laisser son esprit voguer pendant plus d’une dizaine de secondes, toujours trop rapidement ramené par à la réalité par une bousculade, un fiacre manquant de nous écraser, ou encore un pied posé dans de peu agréables substances. Aujourd’hui, ce ne fut que l’odeur nauséabonde d’un marchand de poisson qui la tira de ses rêveries. Plaçant une main ornée d’un bandage –elle s’était la veille vilainement coupée en ramassant des débris de bouteille gisant sur le sol de la taverne- devant son nez, elle pressa le pas et ne s’arrêta que plusieurs dizaines de mètres plus loin, devant un amoncellement de légumes et autres herbes fraiches.

Elle y acheta quelques champignons au prix raisonnable, des carottes et des blettes. De quoi faire une soupe tout à fait convenable. Mais à défaut d’avoir pu se permettre de craquer sur une perruche, Pia s’offrit l’extravagance d’acheter également une botte de basilic. Et si avec ses quelques feuilles et son manque cruel d’imagination lorsqu’il s’agissait de se mettre aux fourneaux elle n’égalerait jamais un faste repas de cours, elle avait là de quoi dépasser le stade du passable.
Levant la tête de l’étalage, elle posa par hasard le regard sur une silhouette familière. Ou tout du moins pas totalement inconnue. Pas la silhouette d’un de ces clients réguliers de son lieu de travail de mauvais genre, ni celle d’une dame de cour dont la présence ici aurait été tout aussi étonnante que désagréable. Non. Il s’agissait de la silhouette d’un personnage qu’elle n’avait croisé qu’une fois mais vis-à-vis de qui elle ne ressentait que gratitude.  

- Monsieur Delacroix, héla-t-elle en direction du médecin.

Elle agita son bras libre afin de se manifester, avant de faire quelques pas pour le rejoindre.

- Monsieur Delacroix, répéta-t-elle une fois à sa hauteur, un grand sourire aux lèvres. Vous souvenez-vous de moi ? Vous avez soigné mon frère la semaine dernière et grâce à vous il se porte à présent parfaitement bien. Je ne vous en remercierai sans doute jamais assez.  

Loin de se douter que la guérison de la vilaine fièvre d’Andrea devait sans doute plus au ciel qu’au prétendu médecin, Pia était persuadée que sans lui son plus cher ami serait toujours au plus mal, voire pire.
Pia Fiorentini
Pia Fiorentini
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Titre/Métier : Autoproclamée gestionnaire de nuit de l'imprimerie du mari
Billets envoyés : 144
Situation : Mariée pour la forme

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Refuser une rencontre ce serait appauvrir sa journée || Pv Ambroise EmptyMer 26 Nov - 9:16

- Est-ce que Monsieur Delacroix trouve mes fleurs à son goût ? Celles-ci nous viennent directement des plus beaux aubépines du Perche vous savez, et je suis fier de pouvoir vous affirmer sans trop mentir que vous n’en trouverez à cette heure nulle autre ailleurs que chez moi. Il a fait beau dans le Perche Monsieur Delacroix, et on a pu récolter les premiers boutons il n’y a pas moins de trois jours. Début avril mon bon médecin, rendez vous compte ? Et quelle qualité ! Regardez moi ça…

Mais cela faisait longtemps déjà qu’Ambroise ne prêtait plus qu’une attention distraite et distante aux boniments convenus du commerçant. Peu à peu, ses paroles, vaines lorsqu’il s’agissait d’attirer l’attention du médecin, s’étaient fondues dans la confusion des voix et de l’agitation qui s’élevait du marché jusqu’à ce qu’elles soient reléguées à l’étayage de ce fond sonore, pour ne plus s’en distinguer. Son regard fixait sans même les voir les fleurs blanches à peine ouvertes qui glissaient une à une entre ses doigts pour retomber mollement dans le large sac de jute dans lequel elles avaient fait le voyage jusqu’ici. Une fois séchées, elles pourraient servir de base à certaines infusions que le praticien préconisait comme calmant à ses patients les plus fragiles. Et en y ajoutant de l’extrait de mélisse…

- Et si vous cherchez de la camomille ou du bleuet, j’en recevrai deux chargements dans le courant du mois de juin. Vous me prendrez de la camomille Monsieur Delacroix ? Votre grand-oncle me prenait toujours de la camomille, il me disait qu’il ne trouvait pas meilleure qualité ailleurs.

