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 Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien)


Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyVen 1 Nov - 0:09

« Cazzo ! »

Trois heures du matin venaient de sonner à l'église toute proche. Dans les alentours du château vieux de Saint-Germain-en-Laye, une ombre titubante s'approchait, hésitant à chaque tournant, cherchant son chemin, jurant en italien à chaque erreur et à chaque trébuchement contre toutes les divinités du ciel et de la terre avec une verve que Claude Le Petit lui aurait enviée. La peste soit des répétitions qui vous font venir à la cour à des heures indues ! La peste soit de la cour, qui ne pouvait pas se tenir tranquille au Louvre, en plein milieu de Paris, mais qui s'amusait à vagabonder ! Et la peste soit de ces fichues étoiles et de cette maudite lune, qui n'éclairaient pas assez pour permettre à ses yeux de myope aviné de voir clair !

Tout ceci mérite une petite explication...

Six heures plus tôt, Lully était rentré à Paris avec la furieuse envie de se débarrasser de l'atmosphère empesée de la cour dans un tonneau de malvoisie. Son premier réflexe avait été de se ruer au cabaret du Bel-Air, tenu par son beau-père au carré (le beau-père de son beau-père, un certain monsieur Dupuy), un brave homme qui ne lésinait pas sur la marchandise et qui attirait une clientèle de soiffards talentueux. Sitôt arrivé, le compositeur avait agrippé une guitare et chanté des airs graveleux entre deux gorgées de vin. Une armada de poètes lui faisait chorus et ajoutait des vers à l'occasion : belle cacophonie.

Bientôt, les notes s'étaient révélées plus hésitantes ; les voix, moins assurées... Il avait laissé tomber la guitare, l'avait troquée contre une nouvelle bouteille et la charmante compagnie d'une servante accorte, la Fanchon, qu'il avait pelotée sous les regards goguenards de sa propre famille et de ses propres amis. Ah ! la belle vie que le libertinage le plus éhonté et le plus affirmé ! Quant à sa pauvre Madeleine de femme, elle le verrait bien tout à l'heure, sans prendre ombrage d'infidélités qu'elle n'ignorait certes pas. Les caresses devenant plus intimes, la fille étant accorte, on s'éloigna dans une pièce de l'étage et on s'y livra à de savantes préoccupations interrompues par d'autres paillards : qu'importait ! L'amour était à tous, aussi sincère que temporaire ! Plaisir des sens suffit à son homme, et Lully ne lésinait pas là-dessus.

Baptiste s'était donc fait la Fanchon avec d'autant moins de scrupules qu'il était, après tout, chez lui. La partie de plaisir avait continué dans tout son charme sensuel, entre des jeux de cartes, des jeux d'alcool, des jeux sexuels, de la musique et des mauvais vers auxquels tous les beaux esprits applaudissaient, faute d'avoir l'esprit assez clair pour les critiquer.

Quatre heures de plaisir plus tard, le compositeur de la chambre s'était senti saisi d'une drôle d'impression... celle d'oublier quelque chose d'important. Quelque chose de vital.

« C'que t'oublies, mon vieux Battista, c'est d'boire ! » railla Lalouette, un violoneux de son état, bardache de ses loisirs, alcoolique le reste du temps.

Ce pouvait-il que ce soit simplement ça ?

Lully avala le restant de son gobelet pour s'en assurer.

Non... Enfin si, il y avait ça, mais il y avait aussi autre chose.

Pourquoi Benserade n'était-il pas là ? Lui qui d'ordinaire n'en manquait pas une, surtout pas lorsqu'il avait la possibilité de réciter une mauvaise adaptation d'une fable d'Esope ou un...

... passage de ballet...

« E mierda !!!! »

Il avait réussi à attirer l'attention de la Fanchon et du père Dupuy.

« Eh bien, Baptiste ?
- Il balletto...  Dio mio !...
- Tu sais, il est heureux que tu ne sois pas allemand... On peut comprendre ton italien...
- Mi dispiace... Lé... ballette dou roy... È domani la repetizione ! Bon, d'accordo, cé n'est qu'oune bêtise, ma... Ahita !
»

Et ce disant, il s'était précipité sur ce qu'il avait estimé être son justaucorps - mais en était-il sûr ? c'était discutable ! Quoique, il était le seul à avoir une livrée d'un si beau rouge... aussi rouge que le vin... Allez ! une dernière lampée, pour la route ! Et un baiser à la Fanchon ! -, laissé quelques pièces au père Dupuy et couru dehors, Dieu seul savait comment, jusqu'à son domicile. Il y avait réveillé son cocher (« Commente ? Tou oses dormire, quando io devo andare à Saint-Germani ? Andiamo !(1)) et s'était fait amener jusqu'à Saint-Germain-en-Laye, malgré les protestations sourdes du malheureux type. Descendu du carrosse près du château, il devait maintenant rejoindre ses appartements.

Voici, résumée en quelques paragraphes, la mésaventure du sieur de Lully. Elle était loin d'être terminée...

Il parvint, par un heureux coup de la providence, à rejoindre l'entrée du château vieux sans (trop) se perdre, ni sans tomber dans une fontaine. C'était déjà un miracle, mais c'était encore loin d'être fini : il lui fallait rejoindre ses modestes appartements... euh... quelque part par là, songeait-il... Ou peut-être par là ?... Ah ! tous les couloirs se ressemblaient, dans ce fichtre de labyrinthe !

Lui qui n'avait chu sur les pavés de Paris ni dans les jardins du château, parvint à s'étaler de tout son long et de toute sa gloire sur un marbre - il est vrai glissant.

« Ah! Per Dio, quale e l'architetto chi a conçu cé maudit palazzo di mierda ? Sto... STO BENE COSÌ ! (2)» grogna le compositeur en se relevant et en époussetant maladroitement sa livrée. Pourvu que son violon n'ait pas souffert...

... D'ailleurs, où l'avait-il mis, son violon ?...

Cette journée commençait décidément mal.

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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyVen 1 Nov - 15:48

B a t t i s t a L u l l i & L o u i s e J u l i e n
Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) 4j1ez Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) 4j1hc
Que cette journée était longue, mais qu’elle était longue ! Louise allait finir par ne plus espérer la voir finir un jour… Commencer au lever du jour pour participer à l’effervescence quotidienne autour des appartements du roi qui semblait de plus en plus demander la présence de la jeune femme – à son plus grand plaisir mais commençant également à éveiller sa méfiance. Enfin, aussi bonne soit la raison, cela faisait tout de même un lever fort matinal, étant donné qu’elle devait être prête et présentable bien avant cela. Pour ensuite passer la journée à courir entre les différents habitants de Saint-Germain, ne sachant au final plus qui elle avait prévu de servir et qui l’appelait seulement en la voyant passer. Ah… les petits plaisirs de ne pas être assignée à une personne en particulier, tout le monde pouvait vous siffler comme le dernier des chiens ! Mais elle ne disait mot, ne se plaignait évidemment pas, trop heureuse de pouvoir profiter de sa petite vie au château et de ne pas être trop loin de sa petite sœur qu’elle aimait tant.

Mais quand, après le souper, elle pensait enfin pouvoir laisser les cuisinières à leur rangement et aller s’écrouler sur son lit : que nenni ! La voilà assignée à l’astiquage des poêles et des casseroles ayant servi pour le repas royal. Les deux servantes qui devaient normalement l’aider à faire ce travail ingrat étant… occupées par des affaires de plus haute importance (et de plus petite vertu), la jolie blonde ne pouvait qu’avec dépit regarder la montagne de travail qui la séparait du sommeil réparateur dont elle avait si terriblement besoin. Se mettre au travail était la seule solution évidemment pour arriver à la fin et c’est donc ce qu’elle fit, en silence, à la seule musique du frottement des éponges sur la graisse incrustée et de l’eau qu’elle agitait de ses mains de plus en plus abimées. Les heures passaient et la pile d’assiettes et d’ustensiles de cuisine sales ne semblait qu’augmenter sous le regard épuisée de la jeune femme, ce qui n’était pas totalement faux car quelques servantes passèrent autour de minuit, une heure du matin, pour ramener les derniers couverts qui avaient servis aux paresseux restés dans leur chambre pour le souper.

