Le Savoyard, une figure pittoresque du Pont-Neuf. Figurez-vous un grand gars, costaud, ventru, sans doute apparenté de loin au Colosse de Rhodes, mais vêtu de loques : une vieille cape miteuse et trouée, des chausses qui ne valent guère mieux, un jabot qui ressort tant bien que mal de la chemise de drap grossier. Avec ça, la figure colorée, large et ronde, l'air réjoui en permanence, et flanqué d'un "accompagnateur", enfant ou femme : le Savoyard est aveugle, depuis qu'un excès de paillardise a eu la bonne idée de le clouer au lit. Du moins, c'est ce qu'il dit, avec un grand sourire : difficile de démêler le vrai du faux. En tout cas, il n'a pas l'air fort malade !

De son passé, on ne sait pas grand chose : fils d'un chanteur de rue, le Savoyard semble avoir toujours été là, aux pieds de la fontaine dela Samaritaine, chantant d'une voix de stentor (deux doigts d'eau de vie, dit-on, suffisent à le faire entendre jusqu'au Louvre) des airs populaires en s'accompagnant de sa vielle à roue. Sans doute a-t-il commencé sa carrière comme mendiant, avant de trouver sa véritable voie dans la musique : en tout cas, dans ses chansonniers, il se défend d'appartenir aux voleurs. Car oui, le Savoyard a publié trois chansonniers au cours de sa carrière, ce qui n'est tout de même pas rien lorsqu'on est sorti du ruisseau !

Factuellement... on ne sait pas grand chose, en fait. Seul Charles Coypeau d'Assoucy évoque le Savoyard dans les premiers chapitres de ses Aventures burlesques : le personnage (assez largement décrit, je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil) y livre un combat sans merci à coups de gigot contre un faux dévôt dans une auberge de voyage. Voilà qui donne une petite idée du caractère de notre Philippot ! Après quoi, on sait qu'il traîne sur le Pont-Neuf depuis les alentours de 1640 : on retrouve déjà sa trace dans les mazarinades (Cyrano en parle dans Le Ministre d'État flambé en 1649), on la retrouvera évoquée dans les Satires de Boileau.

En tout cas, Philippot était célèbre, et il en était fier ! Non seulement il a su charmer tous les passants du Pont-Neuf, assurer sa renommée par ses lazzi et par la publication de ses oeuvres. S'il mendiait toujours aux sons de sa vielle, il gagnait bien son écot. Qui sait ce qu'il en fit, excepté le boire ?

Les relations qu'entretient Philippot avec la pègre sont laissées à la convenance du joueur : elles peuvent soit être une collaboration (mais astucieusement cachée), soit être une simple coexistence (il a été mendiant et connaît sans doute la cour des Miracles) basée sur une menace ou une reconnaissance, soit être effectivement inexistantes. En somme, le perso est assez libre, tant qu'il garde son côté pittoresque.

Ah... Et qui vous recommande?: