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 Aux grands maux... (Bianca)


Aux grands maux... (Bianca) EmptyLun 22 Aoû - 18:44

Un petit gros homme s’agitait sous le regard placide de Stasya. La comtesse russe sortit son éventail pour l’agiter et créer un léger courant d’air. Un orage devait éclater dans l’après-midi mais en attendant on étouffait réellement. Le petit homme continuait d’expliquer quelque chose en français avec de grands gestes brusque. Visiblement il était question de musique et de la façon dont ça altérait l’âme. Ou un truc du genre. Quel pays étrange et contradictoire que la France. Sous les grandes libertés dont on bénéficiait apparemment, il était évident que la contestation et l’oppression grondait. Finalement, ils n’étaient sans doute pas plus libre que les russes. Là où dans son pays on avait des règles dures mais claires, en France on tablait sur la souplesse et l’hypocrisie. Finalement, elle n’était pas sûre de goûter le changement tant que ça. Surtout qu’au vu de ses projets présent, elle avait été vite condamnée par les vices français. Elle repoussa fermement cette pensée, elle agissait pour le bien de son mariage et de sa famille. Cela justifiait amplement quelques entorses aux principes moraux. Et puis si elle avait été privée de théâtre pendant plus de vingt ans, elle avait suffisamment accumulé de sainteté pour se permettre une ou deux entourloupes.

Passant du coq à l’âne le prédicateur commença à fustiger la vie personnelle de Lully et de Molière. Connaissant déjà les ragots, qu’elle jugeait assez ignobles, Stasya cessa définitivement de s’intéresser à l’histoire pour se pencher vers la femme à côté d’elle. La cousine par alliance d’un de ses pages, officiellement elle était couturière. Mais il paraissait quelque chose comme quoi il s’agissait d’une femme de confiance à qui elle pouvait confier ses soucis. En tout cas, le page le lui avait juré la main sur le coeur. Même s’il ignorait tout des soucis de Stasya. Tout comme la femme en question.

- Vous avez trouvé ?

- C’est que madame ne s’est pas montré très claire dans ce qu’elle voulait.

Evidemment qu’elle ne s’était pas montré très claire. Stasya avait appris à tenir sa langue. Surtout avec les domestiques et les pauvres. Les gens qui n’avaient pas l’éducation pour tenir leur langue. Quoique les gens avec éducation ne tenait pas nécessairement mieux leur langue. C’était peut être plus un problème de caractère que de classe sociale. Quoiqu’il en soit Stasya eut un claquement de langue hautain qui lui valut un regard noir du prédicateur. Elle s’excusa en baissant humblement la tête.

- Je vous ait donné argent.

- Que madame me pardonne, mais j’ai une conscience professionnel. Je m’en voudrais de recommander n’importe qui à madame.

Ouais et ben madame s’en moquait un peu des finasseries de la fille de rien. Elle voulait qu’on lui donne ce qu’elle voulait. Madame le fit donc savoir d’une voix sifflante alors que le prédicateur revenait au danger de la musique qui n’était pas religieuse.

[color=#000066]- Madame est exigeante je vois. Mais que madame s’inquiète pas. Je lui ait trouvé une perle. Madame en sera contente. Une artiste, géniale et touche à tout, et qui connait bien le problème des dames. Un peu rude pour quelqu’un d’aussi délicat que madame. Elle fera un beau boulot pour madame.

Visiblement, elle n’aurait pas des renseignements plus intéressants. Et elle était prise par le temps vu que Stasya avait prévu de se rendre au théâtre ce soir. Et qu’elle voulait acheter une robe avant. Comploter avec en fond sonore un homme nerveux et visiblement aigri n’était pas un divertissement qu’elle trouvait à son goût. Décidément en dehors des romans les intrigues n’avaient que peu d’intérêts. Sauf peut être les intrigues sentimentales à l’égard de son entourage. Aussi pressé d’en finir, elle mit fin au flot sans fin de parole de la fille de rien, elle lui donna ses instructions à voix basse avec un fort accent russe et une intonation qui ne supporterait pas la contestation.

- Très bien. Et si madame me permet cette insolence, si madame a besoin de personnel je suis à la disposition de madame.

- Vous êtes trop aimable.

Stasya se leva avec majesté. Et sans prêter la moindre attention au regard noir du prédicateur sortit, sa femme de chambre trottinant sur ses talons. C’est qu’elle ne comptait pas se permettre d’être en retard. Maintenant qu’elle avait régler le soucis de prendre rendez-vous, elle pouvait pleinement retourner à une vie normale. Alors qu’elle allait définitivement quitter les lieux elle entendit une dernière fois en français :

- Le prochain que j’entends siffler un intervalle païen, je fais un rapport au pape !

Ça en devenait comique.

****

Une église était ce vraiment le meilleur endroit pour convenir d’un rendez-vous pareil? Stasya n’en était pas sûre. Mais il lui semblait acceptable. Après tout ça ne surprendrait personne qui femme, russe, fasse ses dévotions le matin. Elle avait au demeurant choisit un emplacement où l’on ne pouvait a priori pas l’entendre. Et où elle verrait les gens rentraient dans l’église. Oui c’était pas un mauvais choix. Et puis de toute façon comme c’était elle qui payait, elle choisissait le lieu. Un point c’était tout.

Outre l’emplacement géographique, la tenue lui avait donné du fil à retordre. Elle avait le sentiment que pour ce genre de chose il fallait bien porter une tenue de circonstance. Un truc élégant mais pas trop flamboyant. Et un petit peu romanesque ou aventurier. On ne savait jamais. Il fallait se mettre dans l’ambiance. Peut être. Stasya avait conscience qu’elle ne se rattachait à ses pensées que parce que ça empêchait la nervosité de trop l’envahir. Se remplir la tête avec des futilités esthétique et romantique était un bon moyen de ne pas trop sen prendre la tête avec ce qu’elle s’apprêtait à faire. Parce qu’elle savait que c’était une solution radicale et très contestable qu’elle avait choisit. Et que ce n’était même pas une vrai solution. C’était terrible d’en être réduite à de telles extrémités.

Tout en y pensant, Stasya jetait régulièrement des coups d’oeil en direction de la porte de l’église. Elle ne voulait pas rater la solution lorsqu’elle passerait la porte d’entrée. Elle avait dût supporter deux intermédiaires pour tout ça. Ce n’était pas pour tout faire foirer maintenant. Surtout qu’elle se trouvait actuellement dans une église à l’aube et qu’elle avait froids.
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyMar 23 Aoû - 20:01

- En gros, t’es en train d’me dire que t’as une affaire à m’filer, mais tu sais pas c’que c’est ?

