Gabrielle de Rochechouart de Mortemart est née un jour pluvieux de l'année 1633 dans l'antre du domaine familial. Son enfance est heureuse même si solitaire jusqu'à l'arrivée de Louis-Victor, son frère. L'éducation stricte qu'elle reçoit de sa mère - la jolie, sage et pieuse Diane de Grandseigne - lui fait tout d'abord, lui tenir peu d'estime. Quant à son père, il la néglige pour ses maîtresses et pour ses nombreux amusements.

L'aînée de la fratrie Mortemart décide alors de devenir un curieux phénomène. Oui le mot est dit : "décider". Car c'est bien ce qui s'était produit... La petite Gabrielle dotée d'un fort caractère, décréta un beau jour de mai qu'elle ne se lasserait jamais de braver les règles et les interdits. Peut-être qu'ainsi, Monsieur de Mortemart la remarquerait enfin ? Peut-être lui accorderait-il un peu d'attention, alors ?

Le temps passa et elle n'obtint hélas, rien de tout cela. Le duc son père était resté résolument sourd, aveugle et muet devant la multitude de bêtises et farces essayées - en guise de brouillon - sur les serviteurs et caméristes du château, lesquels désormais fuyaient la demoiselle telle la peste. Madame la duchesse la fustigeait pour ses impertinences. Bonne dévote qu'elle était, Diane en vint même à soupçonner sa fille d'être habitée par le démon.

Devant tant de dédain la future petite marquise s'en tint là, mais le goût de la bravade l'avait d'ors et déjà atteint. Cette sensation grisante, ce sentiment exalté qu'elle venait à ressentir lorsque d'un revers de main, elle ignorait la proscription... La chose était inédite et trop précieuse pour être gâchée. On confia alors son éducation religieuse aux sœurs du couvent de Sainte-Marie, cependant elle n'en sortie guère plus raisonnable et pieuse.  

En 1651, la jeune Gabrielle apparaît officiellement à la Cour du petit Roi Louis XIV et devient par ce fait Mademoiselle de Mortemart première du nom. Alors que la Fronde des Princes demeure à son summum la demoiselle, elle, se distrait de mille manières dont une plus particulièrement... Laquelle lui fait risquer le courroux de la Reine Anne d'Autriche : en grande enfant, il lui arrive de s'inviter parmi les convives du Roi qui âgé de 11 ans tient des tablées extraordinaires où la petite aristocratie se plaît à s'amasser. S’immiscer ainsi auprès de si jeunes gens, lui fait retrouver - bien qu'éphémèrement - un nouveau souffle de candeur et d'innocence mêlées.

Elle observe avec intérêt ce monde minuscule qui bientôt deviendra si grand... Le Roi et Louis-Victor s'imaginant vivre de périlleuses aventures chevaleresques, ne connaissant pas de fin. Le petit Monsieur qui traîne dans son sillage sa poupée préférée en la personne de Françoise-Athénaïs sa sœur, laquelle rit de se voir enrubannée d'autant de tissus colorés.

Mademoiselle de Mortemart veille secrètement sur ces têtes blondes insouciantes, puis lorsqu'elle en ressent l'envie, flâne aux côtés de la Grande Mademoiselle, Anne Marie Louise d'Orléans de Montpensier et tant pis si cela lui attire les critiques de Mazarin.

Gabrielle est de toutes les festivités, de tous les événements. On l'écoute parler de la noblesse ancestrale de sa Maison ou bavasser des arts en vogue. Elle a toujours de bons contes à narrer et comme elle sait bien raconter, il est aisé de lui prêter oreille.

Le 2 juin 1655 on la marie à Claude-Léonor de Damas de Thianges, marquis de Thianges. Une union qui la ravit peu, voire même pas du tout ! Une Dame d'aussi noble sang qui épousait un petit marquis provincial... C'était à peine croyable.

Elle refuse tout net de résider permanentement au château de Quincey, demeure perdue dans une épaisse forêt Bourguignonne. Son époux ne s'en fâche pas et se résout à la laisser rejoindre son amie la Grande Mademoiselle - alors en disgrâce auprès de la Reine mère - dans son château de Saint-Fargeau.

Néanmoins consciente de ses devoirs, la marquise conçoit et accouche de Diane Gabrielle en 1656, puis de Louise-Adelaïde en 1659, de Gabrielle en 1662 et de Claude-Henri Philibert en 1663. Elle les emmène avec elle à la Cour, qu'elle fréquente assidûment.

Confidente de sa sœur, la très spirituelle Françoise-Athénaïs, - devenue marquise de Montespan il y a peu - elle dépense un temps infini à ses côtés avec un plaisir non dissimulé. Elle s'adonne également à nombre d'enfantillages avec le Roi, lequel ne la ménage pas de ses piques.

La marquise raille encore et toujours cette bonne vieille Cour assistée de Louvois et de la Rochefoucauld... Et puis, quand le temps y est favorable, Monsieur -toujours de bonne compagnie - l’emmène faire une promenade en calèche.

Ainsi va la vie de Madame de Thianges et rien ne semble vouloir la troubler...

Enfin, pour le moment.

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