Lorsque deux heures sonnèrent, l’épuisement à son comble, Louise ne put qu’éclater en sanglots comme une enfant à la pensée que dans moins de trois heures, elle devait déjà se relever. Le fait que ses mains venaient de définitivement se mettre à saigner n’aidait pas et elle les serra dans une serviette tellement sale qu’elle était passée de blanche à marron en s’asseyant pour la première fois en trois heures, sur un tabouret. Sa poitrine secouée de sanglots, elle resta un moment ainsi, les mains serrées dans le tissu, le regard dans le vide et les larmes roulant sur ses joues alors que des petits sons douloureux s’échappaient de sa gorge.

C’est là que son ange gardien apparut, une des boulangères qu’elle appréciait particulièrement et qui était victime d’importantes insomnies dues à son mode de vie un peu décalé. Trouvant sa petite protégée en larmes, Ursule lui interdit de laver encore la moindre casserole, et lui promettant qu’elle le ferait étant donné qu’elle était levée de toute manière. Louise resta un moment encore près de la boulangère qui s’était mise au travail, discutant avec elle en attendant que la douleur de ses mains se calme. Quand on a les mains dans l’eau pendant deux heures évidement le moindre geste avait suffi pour faire saigner les mains fragilisées par l’humidité. Et dans sa fatigue, elle ne s’en était simplement pas aperçue. Maintenant par contre, elle le sentait, et pas qu’un peu !

Trois heures sonnèrent quand la jolie blonde décida de se mettre en route vers sa chambre. Elle embrassa Ursule et la remercia une millième fois de s’occuper de sa corvée. La boulangère l’embrassa en retour, la rassurant une énième fois sur le fait qu’elle était réveillée de toute façon et que c’était parfait parce que cela l’occupait ! Vérifiant que ses mains étaient dans un état plus ou moins convenable, elle laissa la serviette sale et sortit de la cuisine pour se diriger vers sa chambre – et comme Saint-Germain était très bien aménagé, elle devait presque traverser tous les appartements pour arriver chez elle. Mais à cette heure où tout devait normalement être dans le plus grand silence ensommeillé, elle entendit autre chose que son petit pas léger. Non seulement, elle entendait d’autres pas, plus lourds, plus maladroits… mais elle entendait aussi une voix, qui plus est, une voix qu’elle connaissait ! Que pouvait bien faire le compositeur italien à cette heure-ci à se promener avec un tel vacarme dans le château ? Suivant le son des jurons italiens qui la faisaient déjà sourire, elle se tenta de se rapprocher de lui quand elle trébucha sur un objet qu’elle n’avait pas vu dans l’obscurité. Elle s’étala dans un petit cri et grimaça en sentant que son genou avait mal vécu la chute. Même si elle ne voyait que peu, il lui suffit de poser sa main sur la plaie pour en sentir la gravité. Cette vieille robe rêche qu’elle portait depuis qu’elle était arrivée à Saint-Germain, faisait des plaies de plus en plus méchantes et facilitait les infections. Elle était parfois heureuse de ne pas avoir d’amants ou d’époux pour la trouver belle sans sa robe car lorsqu’elle se regardait, elle ne voyait que bleues, plaies et ecchymoses en tous genres. Perdu dans ses pensées, elle en oublia presque l’objet cause de sa chute. Elle le récupéra et constata que c’était un étui à violon, contenant visiblement encore son violon. Lully était vraiment une tête de linotte ! Elle prit l’instrument et accéléra le pas, un peu boitillant, car il était maintenant primordial qu’elle le rattrape et le retrouve pour lui rendre son outil. Enfin, elle le vit, il passait par un couloir où de grandes vitres laissaient passer la lumière de la lune. Son regard s’attendrit, s’attrista presque, en le voyant dans un tel état.


- Seigneur Lully !

Elle trottina jusqu’à lui et l’attrapa par le bras, sentant qu’une nouvelle chute n’allait pas tarder. Elle se permettait cette familiarité à cause de la façon dont il l’avait traitée la dernière fois. Cette façon de l’accoster l’avait à la fois offusquée et amusée car il ne la considérait pas comme acquise mais plutôt comme désirable et puis, il n’avait pas été plus insistant que cela alors pourquoi ne pas rester en bons termes ? Glissant un bras dans son dos, elle l’invita à passer le sien autour de ses épaules pour s’appuyer sur elle.

- Eh bien… vous êtes dans un bel état… dit-elle en lui souriant, ce n’est pourtant pas soir de fête au château ! Où est-ce que vous avez encore été passé votre soirée… enfin non ! Laissez, je ne veux pas savoir.

C’était sa fatigue, et rien de plus qui lui permettait cette façon si libre de parler avec quelqu’un qui lui était hiérarchiquement supérieur. Pour certains c’est l’alcool qui fait tomber les frontières de la hiérarchie, pour d’autres – comme pour Louise – c’était l’épuisement à l’état pur qui faisait ce travail là.

- J’ai votre violon au fait, vous l’avez perdu dans vos déambulations je crois.

Elle lui montra l’instrument en souriant mais se demandait si il comprenait vraiment ce qu’elle était en train de lui dire. Regardant derrière eux, elle sembla comprendre soudain que le compositeur venait en fait de l'extérieur.

- Mais vous venez d’où comme ça en fait ? Vous venez du dehors ? demanda-t-elle,  sa voix passant à l’inquiétude cette fois. Vous êtes fou ! Il fait glacial dehors durant la nuit.

Prenant sa main qui était par-dessus son épaule, elle glissa son autre main sur sa joue d’un geste fébrile et inquiet.

- Vous êtes glacé Seigneur ! Ce n’est absolument pas prudent de vous promener ainsi par ce froid en pleine nuit et dans un tel état d’ébriété. Si vous étiez tombé dans une fontaine ou même si il avait plu ! Vous pourriez tomber gravement malade ! Vous comprenez ce que je vous dis ?

Louise n’avait pas tellement de ce qu’on pouvait appeler des amis et visiblement, elle tenait à ceux qu’elle considérait en tant que tel.

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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyVen 1 Nov - 18:30

Il lui semblait avoir entendu quelque chose... comme un bruit sourd et un petit cri... Dans son ivresse de libertin, il en déduisit qu'une servante devait être en train de se faire culbuter par un valet dans un coin obscur (ou même en plein couloir, d'ailleurs, vu que tout était obscur) et haussa les épaules. Par où devait-il aller, déjà ?... Ah ! de la lumière. Une galerie, avec de hautes fenêtres. Le lieu lui disait quelque chose : il s'y engagea. Un petit courant d'air lui chatouilla le visage sous ce qu'il restait de sa couche de fard : le beau Lully devait être aussi brun qu'un diable, à l'heure actuelle. Heureusement, l'alcool l'empêchait de ressentir le froid aussi crûment qu'il l'aurait fallu. Et il aimait le grand air : il inspira à pleins poumons la brise, éclata d'un rire alcoolisé et chantonna quelques mesures d'une canarie, la bouche en coeur. Ce qu'on pouvait s'amuser, quand même ! La mésaventure de la chute lui était tout à fait sortie de la tête et, comme il jouait du violon aérien, il ne pensait plus à ce qu'avait pu devenir son instrument. Quelques verres en trop vous ôtent tous vos soucis, quoi qu'en disent les bien-pensants !

Soudain, il entendit son nom, prononcé par une voix féminine. Qu'est-ce qu'une femme pouvait bien f...aire debout, à cette heure ? À l'accent, il remarqua qu'elle n'était pas de la haute. L'inflexion lui disait quelque chose, aussi... Ah ! ça y était, il la remettait : c'était la voix de la Julien, la soubrette qu'il avait voulu lutiner un jour et qui... Ouais, drôle de souvenir. En général, elles n'étaient pas si prudes, elles ne refusaient pas trop les avances d'un homme en faveur, surtout lorsqu'il était Italien et aussi admirablement constitué que lui-même... Non, il ne se flattait pas du tout, quelle idée ! Bref, la Louise l'avait planté là comme un imbécile, et il avait été assez gris pour en rigoler. C'est-à-dire qu'il avait été encore plus gris qu'à l'heure actuelle. Ce qui n'était pas peu dire. Donc, la Julien traînait ici à cette heure indue et elle l'appelait. Elle serait donc revenue sur son rejet ? Auquel cas, tant mieux, hein, il n'était pas homme à s'offusquer de pareilles choses...  