Le jeune médecin soupira, ostensiblement. Floret était un honnête homme, ses fleurs fraiches et ses prix accessibles, mais Dieu qu’il était bavard… Certes Ambroise était redevable à son prédécesseur de lui avoir légué le carnet dans lequel il consignait consciencieusement ses fournisseurs, mais il reprochait à son aïeul de n’avoir pris la peine de préciser à quel point certains d’entre eux aimaient à s’étendre et s’épancher sur tout autre sujet que celui qui concernait le Montois. Le temps, souvent, leur santé aussi, ou encore les nouvelles frasques stylistiques de Monsieur. Quelles considération Ambroise pouvait il avoir pour de pareilles foutaises…

- Je vous prendrai quelques brassées de camomille Monsieur Floret, articula le praticien avec une patience émoussée, mais que diriez vous que je vous règle d’abord ce que je vous dois avant d’évoquer ce que je suis amené à vous devoir ?

Floret dut considérer que sa remarque ne manquait pas de bon sens et empocha les quelques pièces que lui tendait Ambroise tout en lui tendant un sac de toile de lin qui contenait suffisamment de boutons de fleurs d’aubépine pour pouvoir calmer les patients du médecin des semaines durant.

- Je vous souhaite la bonne journée Delacroix !
lui lança-t-il alors que le Montois s’éloignait d’un pas on ne peut plus décidé, passablement exaspéré par le débit oratoire ininterrompu du commerçant. Et n’oubliez pas la camomille !

Campé derrière son étal, Floret affichait un sourire franc et satisfait : le jeune Delacroix lui plaisait bien. Professionnel comme l’avait toujours été son grand oncle, et volontaire plus que son aïeul n’aurait jamais pu l’être. Ce petit irait loin.

Loin. Très loin. Et au plus vite. Ambroise ne s’autorisa à ralentir le pas qu’après avoir tourné au coin de l’allée, désormais certain qu’il avait échappé au regard brun du floriculteur dont  la bienveillance presque paternelle à son égard se révélait un tant soit peu oppressante. Pourtant, il n’était pas dans les habitudes du jeune médecin de dédaigner les marques d’attention qui lui étaient adressées : après tout, n’était ce point le regard de ses congénères qui déterminaient le personnage qu’il était amené à jouer ? Sa nature de charmeur avait trouvé en ces êtres les miroirs dans lesquels il mettait à l’épreuve ses différents masques et la relation de séduction quasi permanente qu’il entretenait étroitement avec ceux qui venaient à croiser sa route lui permettait de n’être qu’un être en perpétuelle mouvance. Quoi de plus agréable que de pouvoir préserver une nature indécise et tumultueuse derrière autant de figure qu’il est possible de composer ? Mais en ce matin d’avril, Ambroise n’avait que faire de l’affection que Floret semblait avoir pour lui car, sans qu’il ne sache exactement quelle en était la raison, le Montois se sentais préoccupé. Fatigué. Et prodigieusement las. D’ordinaire, il soutenait les presque monologues du floriculteur avec un flegme remarquable, et ne manquait jamais de s’enquérir de la santé de sa plus jeune fille, Angélique, une beauté de 16 ans à peine éclose qu’Ambroise avait rencontré quelques semaines auparavant, lorsqu’elle avait accompagné son père à Paris afin de l’aider à vendre les premières fleurs du printemps. Une enfant délicieuse. Le médecin chassa son visage harmonieux de son esprit, sachant pertinemment que toute la douceur qu’il pouvait trouver dans ses traits ne lui serait en cette matinée d’aucun secours. Il avait besoin de quelque chose d’autre. De profondeur. Peut être était il souffrant, cela ne lui ressemblait guère.