Difficile de dire si Bianca râlait ou s’amusait. Sourire gourmand, prunelle prédatrice - sa bouille oscillait entre deux expressions perturbantes, tirant de l’une à l’autre au gré d’infimes mouvements. Restait à savoir quand le fil claquerait. Sa vis-à-vis ajusta son col pour se donner une contenance.

- C’est que madame ne s’est pas montrée très claire dans ce qu’elle voulait.
- Tu penses. Une aristo ! ça cause pas à nous aut’.

Toutes choses égales entre elles, il fallait bien reconnaître que la « couturière » trempait dans son lot d’affaires aussi nettes que les eaux de la Seine. De là à se voir flanquée dans le même panier que Bianca Albin… Elle parût ne guère goûter l’idée. La truande ne remarqua pas l’ourlet de dégoût qui lui plissa les lèvres – ou ne s’en offusqua guère, ce qui revenait au même.

- Elle est riche.
- Et pas complèt’ment stupide, elle s’est pas fiée à toi.

L’entremetteuse pâlit de deux teintes. En d’autres circonstances, elle aurait mis les voiles – et tant pis pour Albin et ses foutus talents. Paris manquait pas de gros bras ! Oui… Mais des qui pouvait accepter un coup sans trop poser de questions, ça courait pas les rues, surtout en cette saison. Celle-ci osait tout. Réussissait souvent. Et puis, c’était une femme – quoiqu’on fût fondé à en douter, à la voir vider son godet de picrate en se tachant la chemise. Or, le petit problème de la Bazdéiev n’était-elle pas une affaire de femme ?

- C’est une Russe, bougonna-t-elle. Évidemment, qu’elle a pas dit grand-chose. Elle parle pas la langue.

Un rictus sarcastique tordit les lèvres blanches. De guerre lasse, l’entremetteuse acheva l’offre. Au fond, ce serait presque mieux, si Bianca refusait. Vu sa touche, la Bazdéiev risquait de partir en courant. Fâcher les richards, c’était pas bon pour les affaires.

- À prendre ou à laisser. Après-demain à l’aube à Saint-Eustache. Ça vous intéresse ?

Une lueur d’amusement vacilla dans les prunelles noires de la larronne. L’argent eût suffi à la déplacer, et tant pis si la tête de la radasse lui plaisait pas : on peut douter de tout, sauf de la nécessité de se trouver du côté de celui qui a le pognon. Mais un rendez-vous dans une église ? Bonus.

***

Une chose est sûre : personne n’aurait pu manquer le petit bout de bonne femme cabossé qui pénétra dans l’église. Ah, elle était belle, la réponse ! fagotée dans sa cape de mauvais tissu noirâtre, le menton provocateur, et des cernes comme des cocards autour d’un regard de fouine. Elle considéra l’endroit comme si elle était chez elle. Bianca avait jamais été bien pieuse, pour sûr ; mais si elle avait, jusque là, vaguement accepté l’idée d’une puissance supérieure, quelque part dans les sphères, bien au-delà de son monde… elle se trouvait désormais plus encline à contester. S’il y avait un Dieu, t’façon, il était contre elle. Pouvait aller s’faire voir, du coup.
Sans affecter de se signer, elle marcha vers l’élégante d’un pas de bonhomme.

C’était une jolie femme, hautaine, bien mise – mieux que Monte-en-l’air ne le pouvait apprécier – et qui arborait ce je-ne-sais-quoi d’exotique propre aux pièces rapportées. Si Bianca n’avait pas été prévenue, elle aurait su tout de suite : la commanditaire n’était Parisienne que par concours de circonstance.
Rabattant sa capuche sur une manne de cheveux peignés style « saut-du-lit », elle se laissa tomber sur le banc avec la grâce d’un lascar, une main calleuse calée sur le prie-Dieu d’en face. Elle détailla avec curiosité l’aristocrate orientale.

- ’Z’êtes matinale, lança-t-elle d’un ton enjoué, un peu trop fort pour le lieu. Pas de ratichon pour se plaindre. Tant mieux. Ou tant pis. Paraît qu’z’avez une petite affaire délicate à régler. Ma spécialité, en somme.

Barrière de la langue ou pas, sortie de cette gueule trop large, la remarque ne manquait pas de piquant.
Bianca Albin
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyJeu 25 Aoû - 23:14

Une créature tout en crin et en muscle prit place à côté de Stasya. La comtesse prit sur elle pour ne pas l’examiner trop fixement. Le crin dru et sauvage qui couvrait son crâne émincé n’était pas sans rappeler les ours à Stasya. L’association d’idée n’était pas si incongru. Il y avait d’une part cette remarquable crinière. La fascination qu’excersait la fourrure de la truande sur Stasya s’expliquait tant par le volume que par l’aspect.Les cheveux blonds, secs, cassants et sales partaient dans tout les sens sur les épaules et dans le dos de la femme. On en oubliait son visage cabossé et sa silhouette sans harmonie. Un court moment, la russe se demanda si la tête de la blonde était comme celle des ours. Remplie de puces, de crasses et de nuisibles. C’était une idée qu’elle n’avait pas particulièrement envie de développer. Et elle redoutait le moment où un poux allait lui sauter dessus pour lui donner raison.

Et la tignasse sauvage n’était pas la seule qui rappelait le terrible prédateur à Stasya, l’odeur aussi y était pour beaucoup. Et encore, elle avait principalement connu des ours mort et dépecés dont on avait tenté de diminuer l’odeur. Sans compter qu’ils sentaient les bois et la boue. La truande sentait aussi la boue, un peu. Mais cette odeur était masquées par d’autres qui sautaient à la gorge de Stasya et l’agressait. Tant et si bien que la gorge lui piquait et que son nez se fronçait instinctivement dans l’espoir de stopper les effluves et de conserver un semblant d’air respirable. Mais rien n’y faisait. Elle continuait d’être assailli par différents parfums, tous nocifs, qu’elle peinait à distinguer et individualiser. Il y avait une forme de crasse profonde qui suintait autour de la femme et dégoutait profondément Stasya. Un mélange de vomis, de boue, de pluie et de désespoir. Quelque chose de proprement atroce et irrespirable. Elle savait que sa situation la poussait à des extrémités, mais elle ne pensait pas à ce point là ! C’était quand même terrible. Et ce fut encore pire lorsque la nouvelle venue ouvrit la bouche. La russe fut un moment fascinée par l’état désastreux de sa dentition et de ses gencives. Sans oublier le souffle chaud et rassis qui s’échappait de cet antre béant. Stasya s’imagina un instant défaillir. D’ailleurs, elle était sûre d’avoir eut une micro crise d’évanouissement et que l’odeur terrible que dégageait la truande agissait comme le plus efficace des sels.