Pendant qu'il songeait à de si peu recommandables choses, la Julien l'avait rattrapé et attrapé. Il tâcha de la regarder dans le noir, mais ne parvenait, en dépit de tous ses efforts (ses yeux brillants sous des sourcils broussailleux devaient ressembler à des fentes, tant il les plissait pour contrer sa myopie), qu'à distinguer une silhouette, un fantôme en robe claire. Il savait pourtant à quoi elle ressemblait ! Elle lui tenait le bras, fermement, et lui riait sans obéir à l'ordre tacite : il y avait tellement mieux à tâter sur cemme femme que la taille, aussi mince et délicate soit-elle dessinée ! Il ne s'avisa pourtant pas tout de suite de vérifier si les souvenirs qu'il avait d'une admirable paire de seins étaient exacts. Chaque chose dans son temps, et de toute manière, la lumière était décidément défectueuse ici. Elle dissertait, il ne suivait qu'à moitié, songeant davantage au plaisir de la chair qu'à la répétition du lendemain... euh, non, du jour même. Lorsqu'elle lui tendit enfin l'objet qu'elle avait en main et qui s'avérait être son violon, il attrapa l'instrument d'un geste étonamment sûr, le jeta en bandoulière et prit la Louise à la taille, la souleva et esquissa trois figures de danse sans qu'elle pût mettre pied à terre. Pour un homme ivre, il avait encore de l'assurance - à se demander comment il avait réussi à s'étaler sur un sol marbré, aussi glissant puisse-t-il être. Puis, il la reposa au sol, galamment.

Il n'eut même pas l'occasion de lui dire sa joie, ne put que sourire : elle continuait à parler, et son dictionnaire mental avait peine à effectuer la traduction automatique à certains moments. Sans qu'il ait très bien compris pourquoi (il devait en être à "prudent"), elle lui avait touché la joue, une expression d'effroi plaquée sur le visage.

Il avait sacrément envie de profiter de l'occasion pour s'assurer de l'exactitude de ses souvenirs.

Il finit par le faire : sa fine main de violoniste se posa non autour de l'épaule maigrichonne de la servante (il avait la certitude de la briser en essayant), mais sur sa gorge... au sens ancien du terme. Sous ses doigts, le coeur de la belle battait la chamade, mais il comprit vite que ce n'était pas pour les raisons habituelles dans cette situation. Dommage. La traduction automatique ayant été faite, il parla enfin.

« Si, jé ca... comprende cé qué tou dice, ma tout va bene... Il est tardo, non ? »

Décidément, son français avait déjà été meilleur. Heureusement, il n'était pas encore assez ivre pour hoqueter !

« Grazie per lé violone, tou mé sauves la vita, eh ! Dans quelques ore sera la repetizione dou ballette, et senza la mousique... Lé roi n'aurait pas été contente ! »

À son tour de se demander si quelque chose dans sa phrase avait éventuellement une signification. Entre son accent et ses mots italiens, la pauvre femme ne devait pas comprendre grand chose.

« Ma parlo... Hm... ! Tou dovrais dormire, la bella, non ? Ed anch'io... Où est-cé, ancora ? »

Il avait même posé la question sans s'en rendre compte. Décidément, il devait avoir l'air extrêmement sérieux.

D'autant plus qu'il avait continué à marcher sans même attendre la réponse.

Il fallait croire que le ridicule n'avait jamais tué personne.
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyVen 1 Nov - 20:28

Louise ne savait plus où elle en était. Elle venait de lui rendre son violon et était à peine en train de se démener pour essayer de le soutenir dans sa marche que l’italien sembla perdre toute difficulté à trouver son équilibre et l’emporta dans quelques pas de danse où la jeune femme toute légère qu’elle était, ne toucha plus sol pendant un instant qui lui sembla beaucoup trop long ! Accrochée fébrilement de ses mains à ses poignets glacés qui étaient posés sur sa taille, elle tremblait en balbutiant :

« Je vous en prie Signore… Reposez-moi ! Ceci n’est pas du tout décent ! Et puis… C’est trop haut et vous n’êtes pas en état et… »

Et elle ne savait décidément plus quoi dire mais heureusement, il se décida à la reposer. Son cœur battait à tout rompre et elle remit en place sa robe qui libérait presque son sein et qui était remontée bien au-dessus de ses chevilles.

« Vous êtes incorrigible Seigneur Lully… »

Alors qu’elle vérifiait sa température, sa main s’attarda un peu sur sa joue glacée, comme si elle espérait sentir la peau se réchauffer sous sa caresse et le froid quitter le corps insensibilisé par l’alcool du compositeur. La lumière de la lune qui s’échappa de derrière un sombre nuage éclaira soudain les deux visages. Louise avait un teint diaphane à cette lumière et sa main était d’une blancheur éclatante sur la peau bronzée de la joue de l’italien. La fatigue troublait ses idées et le silence du lieu la troubla encore davantage. Elle se tut. Mais alors qu’elle se perdait dans ses pensées et dans les yeux noirs de l’italien qui ne semblait pas plus la voir que si elle avait derrière un mur de brique : Lully eut vite fait de la ramener sur terre !

Avait-on précisé que ses mains étaient glacées ? Ce n’est en effet pas le contact en soi de leurs chairs qui troubla la jolie blonde dans ce geste déplacé mais plutôt le froid glacial qui entra en contact avec une partie tout de même très sensible de son corps. Il lui en arracha même un petit cri de surprise ! Elle baissa les yeux vers sa main posée sur son sein puis les releva vers son visage, la bouche ouverte et le souffle coupé – par le froid ou par le geste ?


« Mais enfin ! » réussit-elle enfin à balbutier en posant une main sur celle que Lully avait si mal – ou si bien dépendant du point de vue – placée. « Vous êtes absolument indécent ! Eh oui, il est tard ! Beaucoup trop tard pour ce genre de bêtises ! Et puis en plus… vos mains sont glacées ! »

Retirant sa main de son cœur qui n’arrêtait pas de battre à tout rompre, elle le laissa un peu se redresser.

« Ne vous en faites pas pour le violon, c’est tout naturel voyons. Il m’a causé une bien mauvaise chute tout à l’heure mais si au moins, cette chute a pu vous être profitable… En effet, le Roi aurait été très mécontent. »

La jeune femme réajusta son corsage car à force de parcourir son corps de ses mains baladeuses, l’italien avait assez talentueusement défait sa toilette. Ses cheveux blonds presque translucides dans cette lumière étaient défait, laissant des mèches qu’on aurait pu croire blanches retomber sur les côtés de son visage.

« Je devrais dormir, oui, mais on m’a mise de corvée de vaisselle et comme les deux servantes qui devaient m’aider sont de petite vertu et avait d’autres missions pour ce soir, j’ai dû m’en occuper seule. » lui dit-elle tout en essayant de se remettre dans un état à peu près convenable.

Mais elle ne tarda pas à voir en relevant la tête que le jeune homme avait déjà cessé d’écouter son histoire et avança d’un pas rapide quoique toujours incertain vers le bout du couloir. Louise trottina à nouveau pour le suivre car la lune s’était à nouveau cachée derrière un nuage noire et elle allait le perdre à ce rythme-là.  Comment la nuit pouvait-elle être si noire ? Si l’italien ne voyait rien à cause de sa myopie et de son abus d’alcool, il fallait dire que Louise ne voyait pas beaucoup plus. Heureusement qu’un peu plus loin des bougies étaient allumées et d’un pas maladroit – l’un à cause de l’alcool, l’autre à cause de la chute d’un peu plus tôt – la servante lui prit le bras et amena son protégé de la nuit vers elles pour qu’il n’ait plus à plisser les yeux comme une vieille taupe.


