09 novembre 1616
Parce que l'on naît tous un jour
Rue Saint-Antoine, un cri, dans la nuit, perse, l'espace d'un instant, le vacarme incessant des rafales de vent qui font claqué des volets. Un bébé pleure.
"Monsieur Roux, c'est un garçon!" S'exclame la voix fluette de la sage-femme, en sortant de l'une des chambres se trouvant au-dessus de la boulangerie
Le pain de la Porte. Le sourire joyeux de Gabriel Roux à l'annonce de la bonne nouvelle disparu vite, en voyant l'air sombre de la sage-femme sous ses paroles joyeuses.
"Que se passe-t-il!?" Demanda-t-il en crispant les mâchoires.
"Il va vous falloir être fort, Monsieur Roux: si votre fils est venu au monde, votre épouse n'a pas survécu à l'accouchement." Répondit-elle, après un instant d'hésitation. Gabriel devint cramoisi et eu besoin d'aller s'asseoir. La sage-femme respecta son silence et les quelques minutes dont il eu besoin pour digérer l'information.
"Elle voulait appelé notre enfant Cécile. Moi, je préférais Camille. Je crois que ce sera Camille-Cecil, finalement..." Finit-il par dire, plus pour lui-même que pour quelqu'un d'autre.
Gabriel allait devoir s'occuper d'un nouveau-né seul, tout en s'occupant des obsèques d'une femme avec qui il était marié depuis dix ans et en gérant la boulangerie que son père lui avait légué, à sa mort, une année et demi au par avant.
Pour le petit, il pouvait toujours demandé à sa mère de l'aider, les premiers temps, mais comment faire pour l'aimer? Comment faire pour pouvoir le regarder sans laisser transparaître le fait qu'il lui en voulait d'être en vie alors que la femme qu'il aimait était morte pour que lui puisse vivre? Allait-il pouvoir l'aimé? Comment est-ce que son fils - parce que Camille-Cecil était bel et bien son fils, Gabriel ne pouvait pas le nier - allait-il pouvoir surmonter l'idée qu'il était né avec la mort de sa mère sur la conscience?
Trop de questions se bousculaient dans la tête de ce trentenaire, père pour la première fois de sa vie, cette nuit du 9 au 10 novembre 1616.
03 août 1626
Ou l'art de vouloir emmerder encore plus son géniteur
Aussi loin qu'il s'en souvienne, Camille a toujours été fourré à la boulangerie familiale. A l'âge de dix ans, Gabriel Roux, son père, avait commencé au métier de boulanger - différents pains, miches, croissants, quelques pâtisseries (bien qu'il est toujours été nul, en pâtisserie, au grand damne de son père) -, pourtant, il a des souvenirs des quelques années auparavant où il était fourré dans les jupes de sa grand-mère, dans le magasin, pour l'aider à servir les clients.
Môme, Camille-Cecil n'aimait pas tellement le travail de boulanger. Pas à cause des horaires, mais surtout à cause de son père. La relation entre le père et le fils Roux ont toujours été tendues. Si Camille avait l'impression de tout faire pour avoir la reconnaissance de Gabriel, ce dernier ne donnait pas l'impression d'être fier de lui.
Alors, dès qu'il le pouvait, pour échapper à la pression paternelle, Camille se faufilait hors du
Pain de la Porte ou de l'appartement qu'il partageait avec son père et sa grand-mère pour aller s'amuser dans la rue. C'est là que, ce jour de début août 1626, en courant sur un petit muret qu'il est tombé et qu'il c'est fait une entorse. Le médecin avait fait comprendre à Gabriel que son fils ne pourrait pas travailler pendant quelques jours, bien que ce n'était qu'une simple entorse. Derrière le soupir de son père, Camille aurait sûrement compris le soulagement de son géniteur de savoir que son fils n'avait rien de grave, mais il était trop petit pour le comprendre. Pour peu qu'il est eu envie de comprendre...
8 mai 1636
Les oiseaux chantent, le soleil brille, les arbres sont en fleurs, les animaux en... oui, non, en fait, le printemps ou la saison où les ailes nous poussent
Camille-Cecil et Octavie se sont mariés le 8 mai 1636. Le père d'Octavie était apprenti boulanger en même temps que Gabriel, du temps où c'était encore le père de ce dernier qui gérait la boulangerie familiale. Les deux hommes c'étaient un peu perdus de vu, lorsque le père d'Octavie était parti travailler dans une autre boulangerie de Paris, mais ils c'étaient revus, une dizaine d'années plus tôt, Camille ne sait plus trop pourquoi, c'est là que les deux jeunes c'étaient rencontrés là. Quelques années plus tard, Octavie était venue au
Pain de la Porte pour se former au métier de vendeuse. Elle n'a jamais quitté la boulangerie, elle et Camille c'étant considérablement rapprochés, au fil des années...