Pour chasser cette inquiétude passagère de ses pensées, Ambroise reprit ses déambulations dans les allées pleines de vie du marché à la recherche des quelques herbes et fleurs qui lui manquaient encore et bientôt la marjolaine vint s’ajouter aux fleurs d’aubépines, suivie des plants d’orties liés les uns aux autres par une mince tige de jonc. Le médecin glissa encore dans son panier un sachet de thym serpolet avant d’y déposer des fleurs de pissenlit enveloppées dans un linge humide afin qu’elles ne perdent de leur fraicheur avant leur proche infusion. De mémoire de malade, jamais on n’avait vu un charlatan s’acquitter aussi bien de son devoir de faux semblants. Ambroise était un escroc du plus bel effet.

- Monsieur Delacroix !

Trop aigu pour être la voix de Floret ou même encore celle de tout homme de sa connaissance, le timbre clair et enjoué qui parvint aux oreilles du praticien malgré la rumeur persistante qui régnait dans le marché lui sembla aussi doux qu’une brise de printemps dans les saules. Une voix dont les intonations ne lui étaient pas étrangères. Au loin, une silhouette familière s’était distinguée du flot unis des Parisiens et avançait vers lui d’un pas vif. Cette chevelure fauve, ces reflets de feux, cette peau de lys… Il n’existait dans la capitale que deux femmes possédant de telles qualités. Il avait quitté les bras de la première au matin et laissé à plus tard la contemplation de son corps magnifique d’abandon et de plénitude. Théa… Mais jamais la belle Languedocienne ne l’avait appelé ainsi depuis leur première rencontre. Et si ce n’était Théa…                                                                    

- Monsieur Delacroix ! Dans sa bouche, son nom sonnait bien plus mélodieux qu’il ne l’était véritablement. Vous souvenez-vous de moi ? Vous avez soigné mon frère la semaine dernière et grâce à vous il se porte à présent parfaitement bien. Je ne vous en remercierai sans doute jamais assez.

Comment Ambroise aurait-il pu l’oublier… Pia Fiorentini avait frappé à la porte de son cabinet un matin, le regard empli d’une détresse qui avait touché le jeune homme : son frère souffrait d’une fièvre subite qui l’avait privé de ses forces en l’espace d’une nuit, et son état ne cessait de s’aggraver si bien qu’elle se désespérait de ne le voir passer le soir. Le médecin avait passé les heures suivantes au chevet de l’Italien, multipliant les traitements et les remèdes se sa composition. A ses côtés, silencieuse, Pia l’avait secondé du mieux qu’elle le pouvait en faisant boire par petites gorgées les infusions d’achilée-millefeuille et de fleur de sureau qu’Ambroise lui avait concocté, une main délicatement glissée sous sa nuque. Les heures avaient passées. Peu à peu, les éponges d’eau fraiche et les frictions à l’huile essentielle de camomille eurent raison de la fièvre qui avait reculée, lentement, progressivement, mais de façon indéniable. En refermant le sac qui contenait ses onguents et médications, Ambroise avait posé son regard sur l’Italienne, assise au chevet de son frère. Lumineuse. En cet instant, Pia était lumineuse. Il irradiait de son être et malgré la pâleur de son teint et ses traits tirés par l’inquiétude et la fatigue une lueur incroyablement douce, et le temps d’un instant, le médecin se surprit à penser qu’il voyait, peut être pour la première fois de sa vie, aimer. Un amour pur, profond et si incroyablement manifeste malgré la retenue dont faisait preuve l’Italienne que le Montois détourna le regard. Il n’avait plus sa place ici. Sans mot, il avait quitté la mansarde, assuré qu’il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour apaiser la douleur du jeune homme et pour faire reculer le mal. Les jours étaient passés. Et Ambroise ne l’avait revu, jusqu’à ce jour.

- Mademoiselle Fiorentini, c’est un plaisir que de vous revoir. Je suis soulagé d’apprendre que votre frère a recouvré la santé.

Le praticien aimait le sourire qu’elle lui adressait, aussi radieux que sincère.

- Je vous prie en revanche de ne pas accorder tous le mérite de la guérison de votre frère à mes bons soins : sans vous, j’ignore seulement s’il aurait accepté de prendre les traitements que vous lui avez si patiemment administré. Vous lui avez été d’une aide précieuse, parole de médecin. Aussi je n’accepterai pour tout remerciement que votre sourire : il est de loin la plus douces des récompenses, et je ne saurai en réclamer davantage.  
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