Tout commence par une nuit d’hiver sans lune, sombre et froide. Nous sommes en l’an 1643, en France.
La neige si blanche, recouvre la terre et les toitures. Dans ce silence hivernal, un petit quelque chose dérange ce calme si pesant.
On retrouve une forêt, entourant de moitié un lac. Face à ce dernier, se trouve une grande maison en pierres apparentes. C’est le toit de la famille Deschamps, (un couple d'artisans qui vivent pourtant modestement) l’on peut entendre des cris de douleurs, non… De véritables hurlements peuvent se faire entendre…
Il s’agit d’une femme. Elle est allongée sur un lit à baldaquin, les jambes écartées. Une brune aux cheveux longs, elle est en train d’accoucher de son premier enfant. C’est Madame Deschamps, à ses côtés se trouve Jeanne, une sage-femme qui l’aide avec du linge bouillit.
« C’est une fille Madame ! »
S’écria la dame en tendant le bébé vers la nouvelle mère. L’enfant en question, c’est moi, Clarence.
Je suis venue au monde dans ce que l’on peut considérer comme étant l’une des meilleures familles qui puissent exister.
Laissez-moi vous les présenter.
Pour commencer, je vais vous parler de mère, cette belle femme aux cheveux noirs corbeau. Elle ne mesure pas moins d’un mètre soixante, mère a possède une peau pâle de nature. Ses yeux son vert et ses lèvres sont rouges.
Elle gagne sa vie en vendant ses belles broderies qu’elle confectionne avec soin. Elle préfère passer son temps à se balader avec d’autres mères, voir chantonner à ses heures perdues.
Voici père, il est quinze ans l’ainé de mère. Il a les cheveux mi-long, ondulés et châtains, ce qui est courent. Il fait la même taille que ma mère.
Il est maitre d’arme dans l’armée. Il sait aussi bien se battre à l’épée qu’au corps à corps si il le faut. Père est quelqu'un de cultivé et observateur. J’ai hérité de son côté observateur, puisque je le regardais s’entrainer en secret. Un jour il m’a surprise, je n’étais alors qu’une enfant de sept ans, tout au plus. Il commença à me disputer, puis il s’est mit à rire et à finalement choisit de me montrer quelques mouvements d’attaque et de défense. Pour lui ce n’était qu’un jeu, rien de plus. Sans s’en rendre compte, il m’enseignait beaucoup de choses qui devait être réservé aux hommes. Il m’autorisa à porter un couteau, dissimulé sous ma robe, pas une grande lame, mais quelque chose qui pouvait me servir à me défendre. Il avait si peur qu’il puisse m’arriver quelque chose… En dehors de son métier de maitre d’arme, il était parfois mercenaire.
Le jour de ma seizième année, père et mère me firent une surprise, ils me promirent d’aller en ville. (En effet ils voulaient me marier à un riche artisan anglais, qui avait fait le déplacement uniquement pour me rencontrer, mais moi, je l’ignorais)... On s’installa donc tous trois, mes parents et moi-même, dans la voiture tractée par deux beaux comtois. Bien que ça soit l’hiver, la neige était tombée depuis longtemps, il n’en restait que très peu. Mère et moi étions toutes deux vêtues de robes en velours, elle verte foncée et la mienne violette foncée.
Ce fut à ce moment précis, que les deux chevaux de père prirent peur, s’emballèrent se mirent à galoper à vive allure. Dans un virage d’un chemin escarpé, l’attelage glissa sur une plaque encore gelée. Il entraîna dans sa chute en contre-bas, les deux animaux. Tout s’était passé si vite… Ma tête heurta violemment la boiserie de la diligence. Je m'évanouis dans un endroit qui m’était inconnu…
A mon réveille, ce fut le trou noir. Où étais-je ? Il faisait sombre, mais je distinguais le contour des choses… Je pouvais ainsi voir ce qui semblait être une petite chambre, avec une penderie contre un haut mur. Quelqu’un était assis à mes côtés, une femme d’une cinquantaine d’années. Elle éclaira mon visage avec une chandelle quand j’ouvris les yeux.
« Jehan, la petite s’est réveillée ! »
Jehan ? Me répétais-je dans ma tête. Je n’en connais aucun… Et qui était cette femme qui m’observait ? D’une voix hésitante je tenta timidement :
« Où suis-je ? Et… Qui êtes-vous ?..»
Puis, je fronçai les sourcils, ma question avait comme raisonnée dans ma tête.
La vieille dame entrouvrit la bouche, avant de finalement parler.
« Du calme, la chute que vous avez faite dans l’escalier vous a fait perdre connaissance. »
Elle marqua une pause puis reprit
« Ma chérie, je suis la personne chez qui vous vivez, je suis Madeleine, Madeleine MOREL. »
L’homme qui était de l’autre côté du petit lit, comprit le mensonge, et enchaîna :
« Clarence, vous ne vous souvenez vraiment plus de nous ? »
Oui il connaissait mon prénom, il l’avait vu brodé sur un petit mouchoir qui se trouvait dans la poche de ma robe violette.
On m’avait changé, j’étais en robe de chambre blanche et mes longs cheveux noirs étaient tout simplement lâchés dans mon dos.
« Oui… Bien-sûr… Monsieur MOREL. »
J’étais si gênée, de les avoir oubliés… Oui, je les croyais du fond du cœur, chaque mot qu’ils prononçaient.
Faire le lit, plier le linge, passer le balai, faire la poussière, le ménage, la cuisine, m’occuper des petits enfants quand ils venaient… Ainsi s’accordait ma vie pendant sept années. Jamais je ne me plaignais puisque j’étais nourrie logée et blanchie.
Ils m’ont apprit que mes parents m’avaient déposé un soir à la porte alors que je n’étais qu’un bébé. C’est eux qui m’ont donc élevé pour faire de moi ce que je suis à présent, une domestique…
J’ai travaillé pour eux jusqu’à leur mort. Ce fut madame MOREL qui partit la première. Monsieur lui, partit deux ans après sa femme. Sur son lit de mort, il m’avoua quelques petits secrets.
« Clarence, douce enfant, vos parents… Cotre père est en vie. Madeleine vous a prit à vos parents inconscients, sur le lieu de l’accident de votre diligence… Votre mère avait perdu la vie…»
J’étais interloquée. Il le voyait bien et enchaîna :
« Je suis si désolé. On vous a recueilli quand vous aviez environ dix-sept ans, et non quand vous n’étiez qu’un nourrisson… »
Il ponctua sa phrase par une quinte de toux.
« Pourquoi m’avoir menti tout ce temps ? Pourquoi ! »
Je n’eus aucune réponse en retour. C’était fini. Il avait retrouvé sa femme là-haut, dans les cieux.
J’avais les larmes aux yeux. Ce mensonge…
Les seules choses dont je me souvienne de mon ancienne vie étaient donc, le prénom que m’avait donné ma mère ainsi que la facilité à utiliser le couteau grâce à mon père.
Je dus quitter la maison MOREL pour la capitale.
Maintenant j’ai vingt-trois ans, je suis seule et je recherche une famille ou une personne seule, qui pourrait m’héberger et pour qui je pourrais travailler…