« Allons, laissez-moi vous regarder un instant à la lumière de la bougie… » dit-elle d’un ton à présent maternel car elle l’avait bien entendu tomber plus tôt. Elle prit son visage entre ses mains et releva les cheveux qui l’empêchaient de bien voir. « Bon… Vous n’avez pas l’air blessé… Nous sommes encore assez loin de vos appartements vous savez, je crois que vous êtes trompé d’aile. »

Louise était elle-même épuisée et elle ne se voyait ni ramener l’italien jusqu’à ses appartements, ni encore moins le laisser partir tout seul à l’aventure. C’est là qu’elle reconnut le couloir éclairé aux bougies dans lequel ils se trouvaient : ils étaient à deux pas de sa petite chambre. Inspirant profondément, elle releva le regard vers l’italien.

« Ecoutez-moi bien Seigneur Lully… Nous sommes juste à côté de ma chambre. La servante avec qui je la partage est partie avec sa maîtresse en voyage. Si vous n’êtes pas trop à cheval sur le confort, vous pouvez dormir dans son lit. Si vous me promettez de vous comporter correctement, je crois qu’il serait préférable que vous ne vous aventuriez pas plus loin et que vous dormiez au moins un peu… Histoire que vous ne réveilliez pas tout le monde avec vos chants alcoolisés... »

L'avait-elle à peine dit qu'elle regrettait déjà cette proposition. Qu'allait penser les gens si ils voyaient au petit matin l'italien sortir de sa chambre ? Et puis surtout son voisin de palier qui malgré son mariage plaisait tellement à la jeune blonde ! On voyait bien que c'était la fatigue qui lui faisait dire des bêtises et proposer des stupidités.

« Enfin ! Si vous ne préférez pas... Je peux vous ramener à votre chambre aussi ! » tenta-t-elle de se rattraper.
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptySam 2 Nov - 1:10

« Tardo ? Ma, Luigina, cé genre dé cose sé fait la notte, enfin... »

Hélas non, elle n'avait pas changé d'avis ! Elle protestait toujours lorsqu'il la touchait, cette fois-ci sous prétexte que sa main était froide... Il riait, lui, il se sentait brûler, et certainement pas de fièvre, ni même d'alcool : d'ardeur, juste. Mais il fallait bien reconnaître que Lully était une véritable boule d'énergie, du genre à ne pas se laisser abattre par une nuit blanche. Tandis qu'elle... Elle paraissait nettement moins en forme. Sans parler de la chute qu'elle lui annonçait, comme ça, mine de rien... à cause de son violon. Au fond de lui, Lully se demandait quand même à quel moment il avait été assez idiot pour lâcher ainsi son précieux sésame au milieu d'un couloir. Après tout, c'était grâce à son archet qu'il était sorti de la valetaille de Mademoiselle pour monter en grade !

Parlant de valetaille... Il se souvenait bien, lui aussi, de ses mésaventures de domestique - d'ailleurs, il était toujours domestique - lorsqu'il servait chez Anne-Marie-Louise d'Orléans. De toutes ses bêtises plus improbables les unes que les autres, des mauvais tours joués à ses camarades, de ses nuits passées illégalement dans les nuits d'autres domestiques (femmes ou hommes, indifféremment)... Quel bon temps ç'avait été ! Malheureusement, sa compagne du moment ne semblait pas goûter avec le même plaisir les journées de service... Elle lui racontait rapidement sa corvée de vaisselle, pendant qu'il errait encore un peu... et qu'elle le rattrapait en courant.

Il avait avancé vers la lumière, comme un moustique, un papillon de nuit ou un imbécile normalement constitué. Elle l'avait rejoint et, pragmatique, attrapé une bougie pour... l'examiner ?! Avait-il vraiment l'air d'un type capable de se blesser aussi futilement ? Il la laissait faire, pourtant, et riait sous l'examen qu'on lui infligeait, avant de retrouver son sérieux tout d'un coup : lui était sans doute on ne peut plus intact, mais elle... avait les yeux tirés et cernés, les mains tachées de sang et mangées par le savon... Il lui prit la bougie.

« Per me, ça va bene, ma tu... » marmonna-t-il en plantant ses yeux brillants dans le regard éteint de la servante, comme pour leur communiquer un peu de flamme. Comble du comble, quand c'était elle qui se plaignait de ses mains froides...

Il en était là de ses réflexions quand elle lui annonça qu'il s'était trompé d'aile - pas impossible, mais il n'en était pas si sûr que ça... pas du tout... il lui semblait qu'il fallait passer par un endroit comme ça pour rejoindre ses appartements... bref ! - et qu'elle...

Lui ouvrait sa chambre ???!!!

Avait-il donc vécu assez longtemps pour entendre ça ?!?

Dans d'autres circonstances, il aurait sauté sur l'occasion, mais nous n'étions pas dans ces circonstances. De un, il avait bu ; de deux, il était tard ; de trois, elle était épuisée et usée jusqu'à la corde, la petite servante, pourtant tellement plus jeune que lui... Et d'ailleurs, elle se rattrapait en lui offrant juste le lit d'une autre. Passer une nuit dans la frustration, trois ou quatre heures de repos si près et si loin de cette charmante personne, réduit à l'impuissance (parfaitement !) la plus totale, sans pouvoir ne fût-ce qu'esquisser un petit air de musique, lui dont l'esprit bouillonnait sans cesse, alimenté aux feux du vin et du plaisir ?

Non mais, elle l'avait bien vu ?

Parce qu'au fond, coucher dans le lit d'une autre, peu lui importait. Coucher dans le lit d'une servante, aussi misérable soit-il, il avait déjà vécu pire, lorsque Mademoiselle avait débarqué dans son vieux château abandonné et que les domestiques avaient couché sur le sol de pierre, sans plus de cérémonie, lorsqu'il était rentré à Paris avec quelques piécettes en poche et des lieues à parcourir sur un mauvais cheval, en s'arrêtant aux pires auberges ou en dormant à la belle étoile. Partager sa chambre avec une femme, ma foi, il le faisait tous les soirs ou presque, quand ce n'était pas avec un homme... Sans parler des chambres des courtisans, aussi exiguës que possible et considérées comme un véritable honneur ! Ces seigneurs qui auraient pu, en vivant ailleurs qu'à la cour, loger dans de confortables hôtels particuliers, allaient s'enfermer dans ce poulailler et se targuer de disposer d'une mansarde... Jusqu'où pouvait aller l'imbécillité, on se le demande. Bref ! Lully, donc, ne craignait ni la chambre, ni l'inconfort, ni la compagnie. Ce qu'il redoutait, c'étaient la frustration, d'une part, et l'absence de musique, d'autre part. En d'autres termes : c'était un non.

Heureusement, elle tentait de rattraper le coup en lui proposant de le ramener chez lui... Outre que c'était un peu plus convenable à tous les points de vue - mais y songeait-il seulement, lui qui considérait qu'au fond, excepté les grands nobles, tout le monde se valait bien, en quelque sorte ? -, cette solution lui permettait de disposer d'un clavecin. C'était une vexation en moins, quand bien même demeurait la frustration... Oh ! tant pis.

« Sì, andiamo, » répondit-il avec un rire étouffé. Il avait conscience de tirer un peu sur la corde déjà bien usée de la demoiselle, mais il fallait bien tirer sur les cordes pour accorder les violons ! Au reste, il était de moins en moins ivre - sa faculté à décuver tenait vraisemblablement du prodige - et de plus en plus sûr qu'il ne se trompait pas de chemin. S'était-il seulement déjà trompé de sentier, dans ce Paris médiévalement labyrinthique, lorsqu'il était question de rentrer chez lui ? Non. Alors, le jour où il se perdrait dans un château... Ce fut à son tour de prendre la jeune femme à la taille et de la guider dans ce couloir. Son pas titubait encore un peu, mais son esprit semblait s'être focalisé sur quelque chose d'un peu plus précis que le brouillard alcoolique. On monta un étage. Un deuxième. Le compositeur semblait décidément savoir par où il allait. Certes, ses appartements n'étaient pas tout à fait à côté de la porte (notez que cette expression est absurde : un lieu n'est jamais à côté de la porte, mais derrière), mais ils n'étaient pas siiiii loin non plus... si ?

