Des yeux trop maquillés sous ses regards lumineux, Victoria s'avance. Sa stature olympienne la distingue du genre humain, un peu à la manière d'une statue de plâtre. Sa chair blanchâtre reflète l'éclat des chandeliers. La lumière glisse sur sa chevelure rousse, brillante, vivante. Elle sourit, charmante. Lisse, son visage se creuse de longues nuits sans sommeil et en plis sublimes ; de statue, elle devient femme. Un rire cristallin s'échappe de ses lèvres, révélant la souplesse de sa bouche fine.
Elle tend ses grands bras graciles, touche du bout de ses doigts allongés le bois du garde-fou des grands escaliers de sa résidence. Son menton légèrement avancé toise alors le nouveau venu. Elle cambre son corps, poursuit sa descente en maîtresse, dans une traversée fluide jusqu'à autrui.

De plus près, elle est frêle, découpée, même.

De cette mâchoire qui lui assure une dureté conquérante, elle provoque en relevant la tête. Ses courbes bien peu généreuses ne lui retirent pas cette séduisante image antique qu'elle tend à préserver, loin des fastes de la cour. Drapée de lourd bijoux, elle s'arrête devant cet autre, espiègle. De la rambarde à cette personne, elle daignera lui offrir sa précieuse main en le décrivant, des pieds à la tête. Elle attend patiemment qu'on ouvre le dialogue... Et voyant la bouche entrouverte de son interlocuteur, elle osera l'interrompre avec une supériorité capricieuse :

« Monsieur mon mari, que me vaut l'honneur de cette si aimable visite? »  

Son cou long et décoré brillera sous l'étincelle de sa propre malice, prenant un instant un effleurer du bout de ses ongles, sa propre gorge légèrement découverte.

Une intelligence notable, une verve acérée et vive, la féline Victoria est de ces femmes d'esprit qu'on rencontre souvent à la cour et aux alentours. D'une éducation intéressante (et tout à fait louable) doublée d'une grande férocité, son titre de Marquise lui vaut le respect de ses semblables. Hommes et femmes connaissent Niklaus Van Haack, son épouse lui étant dévouée et d'une soumission à presque toute épreuve , il n'est pas rare de la voir discuter avec lui au sujet de ses devoirs. À quoi peut bien servir la culture et la raison dans le corps d'une créature si elle ne peut être utilisées à leur juste valeur? C'est un coup de chance que Van Haack l'ait choisie, elle, plutôt qu'une autre... Mais Victoria connait sa chance et elle sait encore plus comment s'en amuser à bon escient.

Protectrice, mais d'un grande sens des valeurs, la femme de Niklaus Van Haack est pieuse malgré ses quelques égards de conduite. Souvent prête à tout pour faire valoir sa famille (soit ses fils et son époux), elle peut être considérée comme une menace envers ceux qui se prêtent de mauvaises intentions à leur égard. Elle ravage ceux qui entravent son chemin, déchiquètent la bêtise et dédaigne ce qui manque de d'intégrité. Elle qui a toujours été élevée dans la soie, la misère a pour elle, une parure dévalorisante. Elle hait la médiocrité et porte en horreur la raclure manipulatrice et hypocrite des femmes de la cour. Elle s'en amuse, la ridiculise : la rend dérisoire. Pour Victoria, l'arrogance se mérite au poids de son pouvoir... Ceci dit, elle sait tout aussi bien manipuler que les autres, ce qui, en soit, la rend prétentieuse dans toutes ses grandes valeurs. L'humilité n'a pas raison d'être chez ceux qui peuvent s'approcher du pouvoir : les intérêts d'abord.

Passionnée dans les grands aspects de son existence, Victoria est une femme qui peut être à la fois brusque et tendre, violente et délicate. Elle connait son charme et se méfie de ceux des autres. Elle garde une méfiance acerbe envers ceux dont elle n'obtient pas une certaine allégeance. Une mère aimante, une épouse fidèle, jalouse et tendre, elle reste femme et toute femme souhaite se faire désirer. Que ce soit par son titre ou par son corps, il faut savoir user de ce qu'on est pour bénéficier d'un maximum d'avantages...Et s'il y a une chose dont il est non d'abuser, c'est bien de ses mesures d'avance. Le monde est cruel, les faibles n'ont pas la capacité d'y survivre bien longtemps... Autant être dur et viser le plus haut sommet qu'il est possible d'atteindre, avec leur accord ou leur insu.

   

L’odeur de l’encens.
De la cire brûlée.
De la vapeur.
D’étranges parfums.
Les pleurs langoureuses d’un violon.