Incroyable mais vrai ! Elle avait trouvé une personne parlant un plus mauvais français qu’elle. À moins qu’elle ne parle à la perfection un dialecte subtile et rude, le dialecte des gens de rien. Une nouvelle langue étrangère à apprendre. Comme si le vrai français ne suffisait pas. Vraiment, elle s’en trouvait réduite à des extrémités incroyables ! Mais il ne serait pas dit qu’elle renonçait face à un peu de difficulté. Elle eut donc son sourire aimable qu’elle réservait toujours aux domestiques. D’ailleurs, il s’agissait d’une vrai question. Devait elle traiter la jeune femme comme une domestique ou comme une artisan indépendante. Son métier était elle plus proche du valet de pieds ou de la couturière? Bah, après tout à en juger par son français la créature ourse n’en était pas une nuance de vocabulaire près. Vu leur français mutuel, la conversation promettait d’être pour le moins originale.

Elle arqua un sourcil ce qui fait naitre des rides prématurées sur son front couvert de poudre délicate. Elle ne savait pas trop comment on commençait ce genre de chose. Mais elle était une dame, née pour commander, aussi elle allait quand même pas s’arrêter à quelques difficultés de passages.

- Mes journées sont de longues.

Clairement, elle avait plein de choses à faire. Evidemment l’inconnue était une sorte de priorité. Surtout la solution qu’elle allait apporter à ses problèmes. Parce que Stasya était à court de patience. Et on se trouvait face au dernier recours avant la crise de nerf. Et en Russie les crises de nerfs se déroulaient dans le sang et les larmes. Une chose que l’on comprenait très bien. Mais elle avait le vague sentiment que ce n’était pas aussi bien vue en France. Quoique… On pouvait estimer que faire appelle à une artiste comme Bianca ne serait pas beaucoup mieux vu. Ne serait ce qu’à cause de son hygiène personnelle. Mais, c’était plus discret que si elle se mettait à hurler et à tuer des gens à coups de sabres de cavaleries. Non pas qu’elle l’ai déjà fait personnellement, mais elle savait que c’était ainsi que l’on réglait les problèmes. Ce qui semblait efficace et définitifs.

- C’est ce que m’a affirmé la couturière.

Stasya leva les yeux pour observer l’architecture quelque peu austère de l’église. Les lieux demeuraient frais et ne se remplissaient pas encore d’oreilles indiscrètes. Mais il fallait faire vite, parce que Stasya ne tenait pas vraiment à ce qu’on la voit avec ce genre de créature.

- Avant que je n’explique à vous, pourriez vous me donner nom et parler de vous, même un peu.

La confiance ne se trouvait pas sous le sabot d’un cheval. Stasya refusait de croire aveuglément quelqu’un. Un esprit objectif aurait reconnu qu’une conversation de trois minutes ne permettait pas de faire confiance au gens. Mais Stasya était capable de s’emballer. Et de faire excessivement confiance à sa capacité à juger le caractère des gens. Elle était toujours convaincue de parfaitement saisir leur personnalité en quelques minutes de conversations, et de ne jamais se tromper. C’était comme ça qu’elle avait accepté d’épouser son délicieux époux. (elle n’avait pas eut le choix, en vrai, mais aimait à se persuader de l’inverse). Et si ça avait marché quand elle avait accepter Vladimir dans sa vie, elle ne voyait pas pourquoi ça ne pouvait pas marcher lorsqu’il s’agissait de choisir un truand pour régler des affaires pour elle. C’était presque pareil ! Oui, Stasya était confiante. Si elle ne faisait pas le bon choix elle allait s’en rendre compte vite et toute seule.
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyMar 30 Aoû - 22:59

Bianca accueillit avec complaisance écarts de langage, frimousse froissée, caprice autoritaire et requête ridicule. Bien sûr, que la petite dame ne se ferait pas une idée solide en trois mots ! surtout si elle n’en pigeait qu’un. Et en même temps, bien sûr, que c’était la question essentielle, la seule, l’unique : à qui peut-on faire confiance ? Sans savoir le formuler, sans même se le figurer clairement, la larronne comprenait cela bien mieux que beaucoup de ses congénères du ruisseau. Un sourire jaunâtre lui zébra la face.

-Où sont mes manières ?, plaisanta-t-elle. Bianca, c’est mon blase.

Parce que l’ordre des mots, voyez-vous, est une pure affaire de style. L’idée de simplifier son parler ne lui vint pas. Elle en avait fréquenté de plus linguistiquement défavorisés qu’une aristo’ immigrée. Ce gars, par exemple, tout bossu, qu’avait la gorge écrasée de naissance et qui causait en borborygmes. Et cette fratrie de sourdingues, aussi, c’était quoi, leur nom, déjà ? Marré, Marais… P’têt’ Martin. Enfin, bon. Elle n’avait jamais fait le moindre effort pour épurer sa langue. Quand on voulait, on finissait toujours par comprendre, pensait-elle – qui n’entretenait pas, il faut bien le dire, de conversations suffisamment abstraites pour avoir l’occasion d’en douter.

- Bianca Albin. Miraculée d’naissance, comme qui dirait. J’connais Paris comme le dos d’ma main – et encore mieux vu d’en haut.

Tout en parlant, elle avait tendu sa dextre à plat, comme une élégante montrerait ses bagues ; mais en fait de bijou, elle n’avait que son cuir tanné, froissé bien avant l’âge. Ses doigts frétillèrent un moment dans l’air, puis entamèrent l’ascension du montant du prie-Dieu. Arrivés au faîte, ils mimèrent, en drôles de cabrioles dansantes, les prouesses des monte-en-l’air sur les toits de la capitale – puis descendirent claquer sur la cuisse satisfaite. De toute évidence,  Bianca n’était pas peu fière de son petit jeu de marionnettes.
Elle en jaugea l’effet sur la dame de la haute. Pour sûr, ce genre d’oiseau, ça d’vait préférer l’théâtre, non ? Tous ces mots sans queue ni tête, qu’les gribouilleurs inventaient pour la rime et pour la frime. Eh ! Elle savait rimer aussi, promis. Même qu’elle connaissait d’jolies chansons. Mais son employeuse potentielle saurait guère les apprécier. Deux bouts de rigolade valaient pas la rémunération qui s’en irait avec. Elle retint ses envies rossignolesques.

