Droit devant son grand miroir à pied, Van Haack s'apprêtait.
En se revêtant de son habit d'apparat noir anthracite , ou le blanc de son col de chemise, ainsi que l'orange vif de sa ceinture, tranchaient crûment avec l'ensemble, si sobre et ténébreux. Les citoyens hollandais étaient ainsi, et plus encore les fidèles protestants. Rigoriste, austère, tout en sobriété, du moins dans leur mise. Niklaus ayant, également, du sang flamand, sa jovialité et son art de vivre contrebalançaient largement le penchant puritain de sa personne. Contradictions d'un joyeux noceur souvent déchiré entre toutes les tentations de la jouissance, et sa passion pour l'idéal de vertu, sa foi, le soucis du salut de son âme. Écartèlement, aussi douloureux, en sa conscience entre ses aspirations d'autrefois et la pratique politique, spécialement à la cour de France. Choc et affrontement ou se heurtent morale et ambitions, compromissions et valeurs encore défendues. Et les intérêts. Ceux, supérieurs, de la Hollande, (qu'il s'agit de défendre ardemment), et ceux, plus secondaires, que tout un chacun est en droit de nourrir. A quel prix? Par quels moyens? Le pouvoir et l'argent permettent de repousser toutes les limites, mettant à l'épreuve la sagesse que l'on s'efforce de cultiver dans une existence chaotique.
Van Haack souhaitait œuvrer pour le souverain bien. Mais si la gloire de son pays nécessitait la guerre et des alliances contre nature?
L'alliance avec la France, avec ce lion affamé, qu'il fallait surveiller autant que cajoler. Avec cette angoisse permanente, qu'un jour, le fauve se tournera fatalement contre vous. Cette union de façade ressemblait davantage à une rivalité en sommeil qu'à tout autre chose. Du moins pour l'heure du temps était glané et Albion souffrait et vacillait.
Niklaus fixa intensément son reflet approximatif...lui renvoyant une image déformée, tronquée de lui même. Vraiment? Parfois, il en doutait presque. Rien à voir en tout les cas avec le dernier portrait qu'il avait fait peindre de lui, récemment. Mais à quoi se fier?
Au miroir aux âmes, ou en son image de commande?
-Excellence? Pardonnez moi.
S'extirpant de ses songes, l'ambassadeur considéra, sourcils froncés, son secrétaire. Qui eut pour lui un regard entendu. Oui, évidemment.
-Oui, le Duc. Je suis prêt.
Une fois sa longue perruque ajustée et son large chapeau noir posé par dessus...puis enfin sa canne en main, le marquis pouvait quitter ses
appartements. En son absence son fidèle secrétaire se chargerait des affaires dites courantes. Escorté et guidé par un serviteur dévoué Niklaus fit le trajet de l'aile des courtisans et invités à celle des salons sans trop tarder. Afin de rejoindre avec diligence le lieu de rendez vous. De l'entrevue entre le hollandais et le duc de Vivonne. Encore un couloir à arpenter, quelques silhouettes à saluer, et nous y voici. Devant l'intéressé, installé confortablement dans un épais fauteuil. Haack fit voleter son couvre chef, de même que quelques poussières, de ci, de là. Nous y voilà.
-Monsieur le Duc, je vous salue.
Entrée en matière convenue et convenable.