Lully s'arrêta devant une porte un peu écartée, tira la clé des poches de sa livrée et se lança dans une nouvelle aventure : mettre la clé dans la serrure. Au sens métaphorique, cette expression lui aurait fait on ne peut plus plaisir et il aurait assuré avec brio la tâche qui lui incombait, mais au sens propre, c'était une autre affaire... Il grimaça, fit plusieurs tentatives vaines, puis parvint miraculeusement à atteindre son but et à tourner la clef. Bienvenue à la maison.

« Entre, Luigina », fit-il en s'écartant pour la laisser passer. Après quoi il entra lui-même, referma derrière lui et posa le plus tranquillement du monde son violon sur un siège. Puis, sans se préoccuper trop de la visiteuse, il se précipita sur son clavecin, attrapa un crayon au vol et noircit quelques portées.

« Merci dé m'avoir raméné ici... » dit-il après quelques instants de griffonage et une fraction de seconde à se demander s'il arriverait à se relire ou s'il devrait reboire pour arriver à déchiffrer sa propre écriture. « Tou veux ascoltare la canarie ? » Puis, anticipant la protestation : « Personne n'entendra, jé t'assoure. » Il fallait avouer aussi que le roi l'avait installé là en connaissant parfaitement ses habitudes...

Tant et si bien qu'il ne songeait pas trop au repos de la pauvre fille. Après tout, deux minutes de musique de Lully valaient bien un peu de sommeil... non ?
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptySam 2 Nov - 2:20

Personne ne s’inquiète de la santé d’une servante. Jamais. Une servante, c’est remplaçable. Cela n’a aucune valeur. Au mieux, on fait semblant de s’en inquiéter. C’est ce que faisait la Montespan quand elle demandait si gentiment si Louise allait bien. Et c’était ce que venait de faire le seigneur Lully sans même vraiment sans rendre compte car son « ma tu… » venait d’une bonne intention évidemment. C’était un début d’inquiétude et c’est donc un regard plein de tendresse que la jeune femme releva vers lui, mais également un regard éteint car elle savait bien qu’au fond, il n’en avait rien à faire de l’état dans lequel elle était. Sinon, il aurait su quel choix faire et il aurait compris que son corps le suppliait de choisir l’option « chambre de bonne ». Oui, elle avait le regard éteint mais seulement parce qu’elle sentait cette fausse inquiétude. Elle laissa ses yeux se noyer dans les grands yeux sombres et brûlants du compositeur, n’ayant qu’une envie et c’était de reposer sa tête sur le torse de l’italien et fermer les yeux ne serait-ce qu’une seconde…

Mais non ! Car l’italien refusa sec et net l’invitation à rester pour la nuit dans sa chambre et repartit d’un pas bien plus assuré suivant ce qui était sans doute – ou presque – le chemin de sa chambre. Cette fois c’était lui qui la soutenait et Louise regretta presque de ne pas simplement l’avoir laissé rentrer seul comme un grand. De plus il marchait terriblement vite et elle sentait sa jambe la lancer, le tissu frottant sur la plaie au rythme du pas de course de l’italien. Elle ne savait plus si elle allait s’écrouler ou éclater en sanglots comme elle l’avait fait un peu plus tôt. Pour le moment, elle se contenta donc de regarder le sol et les marches défiler sous ses pieds en essayant de ne plus s’étaler de tout son long.

Finalement, ils arrivèrent devant une porte devant laquelle Lully s’arrêta et entreprit de sortir ses clés et d’en insérer une dans la serrure. Elle le vit en effet échouer à quelques reprises et malgré la tête qui lui tournait, ce ne fut pas un miracle qui l’aida, mais bien la main de la jeune femme qui assura celle du compositeur alors que la clé se glissa enfin dans la serrure. A l’ordre du compositeur, elle entra dans la pièce, retenant un gémissement à la vue du lit… objet sacré et tant désiré qu’elle n’avait plus vu depuis bientôt vingt-quatre heures. Elle sentit ensuite le soutien de son bras lui être enlevé pour qu’il puisse aller s’installer à son pupitre et griffonner.


« Je… Je vous en prie » répondit-elle d’une voix peu assurée aux remerciements de l’italien.

Sans son bras comme repère, la jeune femme sentit comme un coup de massue tout le poids de sa fatigue. La nuit se fit pour de bon devant ses yeux et elle sentit son équilibre devenir terriblement précaire. Elle ne savait plus si l’appeler à l’aide, ou simplement se laisser glisser. Elle écarquillait les yeux pourtant, faisant de son mieux pour retrouver un semblant de repère d’équilibre mais rien. Pour faire semblant de rien, elle répondit même à sa demande :


« Oui, je vous… écouterais… avec plaisir… » laissa-t-elle échapper dans un soupire qui d’une oreille distraite aurait pu sembler langoureux mais qui n’était à, voir la pâleur de celle qui venait de le pousser, qu’un tout petit appel au secours, le seul que la jeune femme se permettait.

Elle avança les mains à tâtons et dans ce qu’elle sentit être sa chute, s’appuya contre le mur puis une chaise sur laquelle elle ne réussit pas à s’assoir, finissant sa course tout en douceur et tremblements à genoux sur le sol, comme si ces mêmes genoux n’avaient pas encore assez souffert de leur journée. Bon, ce ne fut pas la grosse chute qu’elle craignait mais maintenant qu’elle était au sol, elle n’avait pas la moindre idée comment s’en relever. Tout son corps était secoué de tremblements et tenaillé de douleurs. Elle aurait voulu se retenir, garder un semblant de dignité et même ce charme qu’elle avait visiblement aux yeux de l’italien mais elle en fut bien incapable. Elle cacha son visage larmoyant dans ses mains qui tremblaient comme des feuilles mortes sous un vent d’hiver et y éclata en sanglots. Le froid, la faim, la fatigue, la douleur avaient eu raison d’elle…


« J-Je… suis… t-tellement… d-désolée… » hoqueta-t-elle, « Je… ne v-voulais pas… m’effondrer… comme ça… ch-chez vous… P-Pardon… »

Elle aurait voulu partir, s’enfuir, disparaître de sa vue – et sans doute qu’il ne l’aurait même pas remarqué, si absorbé qu’il était par sa musique – mais elle en était évidemment bien incapable. A force de garder la tête baissée, sa vue se rétablit enfin, avec lenteur.
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyDim 3 Nov - 14:48

Lorsque la servante s'effondra par terre, le Surintendant prit nettement conscience de leurs différences de statut ; plus encore, des différences de traitement entre les êtres suivant des critères tout à fait subjectifs. Comprenez : devant à peu près tout autre maître, voire un domestique de statut supérieur, la Julien se serait sans doute pris une réprimande (plus ou moins sévère), voire quelques coups, dépendant du maître en question. Si c'était son valet ou la femme de chambre de sa femme qui s'était évanouie devant lui, Lully n'aurait même pas hésité. Il se savait impulsif, il se sentait capable, surtout après boire, surtout dans des situations stressantes, de donner des étrivières à un domestique. Il l'avait déjà fait. D'ailleurs, n'avait-il pas réveillé, quelques heures auparavant, son cocher pour qu'il le ramène à Saint-Germain ? Mais il avait aussi épargné plusieurs fois son page - surtout parce qu'il avait un joli séant, certes - de coups largement mérités ? D'ailleurs, lui-même avait été domestique, pour ne pas dire qu'il l'était toujours : il avait un statut tout à fait enviable (et envié), mais il portait encore la livrée rouge de chef de la Grande Bande, celle des Surintendants de la musique du Roy... un poste qu'il partageait avec un personnage parfaitement fadasse, un Boësset (un de plus !) plus fier de ses ancêtres que de ses compositions. Autant dire qu'il comptait pour des prunes. Pourtant, il ne courait aucun risque physique... pas même celui de s'évanouir d'épuisement. Tout était une question de statut, même pas d'origine : il était bien fils de meunier, non ? Même s'il ne le reconnaissait pas volontiers...