- Y’a pas plus discret qu’Bianca. Sauf quand on y d’mande d’êt’ moins discrète, si tu vois c’que j’veux dire, corrigea-t-elle en roulant des phalanges, au cas où la raffinée voudrait quelqu’un capable de se salir les mains à sa place. Vrai que ce serait pitié, d’abîmer d’aussi jolies menottes, bien soignées, bien poudrées, dorlotées, sans doute pétries de pâtes odorantes. Elle se rappelait avoir vu ce genre d’articles chez l’un ou l’autre apothicaire – peut-être le vieux fou, à l’enseigne de la Licorne, ou bien l’autre sournois de l'Hôtel-Dieu de Troyes. Dépenser des fortunes pareilles pour s’en coller plein les pattes et le museau… Le résultat blessait pas l’œil, d’accord ; mais ces rupins, décidément, avaient des idées bien trop bizarres.
Quant au vouvoiement, il avait fait long feu. Eh ! Elle avait essayé ! Cela, au moins, devait être porté à son crédit. Mais Bianca ne saurait tenir telles résolutions bien longtemps. C’était pas exprès – même si ça aurait pu. La distinction de la créature d’en face, loin de lui en imposer, inspirait plus sa curiosité que son respect.

Normalement, c’est à ce moment qu’elle aurait dû causer de l’Ours. Et avant, de l’Araignée. Ça lui montait encore dans la gorge, comme un glaire, une remontée acide qui perce au coin des lèvres, et qui embrume un instant le regard. Puis ça passait. C’était jamais bien loin. Elle dressa l’index, soudain sérieuse.

- J’ai qu’une condition. Une seule. Pas d’entourloupes. Pas d’coup dans l’dos. Pas d’fourberies dans les coins. Les menteurs et les traîtres, moi, j’les bouffe.

Pas besoin de montrer les dents. On rigole pas avec la loyauté. Toutes singeries oubliées, la truande s’animait d’une énergie plus sourde, moins pétillante. Sa voix de rocaille crissa un ton plus bas, insistant lourdement sur l’essentiel.

- Bianca est toujours réglo, elle trompe personne ; et personne trompe Bianca. V’là mon principe. Si on est d’accord là d’ssus, on va s’entendre. Ça t’va ?

L’ombre s’envola aussi vite qu’elle était venue, rendant le terrain à une rangée de chicots ravis.
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Aux grands maux... (Bianca) EmptySam 3 Sep - 14:52

Bianca ou Blase? Stasya avait bien comprit que l’un de ces deux mots devait être le prénom (ou nom?) de son interlocutrice. Mais baste si elle pouvait dire duquel il s’agissait. Les quelques notions de latin que la russe possédait la poussait à s’orienter vers Bianca. Qui était un vrai mot au moins. Mais dans le doute, elle ne pipa mot. Au demeurant la répétition du prénom la poussa à décider de façon tyrannique que c’était comme ça qu’elle l’appelait. Mais pas le temps de s’attarder sur quelques noms. Il fallait suivre le curieux sabir de la jeune femme. Et ce n’était pas chose aisée. L’accent donnait l’impression qu’elle avait la bouche remplie de cailloux paix et brulant. Et elle déversait une mélasse curieusement collant dans les oreilles de la comtesse. Pateux et piteux, le langage de Bianca était finalement presque intelligible. Sans doute parce qu’y allant fort de grimaces et de mimes, elle le rendait accessible même pour une étrangère comme Stasya. Mais même si elle appréciait sa compréhension relative des faits, Stasya n’était pas femme à le montrer. Les cabrioles manuelles de Bianca ne lui valurent qu’un haussement de sourcil et un signe de tête approbateur.

En matière de référence et de garantie on avait déjà vu mieux. Pas de fait d’armes, pas de lettres de gentilhomme pour attester de la qualité du travail de Bianca. Tout ce que Stasya avait sous la main c’était une couturière jurant sur ses grands dieux que Bianca était une perle et Bianca qui elle même vendait assez mal son affaire. Bon sang ! Elle pourrait au moins lui raconter un exploit. Stasya ne pourrait pas le comprendre ou le vérifier. Mais au moins ça lui donnerait quelque chose à se mettre sous la dent. Parce que là, on frôlait la disette en matière de preuves et d’éléments. Et en plus, la conversation prenait un tour assez déplaisant. Un ton et une attitude menaçante. Quand on y ajoutait les rares mots que Stasya comprenait, il y avait de quoi ne pas être content. La comtesse n’était pas femme à se laisser traiter ainsi. Aussi elle redressa le menton, ouvrit son éventail avant de le referme avec un coup sec de la paume de la main. Ce genre de mouvement avec un éventail était chez elle une indication de colère rentrée, tout le monde à l’hôtel des Bazdéiev avait finit par le comprendre. Et tout le monde agissait en conséquence. Sauf monsieur le comte évidemment. Et Bianca serait sans doute la deuxième exception à la règle. Parce que Stasya envisagea un moment d’exprimer verbalement son énervement (On ne la menaçait pas, jamais). Mais y renonça bien vite en observant avec plus d’attention la bête qui lui parlait.

Il y avait quelque chose de curieusement déséquilibré dans le visage de la truande faisant face à Stasya. Elle ne pouvait pas mettre le doigt sur ce qui causait cette impression de biais, de diagonale et de manque de symétrie. Mais elle le constatait autant dans les traits durs que dans la silhouette noueuse. Et le sourire en biais que lui décrochait l’énergumène accentuait cette impression. La bête respirait la sauvagerie et le danger. Et finalement, Stasya avait grandi entouré de cavaliers des steppes, de bêtes dangereuses et autres phénomènes aussi sauvages que dangereux. Elle se retrouvait presque face à la truande et son absence de manière. Presque. Parce que ses proches étaient dangereux et sauvages, avec la fierté des prédateurs, mais ils l’aimaient et ne la menaçaient pas. À l’inverse, celle qu’elle avait face à elle était un danger pour elle. Et Stasya regretta furtivement de ne pas avoir prit de garde avec elle. Parce que Bianca était comme un verre qui roulait près du bord de la table. On se demandait quand serait la chute. On se demandait quand Bianca exploserait. Et si elle explosait, si elle chutait, se serait Stasya qui finirait briser comme une coupe de cristal et pas Bianca. Saleté de physique délicat pas du tout adapté à la lutte armé. Et le corset malgré sa rigidité ne pouvait pas vraiment compter comme armure. Finalement elle regarda Bianca droit dans les yeux et corrigea :

- Cela vous convient, madame la comtesse, je vous prie.

Toujours un fort accent russe, mais pour une fois elle ne s’en plaignait pas. Au contraire, elle savait que son accentuation des r et le grondement de sa gorge pouvait être vu comme agressif et imposant. Ce qui était l’effet plus ou moins rechercher.

