Mathilde de Lespines vit le jour un dimanche du mois de mai ensoleillé. Troisième enfant du Duc et de la Duchesse, elle fut cependant la première fille née de cette union. Ainsi, la fillette eut deux frères pour veiller sur elle, Pierre et Mathieu. Chose ne fut pas aisée pour cette enfant de trouver sa place et son rang derrière ses aînés. Aux garçons, il fut promis une éducation toute masculine, des chasses et des carrières. A la petite incomba une cruelle injustice : celle de devenir une femme. Boudeuse et capricieuse d'abord, Mathilde tapait du pied quand il était hors de question pour elle de suivre les deux joyeux larrons. Devant ses petites crises, son père, coeur tendre et aimant pour cette fille unique, cédait souvent. Elle évita donc l'instruction sur la broderie et la bonne tenue d'un foyer jusqu'à l'âge de huit ans. La tragédie frappa l'heureuse famille ; la mère décéda des suites d'une longue maladie. Le destin foudroya la petite qui vit là sa première tragédie. Sur ses frêles épaule reposa un nouveau poids : celui d'être la femme de la demeure. Les douces gouvernantes ne remplacèrent jamais cet amour maternel éteint trop tôt mais elles apportèrent à la petite fille un certain soutien. Mathilde se renferma néanmoins sur elle-même, devint plus sage et moins bavarde. Elle conservait certes une certaine joie de vivre enfantine, mais elle se faisait plus rare. La lecture restait la passion qu'elle avait en commun avec ses frères et son père. A quinze ans, elle gérait toute cette petite maisonnée et les terres avec un certain savoir-faire. Alors que Pierre battait la campagne dans toute l'Europe afin de parfaire son instruction, Matthieu, lui, occupait une place à la Cour du Roi. Son père, heureux d'avoir quitté Paris en avisant les complots et les drames qui s'y étaient joués quelques années auparavant, ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Le cadet lui fit une proposition qui l'effraya encore sans qu'il ne pût la refuser : prendre Mathilde sous son aile à la capitale. Il promettait pour la jeune fille une place de choix dans le giron d'une dame de haute importance et, donc, un avenir assuré. Les adieux furent déchirants mais Mathilde gagna la grande ville avec une certaine appréhension. Elle n'avait jamais connu que sa campagne, et ses maigres lectures, ses toilettes bien trop simples lui apprirent bientôt que se faire une place à la Cour serait encore moins facile que de s'en faire une dans sa famille. Dévouant cependant à la femme dont elle tenait compagnie, attendant le fiancé tant promis, Mathilde était était cependant prête à tout pour honorer le nom de sa famille et mettre à bon escient les leçons reçues.