Tout cela pour dire que si son sentiment de justice (et il était capable d'en ressentir un, aussi étrange cela puisse-t-il paraître) lui inspirait une réprimande, il ne s'en sentait affectivement pas capable. Déjà, parce qu'elle était jolie. Ensuite, parce qu'elle aurait très bien pu ne pas lui ramener son violon, ne pas l'interpeller dans les couloirs... Enfin, parce qu'elle avait assez fière pour refuser ses avances, sans modifier autrement ses attitudes. Elle n'avait pas été assez hypocrite soit pour céder par intérêt, soit pour déblatérer dans son dos, soit pour le traiter avec des égards fielleux, soit pour le mépriser, l'Italien parvenu, alors qu'il aurait été si simple de trouver une volée de courtisans partageant ces sentiments... Hm, il s'égarait un peu, là. Et pendant ce temps d'égarement, la Louise avait eu le temps de fondre en larmes. Raison de plus de l'épargner : ne se souvenait-il pas de deux préceptes de sa mère ? De un, ne pas frapper un homme à terre ; de deux, ne pas frapper les filles. Corollaire : ne pas frapper une fille à terre.

« Va bene... », grogna-t-il d'un air bourru, plus pour la forme qu'autre chose. « Qui sérait assez... » Assez quoi ? Le mot lui échappait en français, d'autant plus qu'il était horrible à prononcer... « Non mi ricordo più...  È una parola strana...1 » se dit-il à lui-même, sachant bien que la domestique ne devait pas parler un traître mot d'italien. Puis, revenant à son idée principale : « Dunque, jé né crois pas che è volontare... » En fait non, c'était pire. Fichue barrière linguistique. Et fichue ivresse qui lui ôtait une bonne partie de son lexique mental. Il espérait du moins que le peu qu'il était parvenu à articuler avait pu contribuer à calmer la malheureuse.

La pensée qu'on puisse s'effondrer de fatigue n'avait en tout cas pas effleuré son esprit. Certes, en Italie, au moulin de son père, le travail était parfois dur : une longue caravane d'ânes chargés de sacs de grain arrivaient d'un côté du moulin des Ognissanti, il fallait les décharger, porter le grain au moulin, le moudre, mettre la farine dans d'autres sacs et en charger les ânes. Mais jamais Lorenzo Lulli n'avait eu à épuiser littéralement ses apprentis ni ses domestiques. Au service de Mademoiselle, le travail avait parfois été dur, à en croire certains des marmitons, mais personne ne s'effondrait encore comme ça par fatigue... ou du moins, pas à sa connaissance. Et lui-même n'épuisait pas les violons : quand la tension montait un peu trop dans l'orchestre, il faisait servir du pain, du vin et de la viande, et ça suffisait à calmer les esprits pendant un moment ; quand ils n'étaient plus capables d'aligner trois notes justes, il levait la séance pour ne pas saigner des oreilles. En somme, Lully avait bien remarqué que la Luigina, comme il l'appelait, n'en pouvait plus, mais de là à faire le lien... Peut-être y serait-il parvenu sobre ; ivre, il n'y parvint pas.

Il s'était levé et s'était approché de la domestique, perplexe sur l'attitude à tenir en de telles circonstances. Si la dame avait été d'un statut supérieur, une bourgeoise, voire une aristocrate, il lui aurait galamment tendu la main. Mais il n'était pas convenable qu'il agisse de même avec une servante, si ? Bah ! après tout, il l'avait bien empoignée et entraînée dans une danse improvisée quelques instants plus tôt... D'ailleurs, depuis quand se préoccupait-il des convenances ? Qui s'en soucierait ? Il avait maintes fois considéré instinctivement cette femme comme une égale, quelle étrange raison le pousserait à y couper en la circonstance ? Estimant qu'il avait assez tergiversé pour le restant de la nuit- en général, ce n'était pas le moment de la journée où il réfléchissait le plus -, le compositeur releva la domestique et l'assit presque de force (quoique sans brutalité) sur le lit.

« Bene, mainténante qué les convenziones sont... » Décidément, il avait du mal avec les mots longs en français. « dévitinemente... défitinemente... Ah! basta così!... brisées... Qué s'est-il passato ?»

Dire qu'il n'avait à peu près rien compris à la situation serait un doux euphémisme...

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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyDim 3 Nov - 19:12

La jeune femme ne savait plus du tout où se mettre mais visiblement, Lully décida pour elle, la relevant d’un geste ferme. Elle aurait voulu disparaître six pieds sous terre plutôt que d’avoir à répondre à la question de ce qu’il s’était passé. Et puis surtout, comment répondre ? N’était-ce pas évident qu’elle venait simplement d’arriver au bout de ses forces ? Pourtant il avait l’air sincère… Il avait l’air de ne vraiment pas comprendre ce qui lui était arrivé. La première chose qu’elle fit fut de s’accrocher au dossier de la chaise qui était à présent à portée de main, elle lui servirait d’appui et de canne. Car vu l’état dans lequel elle était, elle reposait entièrement sur les deux mains du compositeur qui l’avaient relevée. A peine s’appuya-t-elle contre la chaise que son bras se mit à trembler sous le poids. Louise ne put que se focaliser sur son désir de fuir ces lieux et cet homme qu’elle n’aurait jamais dû accompagner jusqu’ici. Mais avec toutes ces pensées qui voletaient à toute vitesse et filaient aussi vite que les larmes sur ses joues, elle n’avait toujours pas répondu. Elle inspira profondément pour ne plus ni bégayer ni chevroter.

« Rien Seigneur Lully, il ne s’est rien passé… Ce fut une très longue journée et je suis au bout de mes forces… Veuillez excusez ma faiblesse… » finit-elle par répondre d’un ton qui avait perdu toute douceur et toute tendresse.

Lully avait parlé de convenances alors Louise les reprenait. Bien loin était l’instant d’un peu plus tôt où elle caressait son visage pour voir s’il n’était pas blessé et où il la soulevait comme si elle était une plume pour la remercier d’avoir retrouvé son violon. Tout cela semblait déjà des années plus tôt. La dureté qu’il avait eue dans sa façon de la relever et son ton ferme, bourru, énervé presque avaient suffi à rendre bien sagement son rôle de servante à la jolie blonde. Elle gardait en effet bien humblement les yeux baissés alors que le compositeur l’assit sur son lit, comble d’inconvenance.


« Sauf l’éventualité que vous auriez besoin de mes services ou que vous souhaitiez ma présence ici, je ne vous dérangerai pas plus longtemps Seigneur Lully. »

Essuyant d’un geste sec et vexé les larmes humiliantes qui roulaient sur ses joues. Elle refusait strictement de faire encore preuve de la moindre faiblesse devant le compositeur du roi. Elle se proposait de quitter les lieux mais était-elle seulement capable de se lever. Ainsi assise, la circulation reprenant dans son genou, la douleur la fit blêmir et elle mit par réflexe – et par erreur – sa main sur son genou comme si cela allait rendre les choses moins douloureuses. Elle comprit à ce geste que les filaments de sa vieille robe étaient en train de se mêler à la coagulation de son sang. Se penchant en avant, les poings serrés et les yeux fermés, pour essayer de calmer tout cela, elle en arriva à appuyer son front contre le torse de Lully tant elle s’était penchée. Prise d’un sursaut, elle se recula et releva les yeux vers lui, tentant comme elle pouvait de retenir un nouveau flot de larmes.