- Cela pourrait convenir à moi. Mais une moralité pareille étonne dans votre.

Elle secoua la tête et agita la main :

- Tant que votre refus vient pas entraver ordre miens, ça me convient.

Elle précisa :

- On vous l’a dit. Je paie bien, mais ne supporte pas qu’on bâcler travail. Et n’aime pas contestation. Est ce clair pour vous? C'est dernière chance à vous poser question ou partir.
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyMar 6 Sep - 22:51

Ça, ça voulait dire : embauchée. Pas besoin de s’inquiéter du temps perdu – car ses journées étaient « de longues », aussi, comme disait l’Orientale, et ses heures bien plus chères qu’elles ne lui seraient jamais, pour des raisons vitales. Ratant l’affaire, elle eût dû compenser. Pas facile, par ces temps.
Bien sûr, si elle avait cru que Bazdéiev mettait sa probité en doute, même un peu, même par pure rhétorique, même sans le vouloir, elle aurait pu tout faire capoter. Sujet glissant à ce point. Propre à la mettre en rage à la seconde. Fort heureusement pour tout le monde, ses mécanismes de défense fonctionnaient à merveille : la pique maladroite, plus malheureuse que son envoyeuse ne le soupçonnerait jamais, avait disparu avant que d’atteindre sa cible.
Inconscient : 1 / Barrière socialo-linguistique : 0
Bianca acquiesça, dans une parodie baroque de révérence assise.

- Moi, v’savez… J’fais c’qu’on m’demande, m’dame la comtesse, répondit-elle, entremêlant l’acte et le mot. Le titre resterait sans doute, si elle s’en souvenait, car il est honnête qu’un payeur s’autorise quelques caprices sans conséquences. Et puis, et puis… Bianca n’avait pas eu souvent l’occasion d’appeler qui que ce soit : comtesse – à l’exception cette fille du borde de la rue Baille-Hoë, à la peau de pomme mûre à point… Où pouvait-elle être, maintenant ?
La larronne chassa la question de son esprit. Mieux valait pas penser à la gaudriole ni au passé pendant les affaires ; du reste, son aristocratique commanditaire avait largement de quoi retenir toute son attention. Sa combattivité lui plaisait. Oh, sans doute aucun, elle eût accepté le projet d’une riche timorée, et même ménagé sa sensibilité tant qu’elle en était capable ; mais à tout prendre, elle préférait avoir affaire à cet animal-ci. Plus facile. Plus familier, lointainement, derrière les lourds effluves d’étrangetés en tous genres qui lui agressaient le museau.

Elle leva les paumes, et frétilla des doigts.

- Après tout, c’est tes affaires. T’les mène comme tu veux. Moi, j’fais just’ les mains.

Pas comme si elle avait les moyens de refuser. Et puis, si le coup requérait du doigté, tant mieux : ça lui f’rait de quoi redorer son blason, qu’attirait point trop par les temps qui courraient. Pour sûr, son échappée belle du Châtelet lui valait force louanges et sifflets admiratifs… mais ce genre de musique nourrissait guère, et on n’osait point trop s’acoquiner avec l’ennemie proclamée de tout ce qui rendait la justice dans Paris. Ajoutez à cela un caractère qui allait empirant…
Quelle curiosité, vraiment, que le renouveau lui vînt de la haute ! Et de ce spécimen si étonnant, encore ! Bianca était à mille lieues d’imaginer à quel point la Bazdéiev détonnait dans le paysage mondain ; et pourtant, elle flairait son particularisme. Instinct. Évidence. Peut-être, simplement, reconnaissait-elle qu’il fallait un rupin bien extraordinaire pour recruter ses agents tout en bas.

Elle se redressa contre le dossier de bois dur comme en un confortable fauteuil, transpirant l’assurance. Sa voix, en revanche, était tombée plus bas que terre – filet mat et caverneux glissant sous la rocaille, égrenant avec gourmandise un catalogue de menues infractions. Les affaires reprenaient. Bon Dieu ! ça f’sait du bien.

- Alors, comtesse. Qu’est-ce qu’il lui fallait ? Soulager un gonze d’un objet ou deux ? Entrer chez un grand ? Négocier des babioles ? Fermer des bouches ? Allonger des types ? Aut’ chose ?

Elle fit craquer sa nuque comme on roule les mécaniques, ou comme on s’échauffe avant une course. La Russe pouvait se vanter – aurait pu, en tout cas, si savait, si imaginait – d’être la première personne depuis un sacré bail à avoir son attention pleine et indivise, et parfaitement vierge d’intentions meurtrières.
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyMar 13 Sep - 22:42

Cette affaire était quand même très confuse. Enfin c’était surtout le discours de Bianca qui était confus. Stasya était intelligente, suffisamment pour comprendre que visiblement elle était parvenue à une sorte d’accord avec la truande. Mais elle était pas sûre de comprendre précisément la nature de cet accord et leurs engagement respectifs. Ce qui était un petit peu gênant. Déjà parce que la plupart des âmes damnées avaient signé des pactes sans savoir ce qu’il y avait dedans. Ensuite parce que dans le cas de Bianca, ne pas savoir ce qu’elle avait compris et décidé était assez inquiétant. On ne savait pas trop ce qui se passait dans cette drôle de caboche. C’était comme un chien de chasse que l’on avait mal dressé. Il était très certainement capable de courir le renard. Mais sur un coup de tête, il était aussi capable de vous mordre au sang. Voir plus.

Stasya se demanda donc très sérieusement si Bianca allait vraiment s’occuper de ses affaires ou allait lui causer plus de trouble qu’elle n’en pouvait gérer. Sans doute un mélange des deux. Mais elle n’était pas femme à reculer une fois qu’elle avait fait un choix. Bianca n’était pas son choix, pas vraiment. Mais c’était tout comme. Et elle n’allait pas se désavouer maintenant sous prétexte que Bianca avait l’air légèrement déséquilibré. Sans doute la pauvreté avait elle atteint un petit peu trop atteinte le cerveau de la pauvre. C’était ce qui la rendait plus bête qu’humaine. Mais il y avait des chiens très intelligents, bien dressés et utiles. Peut être que Bianca pouvait s’en rapprocher un peu. En terme d’intelligence et d’utilité, parce que nous l’avons vu en matière de dressage, il y avait du travail. Mais il fallait toujours récompenser la bonne volonté. Et au fond Stasya se sentait gagné par un certain amusement. Il y avait quelque chose d’enthousiasmant dans le comportement de Bianca. Quelque chose de fascinant aussi.

Ce fut en souriant et avec une autodérision important que Stasya expliqua :

- Je ne pense pas avoir compris le tout de votre français. Mes excuses, ça semblait si intéressant et varié. Mais j’apprécie la disponibilité et obéissance de vous. Considérez vous comme désormais au mien service.

Et c’était un honneur. Bianca était sans doute moins à son service qu’une collaboratrice par la force des choses. Une complice aussi. Et sans doute un visage à donner à ses mauvais penchant. Un visage assez peu plaisant. Mais contempler le flétrissement de sa morale et de ses principes ne devait pas être chose agréable. Sans quoi on aurait aucun intérêt à demeurer sur le droit chemin. Elle supposait. Mais finalement on atteignait un point délicat. Un point auquel elle avait tenté d’éviter de penser durant le début de l’entretien.

Stasya se demanda pourquoi elle peinait tant à avouer les choses à sa nouvelle recrue. Ce n’était pas comme si cette dernière allait la juger. Enfin si évidemment. Tout le monde jugeait tout le monde à un moment. Mais elle ne faisait pas partit des gens dont le jugement comptait. Et ce n’était pas uniquement une question de condition et de manque de décence morale. Seulement la répugnance extrême de Stasya venait d’un mélange surprenant de pudeur et d’orgueil. Une combinaison bien connue des femmes nées à peu près convenablement. L’orgueil l’empêchait de reconnaitre concrètement l’existence de problèmes. Surtout de problème dans la gestion de sa maison. Et avec son mari. Et chez une russe l’orgueil voulait que l’on n’avoue pas redouter quelque chose. Et la pudeur était un nouvel obstacle. Parce que même en ayant l’humilité nécessaire pour regarder en face ses problèmes on ne parvenait pas nécessairement à les exprimer à voix haute. Pour ne pas avoir à leur donner corps, pour éviter qu’ils ne deviennent les affaires des autres. Parce que les autres ça ne les concernait pas.

Après tout peut être qu’elle n’avait pas à tout avouer à la voleuse. Il y avait des choses qu’elle n’avait pas besoin de savoir pour accomplir le travail. Elle semblait assez curieuse de nature, dans tout les sens du terme. Mais Stasya n’aurait qu’à ne pas répondre aux questions.

- Il y a un homme sur lequel j’ai des doutes.

Merveilleux euphémisme. Elle faisait une réaction allergique en présence de cet homme. Clairement ses nerfs n’étaient pas fait pour lui permettre de supporter cette présence allergisante. Et elle était convaincu qu’il était malhonnête. Quelqu’un qui développait une telle influence sur son mari était forcément malhonnête. Vladimir n’était pas homme à se laisser influencer. Sauf par elle. Et elle ne supportait pas de perdre son influence. Tout ça au nom d’une passion bizarre et scandaleusement chère. D’ailleurs, il fallait peut être mentionner ce léger détail qu’au moins Bianca ait quelques éléments à se mettre sous la dents pour commencer. Et que ça aille plus vite que ça. Maintenant qu’elle se lançait dans cette affaire, elle voulait en finir au plus vite.

- C’est un astronome. Un homme qui est étudiant étoile et autres astres. Arthur Duplessy.

Et elle estimait ne pas avoir de raison pour développer pourquoi elle lui en voulait plus.

- Je suis convaincue qu’il est… moralement moins bon que vous. Mais il le cache mieux et se lave plus souvent.

Il ressemblait à un être humain civilise et pas à un chien à qui avait appris à marcher sur les pattes arrières. Comme quoi l’habit ne faisait pas le moine et l’élégance ne faisait pas nécessairement l’honnête homme. Après cette description très précise de l’homme. Stasya enchaina avec les objectifs de mission :

- Je veux donc vous renseigniez moi sur cet terrible homme. Trouvez ce qui permet lui d’être parasite et fléau satan je n’aime pas.

Elle tenta d’estimer le temps qu’elle avait perdu à régler ces détails domestiques. Sans doute plus que l’homme ne le méritait.

- Questions à vous?
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyLun 26 Sep - 18:25

Au sien service, hein ? L’idée fit sourire Bianca, qui se figurait, âme simple ! n’avoir jamais servi personne. Comme si. Quoi qu’il en soit, pas vexée pour deux sous qu’on lui passe une laisse, puisqu’elle ne la sentait pas, l’artisane des basses œuvres réfléchit le sourire délicat de sa commanditaire – en moins joli, oui oui – et lui accorda tout le temps de trouver ses mots. Des heures de minauderies eussent rogné sa patience ; mais quelques minutes ? Elle ne les vit passer. L’intérêt révélait en elle des trésors de patience. Quant enfin la Russe se décida à cracher, elle prêtait déjà l’oreille.

En matière d’astronomie, la larronne ne savait strictement rien, sinon les bribes dégoisées par l’un ou l’autre allumé, qu’elle écoutait à peine. Elle se rappela d’emblée la diseuse de bonne aventure de la cour Brissel, qui causait souvent d’étoiles et de fortune. Pas la sonnante et trébuchante ! non. L’autre. Celle qui porte masque et balance, en commerçante sous-douée, une chouille caractérielle. À cette bohémienne-là, Bianca avait dit, un jour, qu’elle était douée. Comme ça. Pour faire plaisir. « Alors si je suis si douée, avait répondu l’autre, comment ça se fait que mes clients me courent après avec des bâtons pour que je leur rende leur fric ? » Effectivement : elle avait claqué trois saisons plus tard, lattée à mort par un payeur déçu.
Triste.
Mais à coup sûr, le gibier Duplessy serait d’une autre trempe.

La description cependant laissait à désirer. Le trait dirigé contre son hygiène corporelle lui tira un rire d’égout bouché ; mais ce maigre point qualifiait probablement la moitié de la population parisienne. Allez : au moins le tiers. F’sait déjà du peuple – et qu’elle aurait ciblé par défaut, vu le genre de compagnie qu’entretenait sans doute aucun la Bazdéiev. Tu parles d’un indice !
L’aristo ayant achevé son court, trop court exposé, Bianca hocha brièvement la tête – et la garda penchée de côté. Sa façon d’observer les choses sous un autre angle, peut-être bien. Après deux secondes de réflexion, nettement suffisantes, elle résolut de ratisser large dans le questionnement.

- ’Savez où il crèche, satan ? Un coup d’œil au visage égaré lui rappela qu’elle devait préciser un peu son jargon, rapport aux connaissances limitées de la dame de l’Est, et des richous en général, d’ailleurs. Elle déroula une nomenclature étonnamment fournie : Crèche… perche… tapique… habite. Habite ? J’vais faire un effort, promis craché.

Moins concentrée sur son fait, elle eût effectivement craché sur les dalles de l’église. L’occasion était belle. Mais son attention s’occupait ailleurs.