Ses bras enduits d’eau dégouttaient sur peau au rythme de la douceur de la mélodie qui sillonnait la pièce. Des accents si lointains qui la rappelaient une enfance dont elle ne gardait, en mémoire, que d’agréables sensations. Très peu de visage, très peu moments, seulement de vagues instants volés à ce qu’elle avait pu être  quelques décennies plus tôt. Les paravents la séparant du musicien qui lui faisait toucher la quiétude de l’heure du bain, elle observa quelques secondes les courbes qui s’agitaient sur l’instrument voluptueux.

Sous l’eau bouillante de sa baignoire, elle plongea à l’arrière pour s’engloutir en entier. Ses cheveux nageant à la manière d’une pieuvre couvraient ses épaules avec leur couleur monstrueuse. Elle brûlait sous l’eau. Elle se consumait jusqu’au tout dernier souffle où, en se redressant, elle reprit contact avec le monde terrestre. Amphibienne, elle passe un bras de l’autre côté de son enclos de plâtre pour caresser la tête des créatures félines qui longeaient les murs avec divertissement.

« Vous jouez à merveille, Herr Vasek. »

La musique cessa un moment :

« Vous avez toujours aimé cette musique, Marquise. »

Elle ricana, doucement.
Oui, elle l’avait toujours aimé. Autant qu’elle avait apprécié son joueur.

« Votre grand-mère aussi l’appréciait. »

Anne de Clèves.
Descendante de la famille de Bavière après que sa grand-mère ait épousé l’aîné de Wolfgang de Bavière, Philippe Louis de Neubourg. Vasek était dans  la famille depuis de nombreuses années. Il l’avait suivi lors de ses fiançailles avec Van Haack. Jeune à l’époque, il devait compté près de cinquante-cinq ans à présent :
« Mais pas ma mère . »

Un vague sourire. Cette enfance sans tracas, dans la soie, dans l’attente d’être faite femme.
Élevée sous la tutelle de sa grand-mère et de son grand-père après que la fièvre soudaine de sa pauvre mère, Victoria avait été choyée. Les femmes de sa famille éduquée pour être forte, accompagner leur homme dans la victoire et dans la défaite… Son prénom venait de là : Victoria. Féroce, redoutable.

Son père, quant à lui, Nassau d’Orange, n’avait d’égal que son courage et son éloquence. Sa famille avait été reconnue à travers les siècles pour leurs accomplissements. Victoria avait été dotée d’une descendance presque trop parfaite à son œil. Il avait fait d’elle une femme puissante et forte, une femme qui, au-delà de tous les droits humains, avait appris que le pouvoir pouvait s’acquérir par quelqu’un d’autre… Et c’était avec quiétude qu’elle attendait qu’on la donne à un homme digne de son rang, un homme qui pourrait lui apprendre la régence ; elle devait se faire femme pour se faire valoir comme un homme.
À cette pensée, elle glissa ses doigts sur les sillages rougeâtres qui avaient abattu la jeunesse de son corps. De cette blancheur immaculée, elle ne pouvait en garder que les cassures sanguines dues à ses grossesses difficiles. Trois fils. Trois garçons qui pourraient parfaire le nom des Van Hack qui était devenu le sien. Lorsqu’elle avait épousé Van Haack, elle n’aurait d’ailleurs, jamais cru s’attacher à lui. Il était trop doux, trop loin de son attente à ce quoi pouvait bien ressembler un homme… Et le temps s’apprivoise comme les êtres : elle avait appris à l’aimer tout comme lui l’avait fait.

De la réciprocité.
De l’honnêteté.
De la puissance.
De la conquête.
Une famille par obligation.
Un couple par résignation.
Des sentiments par complicité.

Victoria s’était fondue aux désirs de son époux par devoir. Le temps Avait seulement fait en sorte qu’ils soient inséparables. Il fallait bien que leur mariage ait des avantages.

« Recommence  à jouer, Vasek. »

Elle resta figée, contemplant l’ombre du musicien, s’extasiant de la musique. Les histoires ne s’écrivent pas toujours en conte de fées. Victoria avait été prédestinée à cette vie de fastes et de bienséances… Il n’y avait eu rien d’autres. Elle en tant qu’épouse, elle en tant que mère, elle en tant que fille. C’était tout simplement exceptionnellement commun.  

Prénom (Pseudo) : Velours Noir † Âge : 22 ans et de petites poussières! † Comment êtes-vous arrivé jusqu'ici ? Si je dis Niklaus, ça surprend quelqu'un? † comment trouvez-vous le forum ? Fort charmant! Quelle question! J'adore les informations historiques que vous avez recensées... Et que dire de la beauté des lieux! Moi, je félicite les Admins pour tout ce beau travail . † Le code du règlement : OK by Monsieur † Un dernier mot ? Let's play, baby!

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