« Je voudrais être loin d’ici… » avoua-t-elle d’une voix brisée « Je voudrais être dans ma maison, avec mon époux et ma maman et ma petite sœur… Je voudrais être maman et ne pas avoir l’impression de travailler en vain… de me tuer en vain… Et je voudrais pouvoir rire sans avoir l’impression d’enfreindre une loi. »

Parler de son époux, n’avait-elle pas encore appris que c’était bien là la pire des erreurs qu’elle pouvait commettre. Elle étouffa les sanglots dans ses mains sales et abimées. Comme elle semblait loin la vie heureuse avec son amour, et puis comme cette vie avec été courte. Elle se souvenait des matinées où il restaient sous les draps à laisser les oiseaux chanter bien avant leur réveil et les rayons du soleil caresser leurs visages bien avant que l’un d’entre eux ne se décide à sortir le premier orteil du lit. Tout était devenu dérisoire : le marché, l’argent. Ils étaient ensemble et c’était tout ce qui connait, leurs corps serrés l’un contre l’autre et c’était cela le bonheur, rien de plus, rien de moins. Mais au plus haut le sommet que l’on atteint, au plus douloureuse est la chute. Et pour souffrir, Louise avait souffert à la mesure de son bonheur et elle n’avait jamais cessé de souffrir. Seulement que parfois c’était un peu plus supportable que d’autre. Mais jamais elle n’avait ainsi cédé devant quelqu’un d’autre que sa mère ou sa petite sœur. Pauvre Lully, il ne devait pas comprendre grand-chose à ce qu’il voyait.
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyDim 3 Nov - 22:44

Parfois, le compositeur avait l'impression de ne plus rien comprendre à une situation.

Mais vraiment plus rien.

Comme là, par exemple : il lui semblait avoir fait preuve d'égards, non ? Allez trouver des maîtres qui relèvent leurs domestiques quand ils s'effondrent, sans déléguer la charge à un quelconque subalterne ni faire la moue en touchant ces « choses »... Il lui semblait lui avoir parlé gentiment, aussi... Bon, d'accord, il avait été capable de plus d'empathie à l'occasion, mais quand même... Et il l'avait déposée sur son lit ! Alors, quelqu'un pouvait-il se porter volontaire pour lui expliquer pourquoi la Julien se raidissait ainsi et lui répondait sur ce ton ? Pourquoi elle prenait congé ainsi, brusquement, sans presque lui laisser d'alternative ? Enfin, pourquoi elle allait jusqu'à se reposer sur lui, alors qu'elle avait paru si énervée quelques fractions de seconde plus tôt ?

À croire qu'il ne comprenait plus rien aux femmes françaises. Les Italiennes étaient nettement moins complexes.

Bon ! Elle se redressait, elle repartait dans une crise de larmes... Elle lui parlait de sa famille... Euh, attendez, quoi ?! Mais qu'est-ce que ça venait faire là, ça ? Bon sang ! Il lui semblait ne plus rien comprendre au monde qui l'entourait, et l'alcool ne lui paraissait pas seul en cause. Les mots qu'elle prononçait ne pouvaient avoir qu'un sens, à sa connaissance, et c'était le sens propre. Pas de métaphore ni d'autre figure scabreuse au nom improbable que s'amusait à citer Benserade ou ce fat de Boileau. Dunque! S'il n'y avait qu'un seul sens et que c'était celui qu'il avait compris, alors la situation avait vraiment tourné à l'improbable.

« Capisco bene, Luigina1 », répondit-il à l'exclamation de la jeune femme. « La famille est oune chose importante... » Et subitement, le constat : « Prego ?! Che vuole dire...2 Commente, sé touer au travail ? » Dans son esprit, il n'était pas possible de se tuer en faisant les lits et la vaisselle, à moins d'avoir un maître particulièrement forcené et tatillon. Mais la domestique semblait quand même harassée... Soudainement, il lui vint à l'esprit qu'elle parlait peut-être au figuré. Ou pas. En fait, il n'en savait rien. De toute manière, il fallait bien travailler, si on voulait grimper sur l'échelle sociale, non ? Lui, il avait longuement travaillé, pour en arriver là où il était, et il travaillait encore beaucoup, en dépit de ses soirées arrosées...

Décidément, il ne comprenait rien à rien.

Ah ! si, il lui semblait avoir remarqué une chose, maintenant qu'il y songeait. Tout à l'heure, elle se traînait un peu, non ? Et avant de poser la tête sur lui, dans un geste qu'il n'avait pas compris, elle avait crispé la main sur sa jambe... Serait-elle blessée ? Dans ce cas, le plus cocasse aurait sans doute été qu'elle s'inquiète de sa santé, à lui...

« No, jé crois che jé vais avoir bésoin dé toi... » Il planta son regard droit dans le sien, le regard d'un homme qu'on a du mal à contredire. « Ma domani, à la repetizione... Tou dovras servire les violones alla pausa e stare dans la salle si bésoin.»

Dit comme ça, son ordre pouvait sonner comme une sentence de mort. Ce ne l'était pourtant pas : la répétition ne commençait qu'à neuf heures, le temps pour certains baladins et musiciens d'arriver de Paris. En outre, le travail n'était pas très difficile : servir une bande d'affamés qui se ruerait bien toute seule sur les paniers de viande et de pain sans même attendre de dresser la table... Quant aux besoins... si ce n'est aller chercher quelques menus accessoires de temps en temps ou en déplacer d'autres...

« Va bene? », demanda-t-il comme quelqu'un qui vient d'accorder une espèce de faveur déguisée. « En attendante... » Lully avisa la situation qu'il vivait : sous ses yeux, une femme qui ne tiendrait sans doute pas debout jusqu'à sa chambre et qu'il serait idiot de renvoyer dans cet état, sachant qu'elle avait toutes les chances de s'effondrer à peine la porte passée. Devant lui, un lit qui, de toute évidence, ne lui servirait à rien, à sentir l'ébullition qui s'était emparée de son esprit, qui lui dictait des volées de notes à n'en plus finir. Dans un peu moins de cinq heures - peu ou prou - le lever, ou ce qui devait y ressembler. Conclusion logique : inviter ladite femme à dormir dans ledit lit pendant que lui composerait ladite musique. Inconvénient de cette conclusion : les convenances. Il n'était décemment pas décent qu'il laisse une domestique dormir dans son lit...

... Surtout quand il avait voulu coucher avec.

Décidément.

Santa Madonna !

« En attendante... », reprit-il en rattrapant au mieux le fil de son idée, « non credo che tou rentréras bene dans tua camera3, si ? Tou né tiens pas débout... »

Oh ! tant pis pour les convenances !

« Allora, dors. Moi, jé continoue avec la mousique, non sto per dormire stanotte.4 »

Oui, c'était une demande scabreuse, et oui, il était parfaitement au courant du fait ; non, ce n'était pas une conséquence plus ou moins désastreuse de l'ivresse. Qu'elle en profite ! Il n'était sans doute pas proche, le moment où Lully proposerait à nouveau son lit à une domestique sans arrière-pensée.

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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyMar 5 Nov - 2:52

Louise, qui était convaincue qu’elle allait recevoir la correction qu’elle méritait sans doute étant données toutes les convenances qu’elle venait d’enfreindre, fut étonnée de ne pas recevoir le premier coup. Elle sortit son visage d’entre ses mains pour écouter les mots… calmes et se voulant visiblement rassurants de l’italien. Capisco ? Cela voulait dire comprendre non ? Il comprenait ? Vraiment ? Elle leva ses grands yeux bleus vers le compositeur comme si il était soudain devenu le sauveur, le Christ en personne.  Bipolaire, elle ? Quelle idée. Sa gentillesse lui valut bien qu’elle lui explique ce qu’elle voulait dire pas « se tuer au travail ». Ses larmes s’étaient calmées et elle put donc parler plus lentement en articulant d’avantage pour qu’il ait plus d’aisance à comprendre ce qu’elle disait. Elle venait de s’effondrer devant lui, il avait bien le droit de comprendre pourquoi…

« Je ne suis pas habituée à travailler autant. J’ai commencé jeune, certes, mais en tant que vendeuse de fleurs. Ici, il s’agit de trimer, de se blesser mais de continuer malgré tout. J’ai besoin de cet argent. Et comme je refuse d’être la fille de joie de ces messieurs, je ne peux gagner cet argent en plus. Et puis, presque toutes les servantes le font… C’est considéré comme plus noble que de laver les chaudrons alors, il y a de moins en moins de servantes pour laver les chaudrons… »

A sa demande pour le lendemain, la jeune femme vit bien la faveur déguisée et un sourire empli de remerciements fit rayonner le joli visage. Elle inclina la tête mais comme il avait si bien caché la faveur, elle y répondit comme si c’était un ordre, avec néanmoins la douceur de tantôt retrouvée.