- Où il habite, ou au moins, où il traîne – à part dans son bain ne put-elle s’empêcher de plaisanter, en écho railleur. Elle eût pu ajouter : « et chez vous » ; un reste de bon sens l’en empêcha. Mieux valait rester sur sa belle idée du diable au bain, qui ne heurtait pas ses perspectives de paiement. Il a un commerce, à part les étoiles ?

Elle voulait dire : un commerce sérieux. Même la lie préjuge. L’information, en tout cas, l’aiderait à faire le tri dans le carnet d’adresse mental qu’elle compulsait déjà. Bonimenteurs, mercenaires, poisonneux… Les salopards laissent des traces. Si l’Arthur pataugeait en eaux troubles, quelqu’un le connaîtrait sans doute, non ? Eh. Sauf s’il était doué. Ce qui pimenterait les choses, mais ne les faciliterait pas au départ. Mieux valait, en tout cas, avoir de quoi commencer, et ne point trop compter sur le coup de bol.

- Et tant qu’à faire : comment qu’il a fait du ragoût ? Mhm. C’quoi qui vous a mis la puce à l’oreille ? Défrisée, quoi. Interrogée ? Arh. Pourquoi il a l’air si louche ?

Pas évident, vraiment, d'aplanir son parler.
Bianca Albin
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyDim 2 Oct - 16:32

Ce qu’il y avait de terrible avec les nouveaux domestiques c’était qu’ils se croyaient tout permis. Y compris poser des questions et demander plus de détails. Quand elle disait à sa femme de chambre qu’elle voulait que son sorte sa toilette de l’après-midi, jamais au grand jamais cette dernière ne lui demandait sa couleur de la toilette de l’après midi. Et si elle demandait le livre de compte rouge on ne lui demandait pas s’il s’agissait du rouge cerise ou du rouge bordeaux. On lui apportait le bon livre. Point. Mais Bianca étant à son service depuis 3 minutes on pouvait lui pardonner quelques erreurs professionnelles, pour l’instant. Sans compter que Stasya était une aristocrate élitiste mais aussi une aristocrate réaliste. Aussi avait elle conscience que pour obtenir un bon travail parfois il fallait accepter que les gens posent des questions. Mais gare à ce que ça devienne une sale habitude. On commençait par poser des questions et après on se croyait le droit de négocier ou pire… de contester.

Mais on était loin d’une si dramatique escalade. Et en réalité, Stasya se révélait plus charmée qu’autre chose par le caractère de son vis-à-vis. Sans doute parce que sous des dehors vulgaire, mal dégrossi et dangereux Bianca lui ressemblait. Au niveau de la pugnacité en tout cas. Et puis… Stasya nota toujours souriante :

- Vous faites progrès à moi en synonyme. Merci mademoiselle.

De toute évidence, Bianca n’était pas mariée. Mais elle avait un sacré vocabulaire avec des expressions pittoresques et colorées. Sans en être sûr, Stasya pensait bien que la plupart des mots n’avaient pas leur place dans une conversation de salon. Mais ils étaient étrangement seyants dans la bouche de Bianca. Un parler rugueux ou les syllabes s’entrechoquaient violemment ne pouvait que correspondre à ce genre de personne chez qui la violence et la sauvagerie affleuraient derrière chaque mouvement. Quoiqu’il en soit, c’était assez intéressant et spectaculaire. Sans doute quelques dramaturge et poète auraient eut de quoi enrichir leur vocabulaire en quelques minutes de conversations avec Bianca. Et détruire leur odorat durablement. La mauvaise odeur de la jeune femme étant tout bonnement insupportable. D’ailleurs Stasya sentait naitre une certaine migraine et le besoin urgent de sa laver et de se purger. Les nouveaux savons à la lavande et au miel qu’elle avait récemment achetés allaient se trouver utile plus vite que prévu.

Mais pour cela, il fallait mettre fin à l’entretien. Et assez vite pour avoir le temps de se laver avant ses prochaines obligations sociales. Quoiqu’il en soit, Stasya réfléchit très vite aux questions. Et pour prouver qu’elle était une élève attentive résolu d’également utiliser quelques une des expressions que Bianca lui avait si généreusement fournis.

- Il tapique rue du Vieux-Colombier mais à ce que moi sais va rue Férou… Chez aigri penseurs.

Autant dire que quand elle avait appris ça son exécration pour Duplessy avait doublé son exaspération. Parce que sur le masque de l’astrologue s’était superposé les boucles blondes et la hauteur insupportable d’un certain pamphlétaire. Stasya réfléchit un moment à la seconde question.

- Me semble à moi qu’astrologue a toujours été travail lui. Avant pour le roi, mais maintenant renvoyé.

Bien la preuve que le souverain avait quand même un semblant de bon sens. Et que Duplessy ne valait rien. Donc que l’homme ne méritait pas du tout que son mari perde autant de temps avec lui. Mais c’était un autre sujet. Tout en s’éventant distraitement avec son éventail, Stasya poursuivit.

- Je méfie de lui car naturellement malsain. J’aime pas son regard.

C’était une raison parfaitement raisonnable. Elle croyait son instinct et son instinct avait toujours raison.

- Et puis trop aimable, trop de relations. Et agitateur aigri. Toujours dangereux les gens aigris, ils explosent et tuent tout.

Elle eut un sourire e direction de Bianca et faisant exceptions à ses principes de gestionnaires de domaines demanda de la voix aimable du bon maitre :

- Vous avez d’autres questions?

Pitié non. Son nez n’y survivra pas.
Stasya Bazdéiev
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyJeu 13 Oct - 0:20

Parole ! L’exotique aristo ravissait la fille de la fange. D’autres l’eussent rabrouée sur son parler saugrenu, et Bianca ne s’en fut même pas formalisée ; elle, l’adoptait carrément. Que c’était donc comique, les mots de la rue entre ces lèvres colorées ! Rigolo, ce remerciement si mal mérité ! La courtoisie subtile, trop subtile de Stasya Bazdeiev passait facilement pour de la connivence, qui n’est pas la moindre forme de respect ; et peut-être en était-ce. En tout cas, la larronne mordait à l’hameçon. Mais ce qui lui plaisait par-dessus tout, c’était moins ses manières à l’élégance hermétique que cette impression diffuse d’énergie, de détermination fringante, comme un éclat vivace à l’angle de son sourire. Il émanait de la Russe une force de caractère à laquelle elle ne s’attendait pas, et qui parlait à son cœur.