13 novembre 1638
L'adieu au père...
Cordélia est née le 2 mars 1637. Si Camille ne s'attendait pas à être père si tôt, la naissance du bébé a au moins eu l'avantage de rapprocher un peu le jeune homme de son père - devenu un peu papy gâteux au contact de sa petite-fille - même s'ils n'ont pas réussi à régler tous leurs différents, avant le décès de Gabriel, en automne 1638.
A vingt-deux ans, Camille se retrouvait donc seul à gérer la boulangerie familiale, ce a quoi son père avait déjà commencé à la préparer, quelques années plus tôt, et dont il lui avait déjà gentiment laissé les reines, quelques mois avant sa mort.
24 décembre 1646
C'est le deuxième... et le dernier
Cordélia aura réclamée pendant plus de neuf un petit frère ou une petite sœur, avant que ses parents n'arrivent enfin à exaucer son souhait. Théophile est donc né la veille de Noël, alors que
Le Pain de la Porte avait fermé quelques jours, le temps que les fêtes de décembre se passent.
Les deux enfants ont grandi dans la boulangerie tenue par leurs parents. Le frère et la sœur étaient des enfants curieux, qui voulaient toujours savoir ce que leur père et ses employés faisaient, dans les laboratoires, comment ils faisaient tel ou tel chose et pourquoi, quitte à régulièrement se faire rabrouer par Camille qui ne supportait pas de toujours les avoir dans ses pattes ou de les voir le nez coller aux fours et préférant voir sa fille au magasin, avec sa mère. Et si Cordélia pouvait être une enfant téméraire et insolante, voulant toujours tout essayé, son jeune frère a toujours été plus calme et plus obéissant face à l'autorité parentale, bien que sa sœur c'est assagie, au fil des années.
1657
Voler de ses propres ailes
Ce début d'année-là, Camille commença à sérieusement former Théophile au métier de boulanger, comme son propre frère l'avait fait avec lui, des années au par avant.
Ce fut aussi l'année où, à la mi-juin, Cordélia épousa Côme, un marchand de tissus souvent sur les routes pour vendre ses étoffes.
Camille eu du mal à admettre que Cordélia, son bébé, sa princesse, sa petite fille chérie, était désormais grande et qu'il ne la verrait plus dès la première heure du matin.
"Mais ne t'inquiète pas, Père, je serais toujours là, au magasin, pour aider Mère", avait assuré la jeune femme.
Et le 6 juin 1664 est née la petite Cerise, pour qui Cordélia a préféré rester à la maison pour s'en occuper, retournant tout de fois au
Pain de la Porte, de temps à autre, lorsque ses parents ont réellement besoin d'une paire de mains supplémentaires, au magasin.
Septembre 1666
La vie continue
Théophile est marié, depuis six mois, avec Ariane qui, depuis, travaille au magasin avec Octavie, et, depuis deux ans, il est passé du stade d'apprenti à celui d'employé, toujours sous les ordres de son père. Père qui, depuis, a repris deux apprentis, Cyrille et Didier, deux frères orphelins qu'Octavie avait arrêté la main dans le sac en train de vouloir voler du pain et à qui Camille avait décidé de laisser une seconde chance et leur proposant de les former pour pouvoir acheter leur pain, plutôt que de le voler, tout en leur proposant de les loger dans une chambre, au-dessus de la boulangerie.
La vie aurait pu continuer comme ça, tranquillement, partagé, pour Camille, entre son travaille, la formation de Cyrille et Didier et les visites chez sa fille et sa famille. Et puis, le 20 janvier 1666 est décédée Anne d'Autriche. Au
Pain de la Porte, la journée de travail c'est terminée normalement et, dans la soirée, Camille, Octavie, Théophile, Ariane, Côme, Cordélia, Cerise, Cyrille et Didier se sont tous retrouvés dans la salle à manger-cuisine de l'appartement au-dessus de la boulangerie pour veiller et faire une dernière prière pour le salue de la Reine-Mère. Louis XIV se retrouvait donc seul à la tête de la France, mais pour les Roux, après la mort de la reine Anne, la vie a repris son cours normal.
Et puis, les rues de Paris ont commencé à s'agiter. Début septembre, Camille était là, place de Grève, lors de la décapitation de Grégoire l'Araignée. Il ne peut pas nier que, comme beaucoup, il a été réjoui de sa mort, mais, depuis, il trouve les rues de Paris plus agitées que d'habitude.
Camille préfère ne prendre parti, pour le moment, mais il se rend bien compte que vite, TRÈS vite, il va devoir arrêter d'être indécis...