« Bien Signor Lully, à votre service. »

Elle retint un remerciement qui se lisait dans ses yeux. Il s’agissait maintenant de rentrer dans sa chambre et laisser le compositeur travailler mais il devança ses pensées, supposant – et avec raison – qu’elle n’arriverait pas à rentrer dans sa chambre ce soir. Et en sortant le lendemain matin, elle aurait exactement la réputation qu’elle craignait tant d’avoir. Mais avait-elle vraiment le choix ? Elle n’allait pas léviter jusqu’à sa chambre, cela n’était pas encore dans ses moyens. Elle regarda le lit qui avait quand même l’air outrageusement plus confortable que le sien qui n’était qu’une paillasse au fond. Et dire qu’elle avait failli l’inviter chez elle… Elle comprenait mieux pourquoi il avait insisté pour aller dans sa chambre à lui. Relevant ses yeux bleus vers lui, elle se mordilla la lèvre de gêne.

« Je ne veux pas vous priver de votre sommeil Seigneur Lully… Je peux me reposer une heure sur la chaise et partir, ce n’est vraiment pas un problème. Je serai discrète et ne ferai pas de bruit. »

Son genou continuait à la lancer. En effet, c’était elle qui s’était blessée et elle s’était inquiétée pour lui, c’était bien comme cela qu’elle fonctionnait la belle Louise. Ou peut-être que justement, le fait qu’elle-même soit blessée et souffrante, la rendait d’autant plus empathique des douleurs que le compositeur pouvait s’être infligé dans sa folle cavalcade à travers les jardins et les couloirs glissants. Doucement, avec une infinie délicatesse, elle prit la main de Lully de ses deux petites mains autrefois délicates, aujourd’hui détruites et déposa un baiser sur le dos de sa main.

« Je vous remercie infiniment pour votre bonté, seigneur Lully. »

Qu’aurait-elle fait en effet si elle n’était pas tombée sur plus clément ? Enfin… en même temps, pour quelqu’un de moins sympathique, elle n’aurait sans doute pas couru pour lui rendre son violon, et elle ne serait pas tombée ; enfin, tout ceci ne serait pas arrivé pour un autre. Et au fond, Louise n’avait-elle pas au fond un peu l’impression de lui devoir cela après l’avoir refusé ? Après tout, Battista Lulli était belle homme, passionné, d’une grande tendresse lui avait-on dit et puis assez courtois lorsqu’il n’était pas embrumé par l’alcool. Alors pourquoi le refuser ? C’était cela en fait, c’était par remords qu’elle lui avait couru après, s’était inquiétée, avait cherché à le ramener en sûreté ! Ou même… par regret ? Une partie de la jeune femme – aussi infime soit-elle – regrettait peut-être de s’être refusé à elle. La jolie blonde avait découvert les plaisir de l’amour avec feu son époux et il fallait avouer que cela faisait partie de ce qu’elle regrettait de cette ancienne vie : partir, loin grâce aux caresses de celui que l’on aime…

Elle se rendit soudain compte qu’elle divaguait dans ses pensées et releva un visage beaucoup plus détendu, calmé, vers l’italien. D’un ton presque enjoué même, elle lança :


« Vous n’alliez pas me faire entre la canarie ? »  
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Auréolé d'alcool et empestant la gloire... (PV Louise Julien) EmptyMer 6 Nov - 1:09

Lully retint un léger (?) éclat de rire : veramente, il avait bien vu qu'elle se refusait aux messieurs ! Il l'avait bien constaté, lui qui s'était gentiment mais fermement vu refuser toute relation avec la donzelle. Ce à quoi elle n'avait peut-être pas pensé, c'est justement que récurer les chaudrons voulait aussi dire... avoir des relations sexuelles. Allons bon ! on allait encore l'accuser de ne penser qu'à ça, et on n'allait peut-être pas avoir tort... Il avait quand même réussi à la ramener dans ses appartements et à l'installer sur son lit...

« E tou fais cé qué les autres né font pas, commé ça, sans rien dire ? » marmonna le compositeur, connaissant assez le caractère de la Julien pour connaître d'avance la réponse : elle était trop dévouée, bien trop dévouée pour espérer un jour s'imposer quelque part. Elle allait laisser les autres domestiques profiter éhontément de sa gentillesse, se tuer au travail (comme elle disait si bien) et n'y rien gagner, parce qu'on ne gagne pas en courbant simplement et servilement l'échine : s'il convient de baisser le dos pour ramasser les pièces, il est également nécessaire de le redresser de temps en temps pour défendre l'argent gagné. Baisser la tête pour mieux mijoter des plans : voilà son éthique du parfait petit corteggiano. Une éthique que la Louise ne partagerait jamais, qu'il s'abstiendrait bien de lui signifier, sans doute parce qu'il savait qu'elle la connaissait sans l'accepter. « Non è il migliore medio di comportarsi di fronte a queste serve...1 », se contenta-t-il de soupirer.

De toute façon, les choses demeuraient ce qu'elles étaient. Il venait de lui offrir son hospitalité pour la nuit ; elle, d'accepter, les larmes aux yeux. Elle lui baisait même la main, sa main de paesano de la vallée de l'Arno, moins délicate que celles des petits musiciens français. Ses mains à elle n'étaient pas non plus celles des délicates comédiennes, mais celles d'une servante... Au fond, ils faisaient bien la paire.

« Ho detto2 che tou pouvais dormire dans lé lit, jé maintiene. Là-dédans », et il désigna son front, « c'è trop dé cose, pour domani e pour après. Jé dois les écrire, sinon, elles vont partire. Lé sommeil, basta così, ça attendra. Allora, profite dé l'occazione, no ? »

Et, disant cela, il la quitta et retourna s'asseoir au clavecin, bien décidé à poursuivre sa noble tâche. Le compositeur trempa sa plume dans l'encre, noircit un début de portée, fredonna les quelques notes, sans se préoccuper même de la jeune femme pendant quelques instants. Elle lui demanda s'il allait jouer la canarie, il la joua : heureusement, l'air était bref, et il jouait vite, parfois un peu maladroitement - un reste d'ivresse, sans doute. À certains moments, il chantonnait autre chose, comme sous le coup d'une inspiration soudaine, puis revenait à la mélodie qui naissait sous ses doigts. Puis, quant il eut fini :

« Luigina, tou pourras dire che tou as entendou la prémière cet air dé Loully », s'exclama-t-il avec autant de légèreté que d'autodérision. On disait le compositeur fier et ombrageux au sujet de ses oeuvres. Si ce n'était pas entièrement faux, voilà du moins la preuve que ce n'était pas entièrement vrai non plus. Pour tout dire, c'était moins une question d'orgueil que de compagnie : en "bonne" société, il lui semblait préférable de jouer la carte de l'humilité sans fausse modestie ; or, il connaissait la mesure de son talent, ce qui le faisait à tort passer pour vaniteux auprès des fats (toujours enclins à voir la paille dans l'oeil du voisin plutôt que la poutre dans leur propre oeil). En compagnie de gens du peuple, il se faisait nettement plus abordable, blagueur, aussi... bref, méridional. Et face au roi... eh bien ! face au roi, il préférait jouer celle de la sincérité sans fard, au risque de déplaire.

Soudain, il lui revint en mémoire que la pauvre fille était éreintée d'une longue journée et que ses danses, aussi merveilleuses soient-elles, n'étaient peut-être pas la plus belle musique à ses oreilles : celle du sommeil sonnait mieux encore.

« Mainténante che la canarie est finita, buena notte », dit-il en se levant et en s'apprêtant à passer dans la petite pièce attenante, celle qui servait à faire répéter une frange des violons lorsque c'était nécessaire. Il y avait une épinette (une sorte de petit clavecin) et du papier à musique : nul besoin d'autre chose pour composer, si ce n'est d'encre, de plumes et de lumière. Et il concevait que la Louise, en femme qu'elle était, préférât dormir seule qu'en compagnie d'un musicien italien aux moeurs réputées... légères, très légères.

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