Elle nota soigneusement les indications géographiques dans sa mémoire. Entre Saint-Sulpice et Saint-Germain-des-Prés… Quartier point trop fréquenté par sa race, comme il fallait s’y attendre. Bien. Elle s’y rendrait, par les voies du Monte-en-l’air, constater de ses yeux à quoi ressemblaient les « aigris penseurs » en vue du dessus.
Plus tard, elle repenserait à l’expression agacée de sa commanditaire à la mention de la rue Férou, et devinerait peut-être, à des éclats de voix derrière porte close, à certaines attitudes, à la mise moins soigneuse de certains hôtes du lieu, une fracture jusqu’alors parfaitement insoupçonnée entre deux mondes ; mais pour l’heure, mystère. Les « riches » formaient dans son esprit une entité uniforme et compacte, vaguement amusante… mais globalement trop étrangère pour éveiller par elle-même un intérêt profond, autre que pécuniaire.
D’ailleurs, pourquoi s’intéresser à des gens qui encouragent les fouille-étoiles au point de les employer ? Ils sont fous, ces aristocrétins.

Le renvoi de Duplessy, en revanche, valait piste. Qu’avait-on trouvé sur lui ? Rien de suffisamment grave pour le faire enfermer, suffisamment pour l’éloigner de la cour ; elle comprenait vaguement cela, encore qu’elle analysât la situation à l’aune de sa propre cour, bien différente. Elle s’attendait presque à ce que la Bazdéiev avance cette raison à sa méfiance ; la réponse qu’elle donna la satisfit bien davantage.
Bianca opina. Oui, elle avait connu des gens naturellement malsains. En connaissant encore. Carne ! C’était le tiers de sa compagnie ordinaire, tandis qu’un autre tiers n’était malsain que de formation. Elle plissa les yeux, tâchant de se représenter le bonhomme. Frappadingue à la gueule emmiellée, regard perçant, de la retenue – ou Bazdéiev n’aurait pas évoqué l’explosion prochaine ; le genre de gonze qui fout l’estomac en vrac d’un regard. À raison, ou juste trop pour les entrailles délicates d’une donzelle de la haute ? Voilà ce qu’il faudrait trouver.
Elle savait déjà par où commencer.

La Russe n’avait pas sitôt demandé s’il lui restait des questions, qu’elle levait l’index.

- Une, annonça-t-elle en se tapotant le bout du nez, dans un tic d’une ironie qu’elle ne soupçonnait pas. Son regard, jusqu’alors absorbé loin dans ses réflexions, se vrilla à nouveau sur le visage de sa commanditaire avec un sourire de chien de chasse heureux (trop heureux ?) de reprendre la traque. Quand j’ai du neuf, j’te fais prév’nir par la couturière, m’dame la comtesse ?

Eh ! Le titre y était, non ?
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Aux grands maux... (Bianca) EmptyDim 30 Oct - 11:33

Stasya estimait déjà avoir consacré à cet infamante affaire plus de temps que ne le méritait ce parasite d’astrologue. Et sensiblement, toute discussion étant close pour elle, la comtesse préparait son départ. L’éventail fut fermé avec sécheresse pour produire un bruit autoritaire. Puis il fut rangé. Elle se redressa et retrouva un maintien noble qu’elle n’avait jamais abandonné. Déjà son esprit filait vers la robe qu’elle voulait porter, les finances qu’elle voulait contrôler, l’entretien avec la nourrice de sa famille et le cour de français avec Gabriel. Son regard papillonna un moment en direction du christ en croix qu’elle n’avait finalement pas prit le temps d’honorer convenablement ce matin. Une vague culpabilité lui fit regretter ce manque de piété. Elle se promit de trouver un peu de temps pour ses devoirs religieux plus tard dans la journée. Ou peut être demain. Son emploi du temps se révélait déjà bien trop chargé.

Elle était déjà debout lorsque Bianca la retint. Grand Dieu ! N’en avait on jamais fini avec ces questions, ces détails et ses interrogations. Mais elle choisit finalement de faire preuve d’indulgence. Au moins la Bianca ne l’interrompait pas dans son départ pour une remarque sans importance ou une question idiote. Les petits gens avaient cette curieuse manie de vous interroger avant de réfléchir pour trouver par eux-même la réponse. Debout, Stasya pouvait aisément toiser Bianca. En revanche, aucune position ne pouvait la soulager contre l’odeur qui l’incommodait. En plus cette position présentait un désavantage auxquels elle n’avait pas pensé. Elle prenait de la hauteur sur le sourire de Bianca. Un sourire cruel et belliqueux certes. Mais dans une bouche remplie de mauvais chicot noirs, jaunes et manquants d’aplomb. Il y avait des choses sur lesquelles on préférait ne pas changer de point de vue. Ou qu’on préférait ne pas voir du tout. Quoique. Tant d’ardeur au travail, surtout un travail si peu reluisant, ça changeait agréablement de la paresse des autres domestiques.

Elle hocha brièvement la tête avec la sécheresse de la femme qui n’a pas le temps de se consacrer à tant de détails.

- En effet. Mais uniquement si ça vaut le déplacement. Je n’ai à perdre de temps.

Elle hésita un moment puis s’empara de quelques pièces qu’elle jeta négligemment sur les genoux de Bianca. L’une d’entre rebondit sur la jambe couverte de toile sale et puante. Elle alla frapper le sol de marbre avec un bruit clinquant. L’or ne tomba pas tout de suite. Au contraire, il roula et tourna sur lui même comme une toupie. C’était un spectacle qui ravie l’âme d’enfant de Stasya. Et elle attendit que l’argent s’effondre définitivement pour annoncer avec simplicité :

- En avance des votre frais.

Elle savait pas trop quel genre de frais la truande pouvait avoir. Mais l’argent avait toujours eut un pouvoir motivant certain. Et puis comme ça, elle s’assurait sans doute aussi un fond de loyauté. Pour une si petite somme c’était une aubaine. Finalement la comtesse s’autorisa un sourire froids :

- J’attends les votre nouvelles avec impatience. Bon travail.

Et honore infime que la roture ne pouvait pas comprendre Stasya ne la planta pas là. Au lieu de tourner les talons purement et simplement et de s’éloigner d’un pas rapide et gracieux, elle choisit de regarder longuement Bianca. Puis elle lui adressa un signe de tête aimable. Pas une révérence, il ne fallait pas non plus galvauder ce genre de marque de respect. Mais le signe de tête était déjà une marque de considération qui devait être apprécier à sa juste valeur. Sans quoi elle risquait de se vexer.

Puis elle partit et une fois dehors inspira profondément un air non vicié. Quoique. On parlait de Paris. Sans doute fallait il parler d’un air moins vicié que quand on était en tête tête avec Bianca Albin.
Stasya Bazdéiev
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